Trois morts, une dizaine de blessés et plus d’une trentaine de personnes à la rue, tel est le triste bilan d’une nuit d’horreur, celle du 8 au 9 septembre, où un incendie a ravagé un immeuble de la rue Gabriel-Péri à Saint-Denis. Habitants pris au piège dans leurs appartements alors que la cage d’escalier fait cheminée, entraînant la destruction complète de la charpente, personnes qui sautent par les fenêtres, qui tentent de descendre par les gouttières, habitants du quartier mobilisés qui assistent totalement impuissants au drame qui se déroule...
Le choc, l’émotion sont très vifs, d’autant que nombre des habitants du quartier vivent dans des immeubles au moins aussi dégradés que celui-ci.
Le jour-même on a vu défiler tous les responsables politiques, de Cécile Duflot, ministre du Logement, au maire de Saint-Denis, en passant par le préfet et le nouveau député élu sur la circonscription. La déclaration la plus marquante aura été celle de la ministre : « le relogement de toutes les personnes qui ont été évacuées sera assuré d’ici ce soir », phrase qui a éteint la vague d’émotion provoquée par l’incendie. Mais que s’est-il passé pour que les habitants sinistrés, trois jours plus tard, soient conduits à s’installer dans la Basilique de Saint-Denis, pour faire entendre leur voix et leurs revendications ? Tout le monde s’est dit, avec toutes ces personnalités présentes, qu’une cellule de crise serait mise en place, des moyens dégagés, une cellule psychologique serait proposée aux sinistrés. Mais voilà, les trois premiers jours, l’État a été incapable de faire face à la situation, et c’est la ville de Saint-Denis qui a assuré le recensement des personnes, la distribution des premiers secours par le Secours populaire, et la recherche des hébergements. Ce sont les services sociaux de la ville qui ont fait le travail : chaque sinistré devant se rendre en mairie pour se faire recenser, donner son numéro de téléphone et attendre qu’on l’appelle pour un hébergement dans un hôtel, le soir.
Lundi soir, rassemblement au pied de l’immeuble incendié. Du monde. Des femmes pleurent. La police est là. Pas d’élus. Tout le monde tourne en rond, habitants sinistrés, habitants du quartier. Où est la cellule de crise ? Qui recense les besoins ? Qui est hébergé ce soir ? Où peut s’adresser la solidarité ? Ce sont les militants des associations qui commencent le travail en bas de l’immeuble. À 20 heures, il y a encore près d’une dizaine de personnes à la rue sans solution. Tout le monde se réfugie dans la bourse du travail en attendant les réponses qui tardent à venir. C’est à 22 heures que tous les hébergements sont trouvés, certains dans des hôtels sordides tenus par des marchands de sommeil notoires.
Le lendemain, même scénario mais en plus la Bourse du travail est fermée pour éviter que les sinistrés et les soutiens s’y installent de nouveau. Plus de cinq personnes resteront à la rue cette nuit-là. Et ne parlons pas du manque de nourriture et de vêtements.
Au lieu de mettre en place un lieu d’accueil, d’écoutes, ouvert en permanence, pour répondre aux 1 000 questions posées par cet incendie, les pouvoirs publics ont géré cette situation comme ils gèrent une expulsion ordinaire. On ne vient pas au secours des habitants, mais on leur demande de se déplacer, eux, au CMP, au Secours populaire, à la Croix rouge, en mairie…
C’est cette impuissance, cette incurie, ce mépris des pouvoirs publics, tellement éloignés des déclarations officielles faites, qui ont justifié l’installation dans la basilique mercredi soir. Cette fois, les hôtels proposés étaient à Cergy-Pontoise et Étampes, autant dire inaccessibles pour des personnes qui n’ont plus ni papiers d’identités, ni argent, ni affaires personnelles.
L’installation dans la basilique a fait revenir les médias, a mis en lumière la réalité de la situation vécue par les sinistrés. Et cette fois-ci, ce sont les responsables qui ont dû venir au devant des habitants. Et la discussion a eu lieu dans la Basilique entre la sous-préfète, la responsable de la Drihl et les habitants : accord sur la liste, hébergement à Saint-Denis de tous les sinistrés dans le même hôtel, et laissez-passer pour tous les habitants quelle que soit leur situation administrative.
Une mention spéciale pour la municipalité qui a été totalement incapable de parler aux habitants, de les écouter, de leur témoigner une solidarité politique. Peur de prêter une salle, peur d’être accusée, peur des habitants. Mairie cadenassée, élus autistes, le pompon pour l’adjoint au maire, Stéphane Peu (PCF), qui a dénoncé publiquement dans la presse (Le Parisien) les occupants de la basilique comme étant de faux sinistrés !
La mobilisation, la vigilance, sont encore nécessaire pour la prise en compte de toutes les revendications des habitants, mais une chose a été rétablie, essentielle : la dignité des habitants.
JMB