Malgré la tenue de 4 réunions de négociation à propos de l’accord de compétitivité qui devrait être signé avant le 31 janvier, la direction de Renault n’a toujours pas dévoilé l’intégralité des mesures qu’elle envisage.
Pourtant, dès le 29 novembre, près de 1 100 travailleurEs avaient déjà débrayé à l’usine de Douai, en réaction au projet d’instaurer la mobilité obligatoire entre les sites industriels. Dans cette usine où, faute d’activité, 650 des 4 600 travailleurEs de l’effectif sont déjà « détachés » à Maubeuge, Batilly, Flins ou sur d’autres sites, la direction cherche 450 « volontaires » de plus, qu’elle ne parvient pas à trouver. Suffisant en tout cas pour que les salariéEs de cette usine comprennent l’enjeu de la bagarre, ce qui explique aussi en partie la mobilisation limitée là où cette menace reste peu explicite.
Les raisons de la colère
C’est ce qu’ont montré les journées des 11 et 12 décembre pour lesquelles la CGT avait lancé un appel à la grève dans toutes les usines, avec SUD là où ce syndicat est présent. Si plus de 600 travailleurs ont à nouveau débrayé à Douai et près de 800 à Flins, ils n’ont été que 350 à Cléon, 250 à Sandouville ou une centaine au Mans.
Sur les sites à forte concentration de techniciens, ingénieurs et cadres – comme à Guyancourt ou Lardy, où les arrêts de travail ont été significatifs – le ressort de la mobilisation s’est tout autant trouvé dans l’opposition à la refonte complète du système de rémunération applicable aux cadres dès 2013 pour être étendue aux Etam en 2014. Au cœur du projet, la suppression des augmentations générales de salaire et, à leur place, un système basé sur trois critères d’évolution : le poste réellement occupé, le réajustement des rémunérations par rapport à ce qui se pratique dans les autres entreprises du CAC 40 et l’individualisation par la mise en œuvre du « management par objectif ».
Estimant qu’elle avait besoin de temps pour « expliquer aux salariés le contenu des discussions », la direction a reporté au 9 janvier la réunion prévue le 18 décembre.
Régis Louail
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 175 (20/12/12).
Résistance contre l’accord de compétitivité à Renault
Mardi 11 décembre, Renault a tenu sa 4e réunion de négociation d’un accord de compétitivité pour ses usines et filiales françaises. Sur fond de chantage aux fermetures, Renault veut imposer cet accord avant le 31 janvier, sans attendre l’aboutissement de la négociation interprofessionnelle engagée entre le Medef et les centrales syndicales, destinée au « compromis historique » rêvé par François Hollande.
En cas « d’un accord global sur l’ensemble des mesures proposées », la direction a annoncé, au conditionnel, qu’elle « pourrait s’engager à ne pas fermer d’usine en France ». Rusée, la direction n’a pas encore exposé la totalité des coups qu’elle entend porter aux travailleurs. Pour cela, elle attend la réunion du 18 décembre, à deux semaines de fermeture de fin d’année des usines. Mais la direction a déjà annoncé trois mesures. Le regroupement de ses neuf sites industriels en deux pôles régionaux, à l’intérieur desquels elle imposerait la mobilité obligatoire d’un site à l’autre. La mutualisation de toutes les fonctions pas directement liées à la fabrication (qualité, achats, maintenance…) pour réaliser des « économies d’échelle », en clair pour supprimer des postes. Enfin, la remise en cause de clauses des accords de réduction du temps de travail de 1999 qui pourrait conduire à une augmentation de la durée annuelle du temps de travail. Le volet rémunération devrait être abordé à la réunion du 18 décembre.
Après des premiers débrayages dans les établissements de Douai et de Lardy, et un rassemblement à Guyancourt, les syndicats CGT et SUD devaient appeler à des arrêts de travail dans tous les établissements le mercredi 12 décembre. Cela pourrait être la première occasion pour les salariés d’exprimer massivement leur opposition à la signature d’un tel accord.
Régis Louail
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 174 (13/12/12).
COMPÉTITIVITÉ À RENAULT - UN CHANTAGE SANS FIN, NI FRONTIÈRES
Le 14 novembre, les principales centrales syndicales d’Espagne, du Portugal et de Grèce avaient appelé à la grève le même jour. Le moyen de rappeler que c’est aussi à cette échelle – celle de l’Europe – et tous ensemble que les travailleurs doivent agir pour construire un rapport de forces capable de briser les politiques gouvernementales et patronales.
Et c’est bien cette leçon qu’il faudra aussi tirer si on veut mettre en échec les méthodes mises en œuvre par le groupe Renault afin d’imposer augmentation du temps de travail, flexibilité et déréglementation
du contrat de travail, tout en diminuant les salaires dans ses usines européennes.
En disant aux syndicats français qu’elle attendrait l’issue des négociations engagées sur un « accord de compétitivité » le 6 novembre, pour décider l’affectation ou non de nouveaux véhicules dans les usines françaises, la direction de Renault étend à la France le chantage expérimenté en Espagne avec succès.
Là-bas, pour aboutir à l’« accord de compétitivité » signé le 9 novembre, après celui déjà signé en 2009, la direction avait agité la référence à l’usine roumaine de Pitesti pour convaincre les syndicats que l’augmentation de la charge de travail des usines espagnoles dépendrait de leur signature. Et contre la promesse de 1 300 embauches au rabais, Renault a réussi à imposer une violente régression à ses salariés, avec notamment un gel des salaires de 2014 à 2016 compris, une augmentation du temps annuel de travail, et la mise en place d’un « roulement » pour produire sept jours sur sept dans n’importe quel site espagnol du groupe. Avec en prime des embauches dans le cadre d’un nouveau type de contrat de travail, à durée déterminée de 18 mois, avec un salaire « équivalent à 72, 5 % de celui d’un agent de production qualifié ».
