Aujourd’hui, le temps à Athènes est maussade. La voiture de Martin Schulz est sortie du Palais présidentiel ce matin sous une pluie fine. Cet homme politique et Président du Parlement européen, passionné de livres et de social-démocratie a sans doute transmis un message à notre Président de la République usé, mais alors lequel ? Coïncidence (?), car ce même jour, Angela Merkel a téléphoné à Carolos Papoulias (tanea.gr). Martin Schulz, en sortant en tout cas, a répondu courtoisement au salut des policiers assurant la circulation et la sécurité autour du bâtiment. D’ailleurs, les mesures de sécurité n’étaient, ni draconiennes ni si exceptionnelles pour une fois, le Président de la seule instance de l’U.E., issue du suffrage citoyen direct, n’a visiblement pas grand-chose à craindre en Grèce.
Les journalistes, peu nombreux, ont attendu durant un long moment, la sortie de Martin Schulz sur le trottoir d’en face, ainsi ils ont eu le temps d’ironiser entre eux, sur l’emploi de la langue anglaise par Alexis Tsipras.
Ce dernier, vient d’accorder une interview à CNN (17 mai), rappelant les positions de son parti : « La politique de Madame Merkel est dangereuse pour l’euro », dans un anglais hésitant et incorrect, mais finalement, la planète Washington a tout compris, c’est l’essentiel. Rien à voir évidemment, avec l’américain parfait de Georges Papandréou, sauf que c’est sa langue maternelle. Pourtant, Georges le polyglotte, s’est avéré être un piètre négociateur, pour les intérêts de la Grèce en tout cas. Mais enfin, après le « sacrilège linguistique » commis par le chef de SYRIZA, les très mauvaises langues médiatiques n’ont pas perdu un seul moment de réflexion et de suggestion : « Tsipras parle mal l’anglais, il ne pourra pas assumer le rôle de Premier ministre, au cas où il serait élu ».
Il est vrai que ces derniers jours, toute la presse (contrôlée) se déchaîne contre SYRIZA, à tel point que dès ce matin, les dirigeants de cette formation sont en train de peser le pour et le contre, pour ainsi complétement boycotter la chaine MEGA, pas de décision pourtant vendredi soir. Sur la même ligne, Théodoros Pangalos du très vieux PASOK, déclare que « ces types de SYRIZA, ils seraient capables de tout une fois avoir atteint le 25%, y compris commencer les exécutions » (télévision SKAI – 17 mai). Pareillement, les politiciens de la Nouvelle Démocratie, abusent d’un verbiage anti-gauche, exhibé tout droit, du placard de la Guerre civile, comme si Alexis Tsipras était la réincarnation du général Markos.
Visiblement, le système local est à son avant-dernier délire. Local seulement, il me semble. Non, ce n’est pas la survie du capitalisme mondial qui se joue en Grèce que je sache, mais celle du système « paléo-centrique » du bipartisme para-politique de la Nouvelle Démocratie et PASOK en Grèce. Ils peuvent finalement encore gagner les élections tous réunis face à SYRIZA, mais leur système est de toute façon, finissant. Trente années de privilèges et d’enrichissement mafieux incontrôlables, ne peuvent pas passez ainsi à la trappe, on joue alors les prolongations, et avec acharnement. De même, les magnats de la presse, promoteurs immobiliers, armateurs et autres entrepreneurs dont la consanguinité avec les politiciens dans l’affairisme est devenue consubstantielle de leur « République Hellénique », savent qu’avec SYRIZA, les choses peuvent changer.
Certains cadres SYRIZA sont pourtant inquiets ces derniers jours et pas seulement sur l’issue de la bataille politique. Ils constatent que leur mouvement risque de se « droitiser », au fur et à mesure que le pouvoir serait potentiellement, à portée de main. Et surtout qu’en Europe (et pas seulement qu’au sein de l’Union Européenne), on porte desormais un regard plutôt bienveillant sur cette nouvelle gauche en Grèce. D’où aussi, certaines craintes, au PASOK notamment. Cette formation historique du Papandréïsme, est en train de disparaître. Si SYRIZA confirme sa place et son « pragmatisme », certes « combatif » comme le proclament déjà certains de ses cadres, il réorganisera le centre-gauche en Grèce, et ceci, à un moment où le train pendulaire de l’histoire européenne peut sous certaines conditions, suivre le même aiguillage.
Sous cet angle, et indépendamment des résultats immédiats des législatives du mois de juin en Grèce, le centre-gauche européen, risque d’ignorer le PASOK, progressivement, puis, définitivement. Après tout, ce PASOK n’a jamais été un parti social-démocrate à la manière et aux vérités... compliquées des autres partis, de la même étiquette politique, en Europe occidentale en tout cas. Au mieux, c’était un parti très balkanique, pour ne pas dire un conglomérat sociétal de type moyen-oriental à la manière d’un parti (également) baassiste, sauf que les camarades pasokiens, ont toujours voulu brouiller le pistes sur ce qu’ils pratiquèrent véritablement, tout comme leurs alter ego, à savoir, les « libéraux » de la Nouvelle Démocratie. Et Bruxelles alors, fut-elle une « simple ignorante » ? Non, mais passons. En tout cas, le vieux personnel politique de notre Baronnie, risque de ne plus apporter autre chose que des ennuis à Bruxelles, surtout dans la mesure, où ils sont en train de perdre la bataille du Mémorandum, d’où leur ultime acharnement : défendre le Mémorandum, déjà foudroyé en plein vol entre Paris et Berlin, puis, faire admettre aux sujets hellènes et à tout le gotha transnational, que leur petit sort politique serait si intimement lié à la survie de l’euro.
