La justice pakistanaise a abandonné les charges contre Rimsha, jeune chrétienne qui était accusée d’avoir profané le Coran et dont l’affaire avait suscité une vive émotion dans le pays et à l’étranger, ont annoncé mardi ses avocats et un ministre.
Le tribunal d’Islamabad a rendu « une fin de non-recevoir » à propos des accusations contre Rimsha, a déclaré Akmal Bhatti, un des avocats de la jeune chrétienne libérée sous caution en septembre et placée en résidence surveillée avec sa famille. Le ministre de l’harmonie nationale pakistanais, Paul Bhatti, responsable du dialogue entre la majorité musulmane sunnite et les minorités, a confirmé l’abandon des charges dans cette affaire.
INSTRUMENTALISÉE
Rimsha, une jeune fille illettrée, âgée d’environ 14 ans selon des médecins qui l’ont examinée, avait été accusée à la mi-août par des voisins d’avoir brûlé des feuilles de papier sur lesquelles étaient écrits des versets du Coran, un crime passible de la prison à vie au Pakistan aux termes de la loi sur le blasphème. Accusée par les libéraux d’être instrumentalisée pour régler des conflits personnels, cette loi, défendue bec et ongles par les musulmans radicaux, est devenue un sujet très sensible au Pakistan, pays à 97 % musulman. Remettre en cause l’islam y relève du sacrilège.
L’affaire Rimsha avait connu un développement spectaculaire lorsque la police avait accusé l’imam de la mosquée voisine d’avoir lui-même introduit des pages du Coran dans les feuilles brûlées que lui avait rapportées un voisin, afin « d’expulser » les chrétiens de ce quartier périphérique de la capitale, Islamabad.
* Le Monde.fr avec AFP | 20.11.2012 à 07h35 • Mis à jour le 20.11.2012 à 08h00.
La jeune chrétienne pakistanaise accusée de blasphème craint pour sa vie
La jeune chrétienne pakistanaise libérée sous caution, mais toujours accusée d’avoir profané le Coran, dit avoir « peur » d’être « tuée » par des extrémistes, dans un court entretien à la chaîne CNN, le premier donné à un média depuis le début de cette affaire hypersensible.
« J’ai peur que des gens nous tuent », a déclaré par téléphone à CNN Rimsha Masih, quelques jours après sa sortie de la prison de Rawalpindi, près de la capitale, Islamabad, et son évacuation – digne d’un scénario hollywoodien – vers un lieu inconnu, par hélicoptère et sous haute sécurité.
La jeune fille, illettrée, âgée d’environ 14 ans, selon des médecins qui l’ont examinée, avait été emprisonnée à la mi-août après avoir été accusée par des voisins d’avoir brûlé des pages contenant des versets du Coran, un crime passible de la prison à vie au Pakistan, selon la loi sur le blasphème. L’adolescente à la taille forte, au visage rond et au nez camus soutient dans cet entretien n’avoir jamais brûlé ces extraits du texte sacré de l’islam.
L’affaire avait connu un développement spectaculaire il y a dix jours, lorsque la police a écroué l’imam de la mosquée voisine de la jeune chrétienne dans le quartier mixte et populaire de Mehrabad, en périphérie d’Islamabad, et l’a accusé d’avoir lui-même introduit des versets du Coran dans les feuilles brûlées afin « d’expulser » les chrétiens du quartier.
« J’AVAIS PEUR QU’ILS NOUS TUENT »
Les premiers témoignages de la famille de Rimsha, recueillis par la BBC et publiés mardi, révèlent l’intensité avec laquelle des dizaines de personnes en colère s’étaient précipités sur la maison familiale lorsqu’ils ont entendu que l’adolescente avait « brûlé » le Coran. « Les gens sont entrés dans la maison pour s’emparer de ma fille, j’avais peur qu’ils nous tuent », y confie la mère de Rimsha. « Ils étaient nombreux et ils disaient : ’nous allons couper les mains de ceux qui brûlent le Coran’ », ajoute sa sœur aînée. Selon sa famille, Rimsha s’est alors enfermée dans la salle de bain et a attendu l’arrivée de la police. « Ils disaient : ’Nous allons vous brûler dans la maison, nous n’allons pas vous épargner, vous ou vos enfants, et nous allons brûler les maisons des autres chrétiens’ », ajoute son père.
Paniqués, de nombreux chrétiens de Mehrabad ont alors quitté le quartier par crainte d’un « nouveau Gojra », en référence à un village où, à l’été 2009, de jeunes musulmans radicaux avaient brûlé vif sept chrétiens et incendié soixante-dix-sept de leurs maisons après la propagation d’une rumeur de blasphème.
Après l’arrestation de Rimsha, sa famille a plusieurs fois changé de résidence, toujours sous haute sécurité. « Même lorsque nous avions quitté le quartier, des gens disaient : ’Amenez la fille et ses parents ici, nous voulons les tuer’ », a ajouté son père. La famille est aujourd’hui réunie dans un lieu inconnu et sous haute protection du gouvernement pendant au moins la durée de cette affaire, qui retournera devant les tribunaux lorsque l’enquête policière sera finie, ce qui pourrait prendre quelques mois.
Rimsha ne peut quitter le Pakistan avant la fin des procédures légales. Et elle ne prévoit pas de la faire par la suite, malgré les craintes pour sa vie et celle de ses proches. « J’aime le Pakistan et je ne quitterai jamais mon pays », a affirmé la jeune chrétienne à CNN.
* Le Monde.fr avec AFP | 12.09.2012 à 10h13.