L’initiative a été lancée par le mouvement des femmes du Québec, après l’organisation de leur propre marche contre la pauvreté en mai 1995. Cette manifestation internationale s’inscrit aussi dans la continuité des quatre grandes conférences mondiales des femmes convoquées par les Nations unies, mais elle fait surtout le lien avec les forums parallèles organisés autour de ces rencontres. A l’occasion du dernier sommet à Pékin, les Québecoises ont proposé cet ambitieux projet de mobilisation à l’échelle internationale pour contrer la pauvreté et les violences faites aux femmes.
Inégalités
Le choix de ces thèmes n’est pas anodin, dans un contexte où les femmes se retrouvent en première ligne sur le front des inégalités structurées par le système capitaliste, comme l’indique le cahier des revendications mondiales : « Le système économique dominant a un nom le capitalisme néolibéral et un visage, inhumain ; un système régi par la compétitivité absolue et axé sur la privatisation, la libéralisation, la dérèglementation [...]. Néolibéralisme et patriarcat se nourrissent l’un de l’autre et se renforcent mutuellement pour maintenir la très grande majorité des femmes dans une infériorisation culturelle, une dévalorisation sociale, une marginalisation économique, une »invisibilisation« de leur existence et de leur travail, une marchandisation de leur corps, toutes situations qui s’apparentent à un véritable »apartheid« . »
Violences
Les thèmes de la pauvreté et des violences cristallisent tous les problèmes que rencontrent les femmes au niveau mondial. Ces faits ne sont pas neufs, mais sont exacerbés par l’approfondissement des inégalités. Plus que jamais, les femmes sont exclues du droit à la propriété et à l’ensemble des ressources naturelles. Elles rencontrent des difficultés pour accéder aux emplois les mieux rémunérés, elles sont une main-d’uvre bon marché, en particulier dans les zones franches. Et partout, elles sont les premières à payer les politiques d’austérité et les dernières à bénéficier de la croissance économique.
Les violences à leur égard prennent toutes les formes et affectent à la fois leur intégrité physique et psychologique. Au sein du couple et de la famille, au sein de la collectivité, elles subissent coups, sévices sexuels, mutilations génitales, viols, harcèlement Dans les zones de conflits armés, les actes de violences envers les femmes s’exercent comme de véritables armes de guerre, et la responsabilité des Etats est immense car ces violences sont très souvent tolérées, voire perpétrées par leurs autorités.
L’objectif de la Marche est donc d’interpeller les Etats, notamment à travers les institutions internationales. Le 17 octobre 2000, le rassemblement mondial aura lieu à New York devant le siège de l’Onu.
Mais le sens de cette initiative ne se limite pas à cette simple démarche. Elle est un outil, une occasion pour faire entendre la voix de celles qui ne se résignent pas ; elle est clairement organisée pour signifier une opposition à toutes les inégalités, à toutes les violences et pour lutter contre l’oppression qui touche spécifiquement les femmes : « A l’échelle planétaire, la Marche des femmes de l’an 2000 veut rompre définitivement avec le capitalisme néolibéral. Il ne s’agit pas simplement d’aménager les règles du jeu en gardant intact le même système. Il s’agit véritablement de repenser ces règles, d’en créer de nouvelles à partir des expériences et des alternatives proposées par les femmes et les mouvements sociaux aux plans local, national et international. [...] La Marche veut rompre définitivement avec le patriarcat et en finir avec toutes les formes de violence faites aux femmes. Nous condamnons l’inaction, l’inefficacité et le silence des Etats alors qu’ils sont dans l’obligation de fournir des moyens pour combattre la violence à l’égard des femmes. »
Europe
En Europe, des coordinations se sont mises en place afin de reprendre toutes ces revendications et d’organiser une manifestation à Bruxelles au mois d’octobre 2000, pour recréer un large rapport de forces en faveur des droits des femmes. A l’échelle nationale, depuis la grande manifestation du 25 novembre 1995 et celle de 1997 sur la question de la réduction du temps de travail, la Cadac ainsi que le Collectif national pour les droits des femmes n’ont cessé de se battre sur l’ensemble des questions. Aujourd’hui, il est urgent de reprendre l’offensive sur les terrains du droit de choisir, de l’emploi, des violences.
C’est pourquoi le Collectif lance une initiative de mobilisation nationale le 15 janvier 2000, pour mettre en évidence la situation de régression des droits dans laquelle la grande majorité des femmes se trouvent aujourd’hui, et forcer le gouvernement à changer de politique. Cette manifestation sera un point d’appui précieux pour amplifier la mobilisation et faire connaître la Marche mondiale des femmes. Partout, des comités doivent s’organiser et les réseaux se réactiver pour que cette initiative soit un succès, en attendant de préparer d’autres rendez-vous à l’échelle nationale avec le lancement de la Marche mondiale lors du 8 mars et la grande manifestation française prévue pour le mois de juin 2000.