La poursuite des discussions sur les bilans de la construction de partis anticapitalistes larges au prochain Comité international (CI) de la Quatrième Internationale (QI), début mars, nous offre l’opportunité de resituer les débats préparatoires au deuxième congrès du NPA, notre propre bilan, dans un cadre plus global, l’occasion de sortir des polémiques de batailles de congrès pour donner à nos discussions, divergences comme aux raisonnements qui les sous-tendent une portée plus générale. Ce texte est un éclairage, une contribution individuelle à cet indispensable travail qui demande une confrontation des différents points de vue pour en dégager les enseignements.
Il n’y a ni modèle ni type de « parti que nous voulons », ni parti de type « bolchévique », ni de modèle large mais il y a un débat pratique et concret sur les voies et moyens de faire émerger des bouleversements que connaît le monde des partis pour la transformation révolutionnaire de la société. Pas de modèle mais une méthode et des moyens correspondant aux nécessités et besoins du moment comme aux possibilités, les deux étant intimement liés. Les définir en tirant les enseignements des différentes expériences est l’objet de nos discussions tant dans le cadre de la préparation du congrès du NPA que du CI de la IV.
Ce débat a pour point de départ le fait que nous sommes devant une situation inédite. Les coordonnées à partir desquelles le mouvement révolutionnaire pensait son activité, ses perspectives sont bouleversées, de nouvelles coordonnées émergent, instables à partir du désordre de la mondialisation capitaliste financière qui créent des conditions nouvelles pour une intervention directe des travailleurs et des peuples sur le terrain politique.
Quelle qu’ait pu être notre appréciation des orientations définies au début des années 90, nous devons tout remettre sur l’établi. L’expérience du NPA offre, de ce point de vue, un intérêt particulier au sens où elle intervient à un moment charnière.
Un bilan, dans quel objectif, de quel point de vue ?
La discussion sur la crise du NPA participe du bilan de l’orientation formulée en 1992 sur les partis larges et les recompositions à gauche de la gauche par la IV. Tous les courants et mlitantEs impliqués dans la fondation du NPA n’ont pas nécessairement partagé cette orientation, dont l’auteur de ce texte, mais ils étaient réunis par l’objectif qui la sous-tendait, répondre à la crise du mouvement ouvrier et révolutionnaire, travailler à construire l’ébauche d’un parti de masse anticapitaliste et révolutionnaire. Le groupe dirigeant initialement à la manœuvre dans la fondation du NPA et qui a ensuite fondé la Gauche anticapitaliste se considérait et se considère, je crois, encore comme les vrais représentants de cette orientation à laquelle ils seraient restés fidèles. Il y a sans aucun doute beaucoup d’illusions de leur part mais il n’empêche, c’est ainsi qu’ils se justifient et tentent de se donner une légitimité. Je ne veux pas dire par là que leur propre évolution était écrite par avance, ce n’est pas le cas. Mais les ambiguïtés de cette orientation, la compréhension qu’ils en avaient « par en haut », ont contribué à leur propre dérive et, en conséquence, à notre crise.
Une de leurs erreurs est de ne pas avoir compris que les conditions politiques qui avaient conduit à formuler cette orientation, quoi qu’on puisse en penser par ailleurs, appartiennent au passé.
Les échecs comme les évolutions en cours nous imposent de clarifier nos orientations.
Au niveau de la IV comme à celui du NPA le bilan vise à définir les erreurs, le décalage entre les orientations, les objectifs poursuivis et leur mise en œuvre pratique, les acquis, les points d’appui à partir desquels nous pouvons avancer. Trop souvent les bilans sont par trop unilatéraux et servent soit d’acte d’accusation soit de justification, ni l’un ni l’autre mais une discussion pragmatique sur là où nous en sommes, ce qu’il faut corriger pour affronter la suite.
Un bilan auquel s’est dérobée la GA
Je crois qu’il faut noter le comportement antidémocratique du noyau dirigeant de la GA qui a organisé méthodiquement la rupture à marche forcée en empêchant tout débat réel. Il y a là une certaine logique de leur choix politique. Rompant avec le projet qui nous avait rassemblés, ils ne pouvaient assumer cette abdication de façon démocratique alors que l’évolution sociale et politique venait souligner la pertinence de notre projet.
