Aujourd’hui, les enfants s’amusent en riant avec des ballons. Pour eux et leurs parents, l’année 2013 commence mieux. Depuis le 29 décembre, avec DAL et Jeudi noir, 14 familles occupent un bâtiment de 2 000 mètres carrés à Paris, près de la gare de l’Est, chauffé et en bon état.
Ces familles font partie des 3, 5 millions de mal-logés, dont 400 000 en attente d’un logement social en Île-de-France. Certaines ont été reconnues prioritaires dans le cadre de la loi DALO depuis 2008 mais attendent toujours…
Vers de nouvelles réquisitions ?
L’immeuble appartient à… une série de sociétés-écrans situées dans plusieurs paradis fiscaux, et le propriétaire préfère le laisser vide depuis deux ans, en attendant une bonne occasion de spéculation. De même, près de la place de la République, 700 m2 au 103, rue de Turenne, ou 5 000 m2 rue René-Boulanger : sur le premier une pancarte signale l’installation d’un siège social… depuis 1 an et demi ; l’autre, vide depuis 2010, appartient à Groupama qui le fait garder par des maîtres-chiens. Ces immeubles ont été repérés par le DAL et Jeudi noir, qui lancent une campagne nationale, proposant des affiches « À réquisitionner » à coller sur les bâtiments vides à côté de chez vous.
Histoire d’aider la ministre à faire l’inventaire promis et à accélérer le processus qui risque d’être long si les procédures se heurtent à des sociétés-écrans. Lors de sa visite aux familles de la gare de l’Est, Cécile Duflot a déclaré que « chacun est dans son rôle et qu’elle respecte ce que font des mères de famille pour retrouver un logement », et Manuel Valls a affirmé qu’il n’y aurait pas d’expulsion. Bien… mais pour les autres ?
Stop aux expulsions !
En 2011, 12 760 expulsions avec le concours de la force publique, soit deux fois plus qu’en 2001. Et la Fondation Abbé Pierre estime à 50 000 le nombre de familles expulsées : « Beaucoup partent sous la pression des huissiers, ou quittent leur logement en catimini, par honte ». Et ça ne s’est pas arrêté en 2012. Avec une accélération juste avant la trêve hivernale (Bastamag [1] cite le cas d’un jeune homme averti de l’expulsion par un coup de téléphone) pour ne pas être hors délai.
Et en décembre, la justice, l’État et les propriétaires ont « oublié » que les squatteurs ont des droits : expulsion de 20 personnes à La Plaine-Saint-Denis, de 250 migrants et demandeurs d’asile en Bretagne (et l’expulsion demandée par le PCF d’un immeuble de Paris 14e). De quoi alourdir encore les chiffres du Samu social à Paris : 1 200 appels par jour, en décembre, 1 sur 2 sans solution ; en province, la Croix-Rouge avance que ce sont parfois 80 % des demandeurs qui restent à la rue. Les demandeurs Dalo ne doivent plus être expulsés, mais la circulaire est arrivée très tard.
« Les réquisitions, ça se fait aussi avec un pied-de-biche »
Pour Noël, le DAL a offert à Cécile Duflot un pied-de-biche doré, pour lui rappeler que si les réquisitions légales traînent encore trop (et quand on voit les exemples cités ici, on sait que multinationales et autres spéculateurs ont les moyens de faire traîner) il lui appartient de soutenir ceux qui réquisitionnent tout de suite.
Isabelle Guichard