Après l’Espagne, la France !
Ce sale boulot arrivé à son terme, c’est aux syndicats des usines françaises que la direction propose maintenant quatre réunions pour parvenir à la signature d’un « accord de compétitivité » avant fin janvier. Et pour que l’enjeu des discussions soit bien assimilé par ses « partenaires » syndicaux, le directeur général de Renault, Carlos Tavares, avait pris soin d’en fixer la cible au Mondial de l’auto : « amener l’appareil industriel [français] au niveau de compétitivité de l’Espagne et de l’Angleterre en qualité, coût, délais et imaginer le plan d’action ».
Après l’accord signé en Espagne, il n’y a pas besoin de forcer l’imagination pour voir « le plan d’action » que s’assigne Renault en France. Sans s’engager pour autant à renoncer à des fermetures de sites, comme Carlos Tavares l’avait précisé au journal allemand Automobilwoche : « Renault n’exclut pas la fermeture d’usines en raison de la morosité du marché automobile en Europe ». Une menace sérieuse quand on sait qu’il exclut tout retour à un marché « florissant » en Europe avant 2018, voire 2020.
Contre cette mise en concurrence sans fin qui vise à opposer les travailleurs de la même entreprise, il y a évidemment urgence à créer les conditions de résistances communes.
Régis Louail
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 170 (15/11/12).
SNECMA (92) : Hollande se dégonfle !
Hollande devait visiter l’usine Snecma de Gennevilliers le jeudi 15 novembre. Comme président « normal » et de « gôche », il voulait se montrer proche des ouvriers et préoccupé par l’avenir des usines, et en plus Gallois a été PDG de la société. Ça crée des liens ! La direction lui avait donc soigné son programme : visite d’installations modernes, entretiens avec de jeunes (et rares) embauchés, et le nettoyage de tous les coins et recoins
de l’usine avait été fait.
Mais les conseillers du président ont oublié un petit détail : le syndicat CGT du site qui n’est pas prêt à servir la soupe à un président, même « socialiste ». La CGT a donc préparé un comité d’accueil pour l’interpeller sur sa politique, douce pour les patrons et dure pour les salariés, et sur la direction qui continue à liquider les emplois avec un carnet de commandes pourtant plein.
Justifier sa politique devant des travailleurs ne se comportant pas comme les figurants habituels des visites présidentielles dans les usines était une tâche impossible, et la visite a été annulée le matin même. On aura au moins gagné un nettoyage complet des locaux !
Correspondant
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 171 (22/11/12).
Albany (Haute-Vienne) : Nouvelle mobilisation contre les licenciements
En février dernier, l’usine Cofpa-Albany de Saint-Junien (près de Limoges) était cadenassée par la direction du groupe Albany international, signifiant la fermeture de l’usine aux 130 salariés. Une usine flambant neuve, construite après le rachat par Albany de l’usine Cofpa en faillite, avec l’aide de millions d’investissement public des collectivités territoriales…
Cette usine, où les ouvriers fabriquent de la toile non tissée, avait dégagé pour les actionnaires d’Albany 4 millions d’euros de bénéfices nets en 2011. Mais pour eux, ce n’était pas assez et ils avaient l’intention de transférer la production vers le site de Sélestat en Alsace et en Amérique du Nord. Ce fut l’indignation, la colère et la mobilisation des travailleurs d’Albany, soutenus par toute la population locale et les élus. Olivier Besancenot était venu soutenir et encourager leur combat au mois de mars. En pleine campagne présidentielle, Albany fut sous le feu des projecteurs et finalement la direction d’Albany retirait son projet. Un sursis en fait, comme le pensait beaucoup de salariés, car de nouveau la direction annonce un plan de licenciement, prélude à une probable fermeture et convoque un comité central d’entreprise extraordinaire… en Suisse !
Agitation et impuissance gouvernementale
De nouveau, les travailleurs d’Albany se mobilisent. Ils ont manifesté le 10 novembre à Saint-Junien, et remis ça le 14 avec d’autres salariés du bassin. Une délégation syndicale et d’élus locaux ont rencontré Montebourg le 16, profitant de sa visite à Limoges pour vanter le « Made in France ». Il était venu les soutenir dans le cadre de sa campagne pour Hollande en mars dernier, disant entre autres que si le PS était au pouvoir, il interdirait à ces patrons voyous de fermer les usines.
La délégation syndicale lui a expliqué que l’entreprise avait les carnets de commandes pleins et réaliserait autant de bénéfices en 2012 qu’en 2011, malgré l’absence de production en février et mars suite au conflit. Puis la délégation lui a demandé de convoquer une table ronde gouvernement-direction-syndicat avant la tenue du CCE, ce qu’il n’a pas pris en compte, ne pouvant s’immiscer dans les affaires privées ! Bref, on verra après les décisions de la direction, les patrons voyous peuvent dormir tranquilles.
Bon nombres de salariés n’attendaient pas grand-chose de cette entrevue. Ils savent et sentent qu’il ne pourront compter que sur leur mobilisation et surtout qu’elle reste à construire plus largement.
René Sens
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 171 (22/11/12).