Ils s’acharnent donc sur le « danger que représente SYRIZA pour le maintient du pays à cette zone de stabilité que constitue l’euro », et rependent ainsi le doute et l’insignifiance, la leur. Comme si la zone euro et sa crise, était une affaire grecque et non pas, un labyrinthe allemand, français, voire même, américain. Je ne sais pas par contre dans quelle mesure mes concitoyens réaliseront suffisamment cette « simple » vérité, avant les élections de juin pour ainsi se débarrasser de toute peur inutile. Mais personne ne peut le dire en ce moment avec précision. Ce qui est certain par contre, tient plutôt de la dramaturgie du labyrinthe, car bientôt le casting prendra fin, et on distinguera alors mieux qui incarnera, Ariane, Thésée ou le... Minotaure. Le rôle du Minotaure surtout, reviendra alors aux des banques ou aux peuples ? Mystère !
Hier encore, sur la place de la Constitution par beau temps, les premiers touristes se faisaient photographier devant l’Assemblée Nationale, ou devant Loukanikos et sa meute, au même moment, certains chats ont opté pour les chaises des cafés s’y incrustant. Sur les marchés, des vieilles femmes vendent encore des légumes dans des bocaux, mais elles guettent de temps à autre l’arrivée de la police municipale, mais en général, les agents restent compréhensibles : « Oui Madame, on ne vous fera pas un procès pour quatre conserves, nous savons que vous vivotez... nous aussi ».
Par contre, et pour une raison encore inconnue, on va « réviser » le procès de Socrate et par une heureuse coïncidence nous connaitrons ici à Athènes, une vision allemande de la crise à travers l’art du Théâtre (pour ceux qui peuvent encore se payer une place de spectacle), événement exceptionnel, car en Grèce, tout le monde pense que la seule Allemagne est celle de sa Chancelière. Dans le domaine artistique toujours, on se représente, la « Catastrophe du Parthénon » par Lord Elgin (ambassadeur britannique à Constantinople, initiateur du transfert à Londres des marbres du Parthénon entre 1801 et 1805), mélanges je dirais, de saison. Sans oublier les festivités, très discrètes cette année, autour de la flamme olympique, sauf qu’elle inspire les carricaturistes de « The Economist », mais pour bien d’autres raisons. Ouverture de la session parlementaire hier, mais clôture aujourd’hui ou demain samedi, cette législature « d’un seul jour », est la plus courte de notre histoire récente. Des enfants venus de Roumanie mendiaient sur les terrasse des cafés, un petit instrument de musique à la main. En scrutant le ciel d’Attique on distingue bien les avions des migrations saisonnières ou definitives. À aéroport, les touristes croisent les Grecs qui partent, certains pour se faire une place ailleurs, au soleil ou sous la pluie également, c’est selon. En 2011, plus de 23.000 sujets hellènes, ont émigré vers l’Allemagne, la métropole de l’euro, [1].
Ceux qui restent, recherchent fébrilement le sens et la couleur du prochain vote : « J’ai toujours voté PASOK, moi ainsi que tous mes collègues au sein de notre service au ministère, mais cette fois-ci, le choix c’était Chryssi Avghi (Aube dorée) pour une bonne moitié d’entre nous, eh... moi... j’ai voté pour le dissident de la droite anti-mémorandum, Kammenos, et toi ? » « Moi tu sais bien, j’ai toujours voté KKE, les communistes, mais en juin je voterai SYRIZA, Tsipras. » « Attention ma chère, c’est notre avenir qui se joue, réfléchis bien, tiens je te fais une confidence : mes amis à la police, m’ont raconté certaines histoires pas fameuses sur Tsipras, je ne peux pas te les raconter, mais il ne faut pas voter pour lui. » « Si, si Matina, je ne changerai pas d’avis, eh... on descend à la prochaine station, non ? », dialogue, entre deux femmes en âge de voter depuis presque trente ans déjà. Elles avaient emprunté le métro à Syntagma pour éviter la pluie. Sale temps, vraiment, et toujours aussi instable.
Et pour finir, une organisation jusqu’alors inconnue : « les amis de Loukanikos », vient d’incendier un véhicule appartenant à la famille Reichenbach à Potsdam. Horst Reichenbach, chef de la « Task Force » européenne en Grèce, connu de tous ici. Ces actes de vandalisme, ont été revendiqués par un groupe présumé grec, et la police allemande a ouvert une enquête, selon l’édition internet du journal Die Welt, attribuant cet acte à une organisation d’extrême gauche. Un vrai temps de chien.
[2].
Panagiotis Grigoriou
Nota bene
« Vendredi, François Hollande a de nouveau plaidé pour que la Grèce reste dans la monnaie unique, lors de sa visite à la Maison Blanche. « Nous avons la même conviction que la Grèce doit rester dans la zone euro », a estimé le président français. Dans le même temps, Berlin envoyait un autre signal : la chancelière allemande, Angela Merkel, a suggéré la tenue d’un référendum sur le maintien de la Grèce dans la zone euro en parallèle des législatives prévues pour juin, a annoncé le bureau du premier ministre grec par intérim » (lemonde.fr 18/05)
Cette intervention d’Angela Merkel vient de provoquer un tollé en Grèce, y compris chez les adeptes du Mémorandum.