Refuser le débat du congrès autorise ces camarades à s’épargner de faire leur propre bilan à la fois quand ils étaient à la manœuvre à la direction du NPA ou, depuis un an, après qu’ils se soient déclarés fraction publique.
Durant les derniers mois qui ont abouti à la rupture, les animateurs de la GA se sont employés à créer un mauvais climat sans même discuter sur le fond : comment de la discussion de la conférence nationale de juin 2011sur continuer ou arrêter les discussions avec le Front de gauche pour la présidentielle ils en sont arrivés à l’abandon du projet d’un parti anticapitaliste indépendant pour soutenir la candidature de Jean Luc Melenchon et, au final, abdiquer d’une politique indépendante du Front de gauche en particulier aux élections législatives et le rejoindre.
La façon dont ont été menées les négociations sur les questions financières tant d’abord à propos des demandes de la Gauche unitaire, partie prenante du Front de gauche, qu’ensuite de celles de la GA, était symptomatique de l’état d’esprit des animateurs de la minorité, de leur rupture avec notre projet initial. Dès le début des discussions avec la GU, ils discutaient comme s’il s’agissait de leurs propres demandes. La rupture était déjà dans les têtes et à l’œuvre.
Ces négociations ont, de fait, posé la question des relations entre la LCR et le projet du NPA. Les camarades qui ont voté contre le fait que les décisions concernant l’usage du patrimoine transmis par la LCR reviennent à la direction du NPA, se sont mis en contradiction avec notre projet initié par cette même LCR.
Il ne s’agit pas d’une discussion juridique sur les droits d’héritage mais bien d’une discussion politique.
Il n’y a aucun argument moral donnant des droits au titre du passé sur le patrimoine de la LCR. Ce patrimoine n’est pas un appareil dont on pourrait se partager les parts au nom du droit bourgeois.
Il s’inscrit dans une histoire et des choix politiques. Le congrès de dissolution de la LCR a fait le choix d’inscrire ce patrimoine dans un projet politique qui est devenu le NPA. Le comité de suivi alors mis en place assurait une fonction légale, dans le cadre de cette société, transmettre ce patrimoine au NPA. Et c’est donc bien au NPA que la LCR a transmis le droit démocratique de décider de l’usage de ce patrimoine.
Contester ce droit démocratique rentre en contradiction avec notre projet et les décisions du congrès de dissolution de la LCR.
La GU et la GA ont utilisé leurs positions dans l’ancien appareil de la LCR pour forcer la main au NPA de façon scandaleuse.
Et de ce fait, le bilan que ces camarades font du NPA ne se situe plus du même point de vue que nous mais du point de vue de militants qui ont abdiqué de construire un parti pour la transformation révolutionnaire de la société pour se placer sous la direction politique du PCF et du PG, de Pierre Laurent et de Jean Luc Melenchon. Leur choix politique n’est pas simplement tactique.
Notre bilan se situe du point de vue de celles et ceux qui sont convaincus de la nécessité d’un parti anticapitaliste indépendant des réformistes quels que soient les chemins tactiques que puissent prendre ce travail.
Nous avons eu raison d’oser !
Nous ne refusons bien sûr pas la discussion mais nous n’avons pas la même optique. Notre bilan vise à définir comment nous avançons dans le cadre de notre projet sur la base d’un bilan de ces années passées.
Et le premier point est de dire, sans ambigüité, nous avons eu raison de nous lancer dans la bataille.
Il est toujours vrai qu’il n’y aura pas d’émergence d’un parti anticapitaliste et révolutionnaire sans une politique visant à surmonter les divisions passées pour rassembler toutes les forces et travailler à la mise en œuvre d’un programme, d’une orientation, à la construction d’un outil efficace et démocratique capable d’associer, d’entrainer à travers les combats qu’engendre la résistance contre la crise dans laquelle la politique des classes dominantes plonge la société.
Cela est vrai, à des rythmes et sous des formes différents mais pas indépendants, au niveau national, européen et aussi international. C’est bien pourquoi la fondation du NPA s’était accompagnée d’une politique de regroupement des anticapitaliste au niveau européen.
