La crise vient de loin. Les candidats au conseil d’administration (CA) sont clairement divisés en deux camps, une partie soutenant la direction actuelle, l’autre s’y opposant. Au-delà des problèmes, réels, liés au fonctionnement autoritaire instauré par l’équipe en place, deux conceptions de l’avenir d’Attac s’opposaient, entre une Attac repliée sur elle-même, isolée du mouvement social en France et du mouvement altermondialiste en général, et une Attac résolument diverse et ouverte.
Rappelons une originalité d’Attac : l’association est structurée en deux collèges, celui des fondateurs et celui des adhérents. Le premier collège, regroupant des associations, des syndicats, des journaux ou des personnalités, constitue le caractère novateur d’Attac. Loin d’être une association classique, construite sur un mode pyramidal, elle permet de faire travailler ensemble les différentes composantes du mouvement social en France. C’est là une diversité que la petite équipe dirigeante, autour de Jacques Nikonoff, jugeait contraire à ses projets. L’offensive a donc été lancée il y a plusieurs mois. Les fondateurs, et notamment les syndicats, ont été régulièrement accusés de vouloir empêcher Attac de se développer et de privilégier leur propre organisation contre Attac. Dernière en date, Nikonoff ne s’est pas présenté sur la liste des fondateurs, mais sur le collège des adhérents, et il a appelé à voter contre la liste des fondateurs ! Mais cette opération n’a pas réussi.
C’est sur l’élection des membres non-fondateurs que pèse le doute. Le dépouillement étant organisé par ordre alphabétique, il ne pouvait pas y avoir de variation forte dans son déroulement, la première lettre du nom des votants ne déterminant pas a priori leur préférence électorale... Pourtant, il y a eu un retournement spectaculaire : alors que le premier lot de bulletins indiquait un vote nettement favorable aux opposants à Nikonoff, les deuxième et troisième lots, dépouillés après avoir passé une nuit au local, indiquaient une tendance absolument inverse. Il s’agit là d’une anomalie statistique de la plus haute invraisemblance. Nul ne peut affirmer qu’il y a eu fraude, mais l’anomalie est telle qu’elle commande la plus grande prudence. Plusieurs membres historiques d’Attac sont favorables à ce qu’une expertise extérieure et impartiale soit organisée, qui pourrait conduire à un nouveau vote, si le doute est confirmé. En attendant, Jacques Nikonoff a été réélu par un CA dans lequel ses opposants ont refusé de siéger.
C’est l’avenir même de l’association qui est en jeu, sa capacité de rassemblement et de mobilisation. Il faut sortir par le haut de cette situation, sous risque d’assister à une désagrégation d’Attac qui aurait des conséquences négatives, notamment sur le mouvement altermondialiste en France.