La sphère publique reste encore actuellement un territoire masculin. Les femmes y font face à des violences quotidiennes banalisées, mais pas banales. Sifflées, “complimentées“, injuriées, elles sont considérées comme des morceaux de viande, objets des regards et des gestes masculins. Ces remarques ne sont pas des flatteries quelque peu déplacées, mais bien une façon de signifier aux femmes qu’elles n’ont pas leur place dans la rue, ainsi qu’une manière de réaffirmer la domination masculine. Contrairement à ce que certains milieux soutiennent, ces comportements ne sont pas liés à des groupes particuliers. Les violences des hommes envers les femmes frappent tous les milieux sociaux, toutes les cultures, tous les pays et toutes les religions.
L’espace public est également pollué par des affiches sexistes. Les murs sont placardés d’images de femmes blanches, 175 cm pour 50 kilos, mères de famille dévouées et bien sûr prêtes à satisfaire les désirs de monsieur. Gare aux femmes qui n’entrent pas dans la norme imposée par notre société patriarcale. Etrangères, voilées, « grosses », lesbiennes, travesti·e·s, transsexuel·les, extraverties, elles sont rappelées à l’ordre et stigmatisées.
Se (ré)approprier l’espace public
Mais il ne faudrait pas être trop désirable non plus, car au fond, c’est toujours un peu la faute des femmes, si les hommes les agressent. C’est du moins ce que sous-tendent les mises en garde permanentes, comme « Ne t’habille pas comme ça », « Ne rentre pas seule », « Ne répond pas ». Les femmes sont limitées dans leur liberté de mouvements, dans leur choix vestimentaire, obligées de garder un profil bas et de rester dans un rôle passif. Ces mises en garde alimentent la peur et renforcent les stéréotypes de genre, sans apporter de propositions constructives et acceptables. Le problème ne vient pas des femmes, mais bel et bien de la société patriarcale dans laquelle nous vivons.
Le but de la marche féministe est de se (ré)approprier l’espace public. Car nous ne voulons pas rester confinées à la maison. Nous ne voulons pas nous adapter à des comportements machistes et déplacés. La marche dénonce également les violences verbales, physiques, sexuelles et psychologiques faites aux femmes dans la rue, mais aussi à la maison, sur le lieu de travail.
Selon le mot d’ordre « Ne me libérez pas, je m’en charge ! », la marche se veut non-mixte. Il s’agit pour les femmes de se (ré)approprier l’espace public sans l’aide de protecteurs ou de princes charmants, une volonté d’agir de manière autonome contre l’image « féminine » de manque de confiance et d’effacement au profit des hommes. La catégorie femme est loin d’être homogène et nous ne partageons pas toutes les mêmes discriminations. Cette marche féministe non-mixte tente de réunir toutes celles qui se reconnaissent dans cette forme de domination liée au statut de femme.
Nora Köhler