Le NPA était et demeure une tentative de réponses à la crise du mouvement ouvrier et révolutionnaire dans un contexte qui n’était et n’est plus celui des années 90 qui ont suivi l’effondrement de l’URSS. Il n’était ni un coup politique ni l’illusion que nous allions être capables d’occuper le terrain laissé libre pas le recul du PCF en mettant de l’eau dans notre vin.
Il reprend les objectifs du début des années 90, sortir de la marginalité à laquelle le stalinisme nous avait contraints, pour travailler à les dégager des erreurs passées, des partis stratégiquement non délimités, tout en les adaptant au nouveau contexte social et politique, aux nouvelles possibilités.
Cette période qui va de l’effondrement de l’URSS, la fin des décennies post-soixanhuitardes à aujourd’hui a ouvert de nouvelles possibilités pour aller vers la construction de partis ouvriers et populaires de masse mais il me semble que les consciences sont restées trop dépendantes des vieux partis. C’est cette dépendance qui s’est exprimée dans les erreurs de ces dernières années et qui s’exprime dans la scission de la GA.
La fondation du NPA est intervenue à la croisée des chemins, deux voies se sont confrontées pour aboutir à la scission.
Il s’agit aujourd’hui d’en dégager les leçons pour redonner au projet du NPA toute sa force.
Notre crise, c’est aussi la crise globale de l’extrême-gauche
En fondant le NPA nous avons osé tenter de nous hisser au niveau des possibilités nouvelles issues de l’évolution des rapports de force politiques. A l’issue de la première étape de notre existence force est de constater que nos forces étaient trop faibles, les illusions trop grandes et les rapports de force réels nous ont vite rattrapés pour nous rappeler la réalité que beaucoup refusaient de voir. Ces faiblesses et illusions se sont exprimées dans l’attraction qu’a exercée le Front de gauche sur une forte minorité de camarades.
Mais on ne en peut discuter sans faire aussi le bilan des autres tendances tant françaises qu’internationales du mouvement révolutionnaire.
Bien des donneurs de leçons oublient d’insérer la discussion dans un ensemble afin de mieux tenter de vendre leur recette.
Aucune des autres tendances n’a réussi à l’issue de la période de transition que nous avons connue ces vingt dernières années à franchir un seuil significatif. La plupart n’ont rien osé.
Si nous prenons l’exemple de la France, il nous est impossible de ne pas nous interroger sur les raisons pour lesquelles l’extrême gauche n’a pas réussi à franchir une étape significative alors qu’en 1995 Arlette Laguiller réalisait plus de 5% des voix à l’élection présidentielle, puis en 2002, AL et OB réalisaient ensemble plus de 10%, des voix. Pour au final que Nathalie Arthaud et Philippe Poutou fassent, ensemble, moins de 2% des voix.
Comment expliquer que Lutte ouvrière et la LCR aient obtenu, ensemble, en 1999, 5 députés au Parlement européen sans que l’extrême-gauche franchisse un pas significatif.
On ne peut se contenter d’invoquer les rapports de force, les conditions objectives même si ils ont pesé très négativement. Aucune des directions n’a été à même de formuler une perspective visant à unifier le mouvement révolutionnaire. Ceux qui s’y sont attelés comme le courant exclu de LO en 97, Voix des travailleurs, étaient par trop minoritaires pour pouvoir y parvenir.
Le mouvement révolutionnaire reste encore dominé par ses divisions passées, voire s’ingénie à les perpétuer comme la crise actuelle du NPA en donne le spectacle.
Mais la direction de la LCR et le NPA ont eu l’immense mérite de tenter de faire un pas décisif en avant. Les rapports de force nous renvoient dans les cordes, un moment, mais nous n’avons pas perdu.
Confrontée à sa propre mue de plus ou moins petits groupes en ébauche de parti de masse, ouvrier et populaire, mue pour le moins difficile, l’extrême gauche reste dominée par des conceptions héritées du passé de groupes condamnés à la marginalité par la domination du réformisme social-démocrate ou stalinien, sans cesse tiraillée entre la proclamation révolutionnaire et l’adaptation aux appareils dominants.
Les premières années du NPA, notre crise, ont été un moment d’affrontement entre ce passé et l’avenir.
