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Paolo Gilardi : Pas trop déçu, Dimitris, de cette victoire de la droite lors des élections du 17 juin ?
Dimitris Hilaris : C’est une victoire à la Pyrrhus. Durant la campagne électorale les médias ont joué sur la peur, de la sortie de l’euro, des effets du non respect des mémorandums signés avec l’UE, de l’instabilité gouvernementale. La droite a ainsi réussi à capter les voix des couches sociales terrorisées par cette instabilité. Alors que Syriza a fait le plein des voix chez les travailleurs et les jeunes, la droite a engrangé les voix des classes moyennes et d’une partie plus âgée de la population. Mais, ni le parti de la nouvelle démocratie, vainqueur avec 29,66%, ni Syriza avec ses 26,89% n’ont réussi à mobiliser les 35% d’abstentionnistes. Syriza a pris ses dix points supplémentaires par rapport au 6 mai aux autres forces de gauche. La ND en a fait de même à droite.
Et maintenant ?
C’est là qu’on va voir que c’est une victoire à la Pyrrhus. Un gouvernement d’union nationale comprenant la ND, le PASOK et la gauche démocratique va être traversé par les mêmes contradictions qui traversent la société grecque. De plus, on n’a jamais connu, sauf pour de courtes périodes, de gouvernement d’union nationale en Grèce. Et celui-ci sera chargé d’appliquer les potions de la Troïka. Et avec, pour la première fois, une très forte opposition dans le parlement et dans la rue.
Justement, les mobilisations de rue…
Le résultat de Syriza, a donné confiance. Confiance en une dynamique sociale, celle des mobilisations des trois dernières années, mais aussi confiance dans la possibilité de faire exister, quelles que soient les ambiguïtés de Syriza, une force de gauche radicale.
Ainsi, cette situation favorise la discussion sur les alternatives car une exigence se fait jour de sortir de la protestation pour postuler à des solutions alternatives. Cela stimule la politisation, et ça, ce n’est pas bon pour le gouvernement.
C’est une dynamique sociale et politique qui est en cours. Et elle est à l’heure actuelle plus importante que la tentation, qui existe, de se reposer sur une forte représentation parlementaire de la gauche radicale. Il faut cependant se garder d’une division du travail entre mouvements, censés protester, et partis de gauche qui font de la politique.
Expression électorale des luttes, Syriza fait figure de modèle en Europe.
Comme le disent ses dirigeants, Syriza est « un parti de la normalité démocratique ». Mais, si Syriza respecte la légalité bourgeoise, cette dernière ne respecte aucunement Syriza. Et c’est dans cette dynamique que des choses peuvent se passer. Il ne suffit pas de dénoncer les ambiguïtés de Syriza –son programme est bien plus modéré que ses slogans– mais nous devons stimuler l’émergence d’un débat dans la gauche sur une alternative politique.
Nous, les forces de la coalition anticapitaliste, devons tirer les leçons de cette expérience. Nous avons besoin d’être partie prenante d’une dynamique sociale et politique qui veut le changement. Elle doit aboutir à un front unique avec Syriza et le Parti communiste, le KKE, autour de l’idée d’un gouvernement de gauche qui ne soit pas un gouvernement de gestion mais de rupture.
Ce qui veut dire ?
Ce qui veut dire annuler les mémorandums, rompre avec l’euro et l’Union européenne. Pas pour revenir à la drachme, mais pour priver la troïka de l’instrument de menace et chantage qu’est l’euro. En effet, comment parler de nationalisation des banques – ou de simple contrôle public de celles-ci come le fait Syriza – si nous ne sommes pas maîtres de la création de la monnaie ? C’est à nous de renverser la menace : si vous continuez avec vos diktats, nous pouvons sortir de l’euro. Et pour cela il faut convaincre les masses qu’il y a une vie au-delà de l’euro, mais pas en termes nationalistes.
Justement, à ce propos, l’extrême droite confirme sa présence.
C’est pourquoi c’est dans la rue qu’on doit la combattre, en replaçant la conflictualité sur le terrain social, pas national.
Certaines estimations parlent de 560 milliards d’évasion fiscale pour la seule année 2010. Que peut-on faire en Europe en soutien au peuple grec ?
La solidarité internationale nous est précieuse. On se sent moins seul au moment où l’on voudrait nous faire croire qu’on est un cas à part en Europe. Et puis, si vous pouvez mettre sous pression les banques pour qu’elles révèlent l’ampleur des dépôts des riches grecs…
Paolo Gilardi (Commentaire) : Le Conseil fédéral a bien donné la liste de 4000 citoyens américains titulaires de comptes en Suisse ; qu’attend-t-on pour exiger qu’il rende publics les noms des milliardaires grecs qui planquent leurs avoirs en Suisse ?