La lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est une lutte pour l’avenir. Elle s’oppose à un projet d’aéroport pharaonique, conçu dans les années 1960, inutile sur le plan économique et financièrement coûteux pour l’Etat et les collectivités territoriales, alors que le déficit budgétaire est utilisé pour justifier l’austérité sociale et retarder la transition écologique.
Les dizaines de milliers de manifestants du 17 novembre dernier, accompagnés de centaines de tracteurs, s’opposent au saccage de 2000 hectares de terres agricoles et de bocages, à l’expulsion des paysans et de tous ceux qui occupent ces terres et les maisons abandonnées.
Cette résistance exprime le refus d’une dérive face au changement climatique et à la destruction de la biodiversité. Elle rejette un modèle prédateur imposé au nom du « développement ». Cette lutte, pleinement d’aujourd’hui, en rappelle pourtant une autre, menée il y a quarante ans au Larzac.
Dans les deux cas, on retrouve la défense des terres et des paysans, l’occupation du site et la transformation des combats citoyens en laboratoires d’expérimentation sociale et de solidarités concrètes. Aujourd’hui comme hier, les opposants pratiquent toutes les variétés de résistance, toujours non-violente.
L’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Acipa) a ainsi démonté point par point les arguments avancés par les gouvernements successifs et souligné les carences, voire les mensonges des expertises officielles.
La créativité populaire a engendré des centaines de réunions d’information des populations, des recours juridiques, la désobéissance civile, des grèves de la faim, la montée de tracteurs vers Paris, des occupations de terres, des convergences avec d’autres luttes européennes contre divers grands projets inutiles et coûteux. La ZAD, zone d’aménagement différé, a été rebaptisée zone à défendre et investie par de nombreuses personnes qui y vivent. C’est cette zone qui fait actuellement l’objet d’expulsions d’habitants et de destruction de cultures.
Dans le sillage des paysans et des habitants de la région, comme au Larzac, des milliers d’autres citoyens se sont joints aux luttes parce qu’ils ont compris que les revendications portées sur ces terres agricoles et ce bocage allaient bien au-delà de la seule défense d’un territoire.
De même que le Larzac est devenu un symbole du refus du militarisme, Notre-Dame-des-Landes traduit le rejet de l’exploitation toujours plus féroce des êtres humains et de la nature au nom de la rentabilité des capitaux.
La résistance contre le géant de la construction Vinci, choisi pour bétonner ces milliers d’hectares, devient aussi le symbole du refus du règne des entreprises multinationales et de l’industrie financière, aidées par l’Etat à s’enrichir grâce à la dépossession d’autrui.
Notre-Dame-des-Landes devient un creuset des mouvements paysans, écologistes, altermondialistes et citoyens contre cette expropriation violente et la marchandisation du monde au nom du progrès. C’est pour cela aussi qu’Attac y est présente.
L’immense manifestation du 17 novembre, pacifique et déterminée, mêlant toutes les générations et les traditions de lutte, semble bien nous dire que les citoyens réapprennent à dire non, à résister, à se dire qu’ensemble ils pourraient gagner contre le mensonge politique et l’acharnement administratif. Ils recommencent à croire qu’il n’y a pas de fatalité et que l’on peut réussir à écarter ce projet absurde et délétère.
Plus le gouvernement se raidit, plus les interventions des forces de l’ordre se multiplient (estimées à plus d’un million d’euros depuis octobre), et plus le mouvement s’amplifie et s’unit.
Dans quinze jours, la centaine de comités de soutien qui se sont constitués en France se retrouveront pour construire la suite. Comme pour le Larzac, des centaines de milliers de personnes sont attendues à un grand rassemblement sur place cet été.
En ce moment même à Doha, les négociations onusiennes sur le climat s’enlisent et risquent une fois encore de n’aboutir à aucun accord contraignant sur les gaz à effet de serre, condamnant la planète à une augmentation importante de sa température et à des conséquences désastreuses pour l’ensemble des populations.
Le président de la République, François Hollande, souhaite une France « exemplaire en matière de transition écologique » et accueillir la conférence de l’ONU sur le climat de 2015. Cette exemplarité est incompatible avec l’expansion du trafic aérien et le projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
En arrivant au pouvoir en 1981, François Mitterrand a mis fin au projet d’extension de la zone militaire du Larzac. En luttant par la force pour un « grand projet inutile et imposé » et pour la victoire de Vinci, ce gouvernement se trompe de combat et d’alliances et aiguise la colère et la détermination de ceux qui pourraient le soutenir.
François Hollande s’honorerait, et le Parti socialiste avec lui, en mettant fin au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, fût-il depuis de longues années le projet phare de son premier ministre.
Susan George, présidente d’honneur d’Attac et Aurélie Trouvé, coprésidente d’Attac
Ce texte est également cosigné par Geneviève Azam, du conseil scientifique d’Attac, et Geneviève Coiffard-Grosdoy, militante d’Attac et de l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport à Notre-Dame- des-Landes (Acipa).