L’avenir ne pourra l’emporter qu’à travers un vaste travail d’élaboration pratique et militante pour répondre aux nécessités et aux possibilités nouvelles, travail qui dépasse nos frontières nationales…
Les effets désorganisateurs des ambiguïtés stratégiques
Là était l’ambition du NPA mais les uns et les autres n’y mettaient pas le même contenu en fonction des histoires passées, n’en avaient pas la même compréhension. L’une restait marquée par les idées de la recomposition à la gauche de la gauche, une autre par l’unité des révolutionnaires, celle de minorités par une auto-affirmation révolutionnaire… Seule une cohérence de vision stratégique aurait pu dépasser dans une politique concrète ces contradictions. Cela n’a pas été possible.
Les camarades qui ont créé la GA ont écrit que le congrès fondateur avait été « d’un certain point de vue » un « marché de dupes ». Si on comprend bien, il y aurait eu tromperie. Ils considèrent qu’ils se sont faits les instruments d’une politique qui n’était pas la leur. Le congrès de fondation laissait ouverts des débats stratégiques, nous le savions, mais cela n’impliquait nullement de ne pas dire ce que l’on pensait ni de chercher à convaincre à travers les évolutions du NPA de son propre point de vue, de commencer à mener plus à fond le débat stratégique qui aurait dû être à l’ordre du jour du premier congrès.
Mais cela, ces camarades ne l’ont pas voulu préférant surfer sur les contradictions.
Ils ont ainsi contribué à nourrir des mécontentements, à créer des dysfonctionnements, à entraver le débat démocratique. Et au final ils ont tenté de formaliser un clivage entre eux qui inscrivaient le projet du NPA dans les recompositions à gauche de la gauche et ceux qui croyaient qu’il suffisait d’appeler le NPA « révolutionnaire » pour résoudre les questions politiques.
Ils se sont pris à leur propre piège en se heurtant à la réalité du projet du NPA, à celles et ceux qui le défendaient comme constitution d’un cadre militant démocratique et ouvert dans lequel pouvaient et peuvent se retrouver la jeune génération qui s’engage en politique comme toutes celles et ceux qui rompent avec la politique de la gauche libérale ou réformiste dans un processus de construction d’un parti pour la transformation révolutionnaire de la société.
Notre projet s’inscrivait et s’inscrit dans les évolutions en cours depuis la chute du Mur, l’effondrement du stalinisme qui a laissé les mains libre à la social-démocratie pour sa mue libérale. Il se veut une tentative de réponse à la crise du mouvement ouvrier, impuissant parce que dominé politiquement par l’idéologie des classes dominantes. Diriger ce processus supposait avoir une vision stratégique suffisamment forte et enracinée dans les réalités sociales et politiques pour définir une orientation tout en acceptant les expérimentations, en en tirant collectivement les bilans. De fait, la direction mais aussi l’ensemble du parti, n’en ont pas eu la capacité afin d’éviter la scission et les départs.
Il faut dire qu’une telle compréhension du rôle d’une direction est en rupture avec la façon de penser la plus répandue au sein du mouvement révolutionnaire. Et elle est sans aucun doute la leçon la plus importante de cette période mais aussi la plus difficile à mettre en pratique, l’enjeu essentiel du congrès.
Les étapes d’une crise ou le développement des contradictions
L’histoire des quatre premières années du NPA est celle du développement de cette contradiction de fond jusqu’ à la rupture. Le noyau dirigeant croyant à l’illusion qu’il leur était possible de surfer sur la popularité d’Olivier Besancenot pour développer une politique de recomposition à gauche de la gauche en misant sur les rivalités entre le PC et le PG, une autre illusion, furent incapables d’impulser une réelle politique de construction.
Ils mirent au service de personnalités politiques comme Raoul Marc Jennar et d’autres, souvent peu fiables d’un point de vue anticapitaliste, les forces militantes de la LCR tout en promotionnant celles ou ceux qui étaient disponibles pour ce genre d’aventures tout en écartant des militants capables d’indépendance d’esprit au nom qu’ils étaient de la LCR. La direction fut formée par cooptation.
Cette politique paralysait par avance le débat démocratique.
Elle avait aussi un corollaire, la personnalisation excessive dont Olivier a voulu se défaire en refusant d’être candidat en 2012.
