La Paz,
Comment gagner des élections haut-la-main et sentir, malgré tout, que la victoire est relative ? C’est en effet la question que doivent se poser certains militants du Mouvement vers le socialisme (MAS) de Evo Morales à l’issue de l’élection de l’Assemblée constituante (AC) et du référendum sur l’autonomie départementale (RA).
D’un côté, les résultats de l’AC confirment, d’un point de vue électoral, la croissante popularité du gouvernement Morales : loin de l’érosion espérée par la droite, le MAS engrange des scores comparables à 2005 à La Paz, Cochabamba, Oruro, Potosi et Chuquisaca, oscillant entre 50 et 60 % ; surtout, il réussit l’exploit de s’imposer, pour la première fois, dans les départements de Santa Cruz et Tarija, et manque la première place de peu dans le Pando, ce qui exprime la consolidation de son hégémonie dans deux régions réputées hostiles à Evo Morales. En ce 2 juillet 2006, c’est donc un véritable plébiscite que le peuple bolivien vient d’offrir au gouvernement et à sa politique.
Pourtant, en raison d’un mode de scrutin favorisant une surreprésentation des partis minoritaires, la percée historique du MAS dans l’Est bolivien ne permet pas d’assurer les deux tiers de constituants nécessaires à l’approbation d’une Constitution reflétant le processus de radicalisation sociale à l’œuvre depuis 2000 en Bolivie. Malgré 134 élus contre 64 pour Podemos, la principale coalition de droite, le MAS devra donc chercher un soutien dans quelques-unes des quatorze forces politiques qui ont assuré leur présence dans l’AC. Ce nouveau raz-de-marée électoral vient nuancer toute analyse précipitée du résultat du référendum sur les autonomies départementales. Le président Morales a pris position en faveur du « non » à un régime d’autonomie (dont le contenu sera débattu au sein de l’AC) qui, par son caractère départemental, ne correspond guère aux projets d’autonomie régionale défendus par les mouvements paysans et indigènes boliviens. Le « non » l’emporte au niveau national avec plus de 56 %.
La situation découlant de ces deux échéances électorales est on ne peut plus paradoxale : si le MAS conforte son hégémonie au niveau national par un nouveau triomphe, l’adoption d’une Constitution à la hauteur des revendications des mouvements sociaux est cependant loin d’être acquise. Face à cette difficulté, le gouvernement Morales a déjà émis l’idée de soumettre au vote deux textes alternatifs dans le cas où, au terme du travail de l’AC, le MAS ne parviendrait pas à réunir deux tiers de constituants en faveur de son projet. Autant dire qu’à ce jour, il paraît bien délicat de prévoir quelle orientation prendra l’AC, dont les sessions débuteront le 6 août dans la ville de Sucre, capitale constitutionnelle de la Bolivie.