Dans un article publié sur notre site [1], Manuel Gari fournit un des éléments de base du déficit de la balance commerciale de l’Etat espagnol qui constitue, lui, un des facteurs de l’endettement du pays. « La dette sociale », elle, ne cesse d’exploser dans l’Etat espagnol et dans les « régions autonomes ».
La crise, qui a éclaté dès août 2007 non seulement continue, mais s’approfondit. Est à l’œuvre, sous l’égide des classes dominantes et de leurs institutions, avec l’appui plus ou moins passif d’institutions censées représenter les salarié·e·s, une remise en question drastique des références historiques pour ce qui est de la fixation du salaire social comme des normes et formes de l’exploitation de la force de travail. On entre dans une période « post-welfare state ». Elle va déboucher sur des « crises nationales », pour reprendre le terme de Lénine, terme qui renvoyait à l’appréhension d’une crise d’ensemble des rapports actifs réciproques entre toutes les classes de la société. Ce qui est à l’œuvre, déjà, avec évidence, en Grèce.
La dernière enquête (Baromètre des entreprises) effectuée par le quotidien El Pais (29 juillet 2012) parle de lui-même. En fin décembre 2011, 66,5% des entrepreneurs interrogés jugeaient que la situation économique irait en se dégradant. En juin 2012, ils sont 91% à le penser. Leurs jugements « négatifs » portent d’abord sur le chômage et sur l’évolution du PIB (Produit intérieur brut). Seulement 37,6% des enquêtés pensent que la situation ira en s’améliorant en 2014 et 35,1% en 2015.
La perte de « confiance » dans la politique du gouvernement se marque aussi au sein du « milieu des entrepreneurs ». En janvier 2012, 50% approuvaient la politique de Mariano Rajoy, aujourd’hui 29,5%. Les différences renvoient, évidemment, à l’insertion des « acteurs économiques » dans le « tissu économique », autrement dit à leur sensibilité : aux exportations, à la dynamique du marché intérieur, à leurs liaisons avec d’autres firmes (sous-traitance), au système bancaire massivement aidé (lui), à leur degré de transnationalisation, etc.
Le taux de chômage a atteint des records. Le taux de chômage officiel (par rapport à la population active), à la fin du deuxième trimestre 2012, se situe à 24,7% (corrigé des variations saisonnières). Le nombre de chômeurs et de chômeuses enregistrés est à hauteur de 4’729’600 ; un chiffre nettement inférieur au total effectif des chômeurs et chômeuses. Le nombre de familles dont tous les membres sont au chômage s’élève à la fin juin 2012 à 1’767’600. Au second trimestre « la destruction nette d’emplois » a été de 175’000 par rapport au premier trimestre 2012, et cela durant un trimestre à la variation saisonnière plus favorable (début du tourisme, agriculture). Ces chiffres renvoient à la Grande Crise des années trente. Ce qui devrait être pris en compte par les forces qui se réclament de l’anti-capitalisme et sont aptes à saisir, étant donné leur insertion sociale et politique, la dimension de cette « crise nationale ».
Charles-André Udry