La paralysie a été accentuée par la constitution du Front de gauche quelques mois après la fondation du NPA. L’absence de vision stratégique du noyau dirigeant a été aggravée par ses illusions sur les possibilités de jouer des rivalités entre le PG et le PCF. A ce petit jeu, ils sont tombés sur plus fort qu’eux et, tout naturellement si l’on peut dire, ont fini par tomber sous leur coupe.
La présidentielle de 2012 a été le moment de cristallisation des contradictions à l’œuvre. Le refus d’Olivier de continuer à se prêter ce jeu politique a laissé le champ libre au développement de la contradiction. Le noyau dirigeant regroupé autour de Pierre François Grond avait perdu sans voir d’autre porte de sortie que la fuite en avant.
Le NPA ne pouvait être un coup mis en œuvre avec comme seule stratégie la recomposition à gauche de la gauche.
Le seul contenu que pouvait prendre le projet du NPA était et est celui d’une démarche en réponse à la crise du mouvement ouvrier et révolutionnaire face à la nouvelle période.
Retour sur le congrès mondial de 2009
Il n’est pas sans intérêt de revenir sur le congrès parce que je crois que les évolutions que nous devons prendre en compte soulignent l’importance qu’il y a à noter la rupture avec les raisonnements de 92, ce que le dernier congrès n’a pas fait avec assez de clarté. C’était le sens des amendements [1] au texte de François Sabado sur « le rôle et les tâches de la IV » [2] que j’avais alors formulés.
Il s’agissait de souligner le fait que la question des partis larges ne pouvait plus se poser dans les mêmes termes qu’en 1992 pour deux ordres de raisons. D’abord la situation globale, économique, sociale et politique n’est plus la même, il nous faut prendre la mesure du « basculement du monde » pour rediscuter nos perspectives et nos tâches. Ensuite des expériences ont été faites dont les bilans nous obligent à souligner la nécessaire indépendance vis-à-vis de la politique des vieux partis réformistes et l’importance de formuler, défendre et mettre en œuvre des orientations programmatiques et stratégiques en continuité avec le marxisme révolutionnaire. Indépendance surtout vis-à-vis des nouvelles forces antilibérale, réformistes qui sont apparus.
Il ne me semblait pas juste d’écrire « Nous confirmons l’essentiel des choix faits lors de notre dernier congrès mondial en 2003 sur la construction de larges partis anticapitalistes. » Le contenu donné à cette formule aurait dû et doit être enrichi par un bilan critique des différentes expériences (en particulier le Brésil et l’Italie, aujourd’hui la Red Green Alliance, aussi du NPA) de construction de partis larges anticapitalistes depuis notre dernier congrès mondial en 2003. La IVe Internationale est confrontée, de manière globale, à une nouvelle phase. Cela implique de préciser, de redéfinir ses tâches.
Les différentes tentatives de répondre à la crise du mouvement ouvrier ne pourront être fructueuses que si nous tirons les enseignements des échecs passés. Certes, il ne s’agit pas de reprendre les vieilles formules de regroupement des seuls courants révolutionnaires. Il s’agit de se donner les moyens de contribuer à construire des partis de masse, instruments des luttes des travailleurs dans la perspective du socialisme. Il n’y a pas de modèle, chaque processus de regroupement et de construction tenant compte des spécificités et rapports de forces nationaux, mais le contenu politique et programmatique de notre travail et intervention au sein des différents processus doit être clairement défini : indépendance de la social-démocratie et du centre-gauche, rejet de toute politique de participation ou de soutien à des gouvernements de collaboration de classes, indépendance vis à vis des institutions bourgeoises, défense d’une politique de réponse à la crise du capitalisme remettant en cause la propriété privée capitaliste et mettant en avant la nationalisation du système financier sous le contrôle des travailleurs et de la population. La reconstruction du mouvement ouvrier ne pourra se faire qu’en rupture avec les politiques de collaboration de classe, de compromis et de compromissions des vieux partis réformistes, sociaux-démocrates ou staliniens, comme avec celles des nouvelles moutures du réformisme antilibéral.
