Depuis le vote de la résolution présentée par la France et adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU le 12 octobre, La Cedeao, l’organisation qui regroupe les pays de l’Afrique de l’Ouest, a 45 jours pour présenter un projet d’intervention militaire visant à déloger les groupes islamistes qui occupent la partie nord du Mali. Depuis, les réunions diplomatiques et militaires vont bon train.
Sous la pression de Paris, un consensus dans les principales métropoles impérialistes se fait jour pour une opération militaire. Ainsi, l’Allemagne traditionnellement réticente aux interventions étrangères, est favorable à un soutien logistique de la Bundeswehr.
Cependant, des divergences demeurent notamment avec les États-Unis qui, bien que favorable à la solution militaire, trouvent l’agenda trop précipité. L’administration de Washington échaudée par ses nombreux échecs en matière d’opération extérieure, considère que « l’intervention doit être bien réfléchie, bien préparée, bien financée et bien renseignée » et surtout souhaite impliquer l’Algérie.
Incontournable Algérie…
C’est le sens de la visite d’Hillary Clinton à Alger qui reste le partenaire privilégié de la Maison Blanche notamment dans la lutte contre le terrorisme dans la région. L’Algérie reste un acteur majeur dans la résolution du conflit malien pour des multiples raisons, la plus évidente étant l’importante frontière commune avec le nord Mali qui est utilisée pour le ravitaillement des différents groupes islamistes. Sa puissance régionale se mesure aussi à son budget militaire estimé à 8 milliards de dollars, bien supérieur aux autres pays, comme les 208 millions du Mali ou les 64 millions du Niger, directement confronté aux activités des groupes armés.
L’Algérie a aussi une connaissance très fine de tous les protagonistes, tant du côté des islamistes, où la plupart des cadres proviennent du Groupe Salafiste pour la prédication et le combat qui a sévi au début des années 2 000 dans le pays, que des principales organisations touaregs, où elle a joué le rôle de médiateur dans les différentes rebellions maliennes qui débouchèrent sur les accords de Tamanrasset en 1991 et d’Alger en 2006.
Mais contrairement à beaucoup de pays « va-t-en-guerre », l’Algérie reste opposée à toutes présences militaires non africaines au Sahel. Elle considère qu’une intervention militaire, sans avoir au préalable un projet politique pour le nord-Mali, est une source de déstabilisation de l’ensemble de la région. La diplomatie d’Alger mise plus sur la négociation avec une partie des islamistes.
… en négociation
Actuellement il y a quatre forces principales qui comptent dans cette région, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad, organisation touareg indépendantiste, qui après sa victoire militaire dans le nord s’est fait chasser par les groupes islamistes, AQMI, le Mujao et Ansar Edine.
Alger a entrepris des discussions avec les dirigeants du MNLA pour qu’ils abandonnent leur objectif d’indépendance, ce qui semble acquis. Avec Ansar Edine, les négociations continuent. Bien que ce groupe ne se distingue guère des deux autres – notamment par sa volonté de soumettre les populations à sa loi, ses destructions de mausolées et monuments, ses pratiques d’amputation et de flagellation – il reste pour Alger une émanation du nord-Mali dont ses dirigeants sont des touaregs reconnus.
Il n’est pas exclu qu’Ansar Edine se détache d’AQMI, abandonne les pratiques les plus odieuses de la charia et opère un rapprochement avec le Haut Conseil islamique du Mali. En effet, ses dirigeants ont une très forte influence dans le pays et ont été en capacité de mobiliser des dizaines de milliers de personnes contre le code de la famille jugé trop favorable aux femmes et non conforme à l’Islam.
Le discrédit de la classe politique pourrait leur offrir de jouer le rôle d’alternative, alors que les forces progressistes maliennes ont du mal à faire entendre leur voix. Ainsi, les populations risquent de se trouver prises au piège entre une politique belliciste menée par les capitales occidentales et une politique islamiste réactionnaire.
Paul Martial