Pierre et Claudine Chaulet en mai 1962, lors du premier rapatriement de réfugiés algériens de Tunisie.
Né en 1930 en Algérie, dans une famille issue du peuplement colonial mais engagée dans les organisations du courant « catholique social », Pierre Chaulet a très tôt décidé d’échanger sa « communauté » contre son peuple. Quelques semaines après le déclenchement de la Révolution, il s’engageait, avec son épouse Claudine Guillot-Chaulet, au sein du FLN. Il sera après l’indépendance un des concepteurs du système de santé publique. Ni la « décennie noire » ni les sanglantes années 1990 ne lui feront perdre l’espoir de voir les jeunes Algériens sortir leur pays du cercle de ses tragédies et lui frayer une voie vers la lumière.
Un juste parmi les justes, le militant de l’Indépendance de l’Algérie Pierre Chaulet, s’est éteint ce matin au milieu des siens des suites d’une longue maladie.
Né le 27 mars 1930 en Algérie, dans une famille issue du peuplement colonial français mais engagée dans différentes organisations du courant « catholique social » (syndicats ouvriers, scouts…), Pierre Chaulet a très tôt pris conscience de l’insoutenable condition de ces millions d’autres Algériens, les « indigènes », qu’un abîme de ségrégations empêchait d’être ses frères et concitoyens. Cette prise de conscience s’aiguisera au contact de militants nationalistes de tous bords, rencontrés à la Faculté d’Alger où il préparait son doctorat de médecine. Elle prendra, le 21 novembre 1954 (soit trois semaines seulement après le déclenchement de la Révolution) la forme d’un engagement total pour l’indépendance de l’Algérie, au sein du Front de libération nationale (FLN). Cet engagement - si périlleux lorsqu’on se remémore que le FLN n’était alors qu’une petite organisation embryonnaire - sera aussi, et simultanément, celui de son épouse, Claudine Guillot-Chaulet, née en France dans une famille républicaine et humaniste installée en Algérie dès 1946.
Membre, comme son épouse, des réseaux clandestins du FLN, Pierre Chaulet a été arrêté puis relâché. Il sera mis sous étroite surveillance et harcelé par la police coloniale. Avec Claudine, il rejoindra Tunis où il fera partie de la rédaction d’El Moudjahid, voix de la résistance, avec, entre autres militants, Abane Ramdane et l’« Algérien de Martinique », le psychiatre Franz Fanon. Il effectuera également de nombreuses missions pour le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) en Tunisie et dans d’autres pays.
A l’indépendance, en 1962, Pierre et Claudine Chaulet rentreront en Algérie et opteront pour la nationalité algérienne. La jeune république, démunie de compétences suite au départ massif des pieds-noirs, trouvera en eux des cadres dévoués à leurs « tâches d’édification nationale » pour employer le vocabulaire de l’époque. Lui travaillera en tant que professeur de médecine et sera un des concepteurs du système national de santé publique, tandis qu’elle, elle se vouera, en tant que sociologue, à l’étude du monde rural, dans différents centres de recherches et à l’université, où elle enseignera jusqu’à sa retraite.
Le parcours de Pierre Chaulet, de 1962 à son décès aujourd’hui, embrasse différentes périodes historiques : les exaltantes années de la médecine gratuite, de la réforme agraire et de la généralisation de l’enseignement public ; la « décennie noire » et son lot de gabegies et de renoncements aux acquis de l’indépendance au nom de l’efficacité économique ; la « décennie rouge » qui l’a contraint, lui et Claudine Chaulet, à un douloureux exil européen de 1994 à 1999 ; et, enfin, les treize dernières années, correspondant aux « années Bouteflika », durant lesquelles ni lui ni son épouse n’ont désespéré de voir les jeunes Algériens sortir leur pays du cercle de ses tragédies successives et lui frayer une voie vers la lumière.
La disparition de Pierre Chaulet vient clore une longue militance exemplaire, entamée dans le syndicalisme étudiant, prolongée dans le mouvement indépendantiste et poursuivie dans la lutte pour une santé publique de qualité, en Algérie mais aussi ailleurs dans le monde, à travers son travail au sein de l’Organisation mondiale de la santé. Ce parcours, qui est en grande partie celui de Claudine Chaulet, est relaté dans un livre de mémoires à deux voix intitulé Le Choix de l’Algérie, deux voix, une mémoire (Barzakh Editions). La parution de cet ouvrage en 2012 a été pour Pierre Chaulet l’occasion d’ultimes contacts avec de nombreux Algériens, jeunes et moins jeunes, qui, souvent, ignoraient tout de sa contribution et de celle d’autres Européens d’Algérie à l’indépendance de leur pays.
L’Algérie se souviendra de Pierre Chaulet comme d’un homme de courage qui a échangé sa communauté contre son peuple, l’enfermement chauvin contre l’humanisme et donné un exemple universel de fraternité en participant à l’une des plus dures guerres de libération de l’Histoire.Que son souvenir demeure vivant et que son parcours éclaire celui de ses frères, en Algérie et dans le monde.
Yassin Temlali, 5 octobre 2012
Pierre Chaulet sera enterré lundi 9 octobre au cimetière chrétien d’El Madania (Alger)
Le rapatriement en Algérie de la dépouille mortelle de feu Pierre Chaulet aura lieu le 8 octobre par le vol Air Algérie de 16 heures. Une veillée funèbre aura lieu à son domicile à Hydra.
Le 9 octobre, à 10 heures du matin, une messe d’adieu à sa mémoire sera célébrée à la Maison diocésaine, à Alger, par Monseigneur Henri Teissier. L’enterrement aura lieu le même jour, en milieu de journée, au cimetière chrétien d’El Madania.