Le fait d’être une femme a un impact sur la probabilité d’être sans-emploi. Le chômage touche 4,5 % des femmes en âge de travailler contre seulement 3,8 % des hommes. Ces chiffres mettent en lumière une réalité souvent rendue invisible. En effet, les statistiques comptabilisent généralement seulement les personnes inscrites dans un office régional de placement, ce que beaucoup de femmes ne font pas. La définition du bureau international du travail, retenue dans l’analyse de l’OFS, est plus large et prend en compte toutes les personnes disponibles qui recherchent activement un emploi. Sans surprise, ces chiffres révèlent qu’entre 2001 et 2011, le taux de chômage des femmes est systématiquement plus élevé que celui des hommes et qu’elles mettent en moyenne plus de temps pour retrouver un emploi.
Les femmes migrantes et les mères, les plus touchées par la crise
En Suisse, les femmes originaires de pays tiers sont les plus touchées par le chômage. Elles subissent une double oppression, en tant que femmes et en tant qu’étrangères. Après les migrantes, le surchômage (le fait que les femmes ont un taux de chômage plus élevé que les hommes) concerne principalement les femmes qui ont un ou plusieurs enfants. Plus l’enfant est jeune, plus l’écart entre le taux de chômage féminin et masculin est grand. La paternité, par contre, a peu d’influence sur le taux de chômage masculin. Ce dernier a même tendance a être moins élevé dans les ménages avec enfant que sans enfant. Pour les femmes, maternité rime toujours avec foyer. Elles sont également plus enclines que les hommes à interrompre leur carrière, notamment pour s’occuper de leur(s) enfant(s) en bas âge. Elles sont donc plus nombreuses que leurs conjoints à se retrouver en situation de recherche d’emploi une fois leur(s) progéniture(s) devenue(s) adulte(s).
Au premier abord, la crise semblerait ne pas toucher plus durement les femmes que les hommes. Il semblerait même que cela soit le contraire. En effet, les changements conjoncturels affectent plus rapidement le secteur secondaire, bastion masculin, que le secteur tertiaire où travaillent 53,1 % des femmes. Le taux de chômage masculin tend donc à augmenter rapidement durant les périodes de ralentissement économique. Cependant, les femmes voient leur taux de chômage baisser plus lentement durant les phases de reprise. A cela il faut ajouter, qu’en Suisse, le taux de chômage masculin n’a jamais dépassé celui des femmes, même à partir de 2008.
Inégales face aux coupes budgétaires
La crise n’a pas seulement des conséquences sur le taux de chômage, encore relativement bas en Suisse comparé aux autres pays européens, mais elle sert également de prétexte pour diminuer les dépenses publiques. Et ce sont les femmes qui en payent le prix. Encore actuellement, elles prennent en charge la majorité des tâches domestiques et familiale [1]. Personne à la maison pour aider après la naissance du-de la petit·e dernier·e ? Un congé maternité de seulement quatorze semaines ? Pas des place en garderie, ni en EMS ? Les femmes pallient gratuitement les carences de l’Etat. Elles diminuent leur temps de travail ou cessent toutes activités rémunérées. Quelques années plus tard elles alimentent les rangs des chômeuses.
Le projet de congé parental de six mois qui a pour but de soutenir l’intégration professionnelle des femmes, évoqué par Simonetta Sommarugua (Tages Anzeiger, 27.08.12), fait d’ores et déjà grincer les dents de l’union patronale suisse (USP). Son argument ? L’économie serait trop faible pour supporter cette charge supplémentaire. Même chanson avec le salaire minimum. Les compétences dites féminines sont peu reconnues, les métiers traditionnellement féminins souvent mal rémunérés et les femmes sur-représentée dans la catégorie des working poor. Mais qu’importe ces inégalités, tant que les grands patrons peuvent s’en mettre plein les poches.
« Faire des économies », voici le mot d’ordre avec lequel la droite tente de remettre en question des droits fondamentaux, comme l’accès libre et gratuit à l’avortement. L’initiative populaire « Financer l’avortement est une affaire privée » invoque, de manière tout à fait mensongère, la diminution des coûts de la santé. Les situations de crises sont propices à des arguments de ce type. Il s’agit, sous couvert d’arguments économiques plus que douteux, de faire d’énormes bonds en arrière.
Les inégalités entre hommes et femmes persistent. Salaire, chômage, elles sont toujours moins bien loties que leurs confrères de sexe opposé et l’ombre de la crise n’arrange pas les choses. Les grands patrons utilisent allégrement cette menace pour ne pas devoir dépenser un centime de leur immense fortune. La droite s’en sert pour proposer d’injustifiable retours en arrière. Le prix de l’égalité entre hommes et femmes ne se négocie pas, il devrait s’agir d’une évidence.
Nora Köhler