Les leçons de Grèce et du Danemark
Les bouleversements en cours sous les effets de la crise ouverte en 2008, la généralisation de la crise de la dette, produit d’un capitalisme à crédit et à bout de souffle créent une situation nouvelle du fait que l’impasse dramatique à laquelle conduit la politique des classe dominantes et de leurs Etats, devient de plus en plus évidente pour de très larges couches de travailleurs. Elle commence à poser une question de fond, celle du pouvoir. C’est vrai dans le processus des révolutions arabes mais c’est aussi vrai en Europe. La terrible régression sociale dans laquelle la troïka a plongé la Grèce mais aussi le Portugal, l’Espagne et bientôt tous les pays d’Europe révèle l’aberration des politiques d’austérité qui n’ont d’autre but que maintenir les profits. Elle montre aussi que la lutte pour la garantie des droits des salariés et des classes populaires passe par des transformations profondes, des incursions dans les domaines de la propriété privée, par l’annulation de la dette et la création d’un monopole bancaire public.
Ces leçons sont valables pour tous les pays d’Europe et au-delà alors que la crise de la dette devient un phénomène quasi mondial.
Cette question du pouvoir n’est pas abstraite, elle a pris un tour concret en Grèce du fait de l’effondrement des partis de la troïka dont le PASOK qui met un parti antilibéral en position de peut-être constituer le futur gouvernement du pays. La question n’est pas de faire de pronostics mais d’avoir une politique. Cela suppose que les anticapitalistes soient à même de porter une réponse sur le terrain gouvernemental, celle d’un gouvernement contre l’austérité, pour les droits des travailleurs et de la population, pour l’annulation de la dette et la création d’un monopole bancaire public. Cette perspective politique s’appuie sur les mobilisations et l’organisation des travailleurs, de la population, elle est au cœur de notre bataille pour rassembler les forces contre les politiques d’austérité. Elle est aussi indissociable d’une politique pour construire un parti anticapitaliste indépendant des réformistes.
Les leçons du Danemark se combinent avec celle de Grèce pour plaider dans le sens de notre pleine indépendance. Voter le budget d’un gouvernement bourgeois, c’est plus qu’une erreur, c’est passer de l’autre côté du cheval, d’autant plus s’il s’agit d’un budget d’austérité.
Œuvrer au regroupement des anticapitalistes et révolutionnaires, développer une politique de front unique contre l’austérité en posant la question du pouvoir, d’un gouvernement contre l’austérité et la dette, interpeller les forces antilibérales, ne pas leur laisser le monopole de la réponse politique, mener dans les syndicats, les associations, les mobilisations le débat sur le lien entre ces dernières et les perspectives politiques me semblent les axes autour desquels s’articule notre politique.
Un congrès de refondation ou l’actualité du projet de regroupement des anticapitalistes
Sans doute le congrès du NPA donnera-t-il un nouvel éclairage à cette discussion sur les perspectives et tâches des anticapitalistes. Un nouveau défi est devant nous : rassembler notre parti après le choc de la scission qui continue d’entretenir les logiques de division. L’affaire n’est pas gagnée. La scission a réveillé les vieux réflexes, se protéger de l’opportunisme par la phrase révolutionnaire.
Deux questions cristallisent les discussions : la continuité de notre projet de rassemblement des anticapitalistes et la question des liens entre front unique et la question du pouvoir. Les deux se nourrissent.
Rassembler notre parti, c’est lever les ambiguïtés stratégiques sur la question du pouvoir sans tomber dans la proclamation « révolutionnaire » et en liant cette question de l’alternative politique, du gouvernement contre l’austérité à la politique pour construire l’unité de notre camp, construire une opposition de gauche au gouvernement Hollande-Ayrault.
Pour avancer dans ce sens notre bilan, malgré d’innombrables faiblesses, est un point d’appui pour le développement du mouvement anticapitaliste et révolutionnaire en particulier grâce à la campagne présidentielle. D’abord parce que la campagne a été le résultat d’un large rassemblement de l’organisation qui nous a permis de surmonter la crise provoquée par les choix de la GA ensuite parce qu’elle a été l’occasion de formuler à une échelle de masse les axes politiques que nous avons portés et qui sont, actualisés après la victoire de la gauche libérale, au cœur de notre orientation.
L’enjeu des discussions est aussi, peut-être surtout, de recréer un climat de solidarité et de confiance pour apporter des réponses aux questions de fonctionnement, reconstruire une direction pour relancer la dynamique du NPA en combinant démocratie et efficacité en nous enracinant dans le monde du travail et la jeunesse.
Le 12/01/2013
Yvan Lemaitre