- 1 . Le Mali, une ‘vitrine (…)
- 2. Participation à la guerre
- 3. L’implication de la France
- 4 . L’intervention, préparée
- 5 . Les « amis » de la CEDEAO
- 6 . L’intervention de l’armée
- 7 . La France bafoue la (…)
- 8. La France cherche a utilise
- 9. La France gendarme de (…)
- 10 . L’objectif de la lutte
- 11. Une intervention à l’issue
- 12 . L’exercice d’un contrôle
La menace que font peser les groupes armés occupant le Nord du Mali depuis plusieurs mois sur la population et l’intégrité du Mali est indéniable. Leurs exactions sont connues et ont provoqué la fuite de centaines de milliers de personnes. Aussi, leur descente vers Mopti début janvier 2013 a provoqué de très fortes inquiétudes et a mené les actuelles autorités maliennes à demander une intervention militaire française.
L’intervention française semble avoir mis un coup d’arrêt à l’offensive vers le sud du pays de mouvements armés qui se revendiquent d’un islam radical et le soulagement des Maliens en ce moment est compréhensible.
Aujourd’hui, la France qui prétendait tout d’abord n’intervenir que pour bloquer les groupes armés au Nord, a revu ses buts de guerre et continue une phase offensive de sa guerre au Mali. Divers motifs militaires et politiques à l’opération Serval rendent cette opération critiquable.
Conformément aux objectifs de l’association Survie [1], ce document se concentre sur le rôle de la France au Mali et aborde de façon moins approfondie le rôle des autres acteurs clé de la crise. Il ne s’agit pas de les dédouaner ou de faire porter à la France l’entière responsabilité de la crise au Mali. Il s’agit de décrypter le rôle qu’a joué la France dans la genèse de cette crise et le jeu diplomatique qu’elle a mené pour une intervention militaire dont elle est aujourd’hui la principale force, à la lumière des enjeux français dans la zone. Notre analyse nous conduit à de très vives inquiétudes concernant l’évolution de l’intervention militaire française au Nord du Mali et ses conséquences. Nous avons rassemblé ces points de contexte et inquiétudes à travers le développement d’arguments détaillés ci-dessous.
Depuis le mois de juillet 2012, la France a promu une intervention militaire au Nord du Mali contre les groupes armés se revendiquant d’un islam radical qui l’occupent actuellement, afin de recouvrer l’intégrité du territoire malien, de lutter contre le terrorisme et du fait de la situation humanitaire catastrophique pour les personnes sur place et pour celles qui ont fui la zone [2]. Les autorités françaises ont assuré pendant des mois qu’elles n’assumeraient qu’un « soutien logistique » à l’intervention africaine qui serait mise en œuvre. Pour ce faire, la France a participé à la marginalisation du rôle des acteurs maliens et a joué de son influence auprès des instances régionales (comme la CEDEAO, utilisée comme un faire-valoir) et internationales, alors qu’un certain nombre d’États de la zone et d’autres puissances internationales étaient très mitigés sur une intervention.
Survie considère que l’intervention de la France est contestable et inquiétante, du fait de son histoire et de sa posture de domination vis-à-vis de ses anciennes colonies dont le Mali, de ses accointances avec les pires régimes de la région, des désastres liés à ses interventions militaires en Afrique qui ont toujours visé à soutenir des dictateurs ou ses propres intérêts contre la volonté des peuples, et de son incapacité manifeste à prendre en compte les risques d’une intervention pour les Maliens et la région.
En réalité, pour Survie, la guerre que conduit actuellement la France au Mali s’inscrit dans la droite ligne de la politique qu’elle mène en Afrique depuis cinquante ans – une ingérence diplomatique, économique et financière et un interventionnisme militaire au service d’intérêts français, pour laquelle les décisions sont prises, comme à son habitude, sans réel débat entre l’exécutif et le Parlement et encore moins avec la population de la France.
Ce document a été élaboré collectivement par des militant-e-s de Survie qui suivent la situation au Mali depuis plusieurs mois ou plusieurs années. C’est un document qui ne prétend pas à l’exhaustivité, et qui pourra être amené à être complété, actualisé.
1 . Le Mali, une ‘vitrine démocratique’ qui a volé en éclats
Jusqu’au déclenchement de la crise, le Mali était souvent présenté comme un modèle de démocratie pour l’Afrique. Suite au coup d’État de mars 1991 contre le dictateur Moussa Traoré, l’organisation d’une Conférence nationale souveraine, la remise du pouvoir aux civils, la mise en place de réformes institutionnelles sous la présidence d’Alpha Oumar Konaré (1992-2002) puis la politique consensuelle du président Amadou Toumani Touré (ATT), jusqu’en 2012, ont pu être montrés en exemple dans un continent marqué par les pouvoirs despotiques, les coups d’État et autres successions dynastiques.
Cet enracinement supposé de la démocratie s’est cependant établi sur un terreau social et économique très fragile, dans un pays marqué par la prévalence d’une pauvreté endémique.
Le pays connaissait en outre une stabilité toute relative marquée par des rébellions sporadiques au Nord du Mali depuis les indépendances.
Les États soutenant le Mali, y compris la France, ont souvent occulté les zones d’ombre de la démocratie malienne, passant sous silence les violations des droits de l’Homme et minimisant les irrégularités électorales [3] (notamment celles de 1997, qui ont provoqué une importante crise politique, ou encore celles de 2002), de même que le développement endémique de la corruption.
Le pays était d’autant plus applaudi que ses élites, en grande partie corrompues, acceptaient la domination des tutelles internationales. Le cercle vicieux de l’aide internationale s’est imposé en parallèle des politiques économiques dévastatrices des institutions internationales (FMI, Banque Mondiale). Le surendettement des années 1970 a servi de justification pour imposer au Mali une restructuration de la dette. Cette restructuration conditionnée à des plans d’ajustement structurels mortifères a imposé l’austérité dans les dépenses publiques, puis les privatisations et la libéralisation à outrance des années 1990 et 2000. La France a bien sûr appuyé cette politique prédatrice tout en maintenant le pays sous la tutelle monétaire du Franc CFA, avec ses dévaluations décidées par Paris.
Les dignitaires du régime malien, jusqu’aux plus hauts rangs de l’État ont laissé les institutions se déliter peu à peu, à l’image de l’armée malienne laissée dans un état d’impréparation et de sous équipement critique et dirigée par des gradés trop occupés par la quête d’avantages et de promotions, et pour certains, par leur collusion dans divers trafics avec AQMI (otages, drogue, etc).
Ces dernières années, les relations entre les gouvernements français et malien s’étaient d’abord distendues puis raidies suite au refus du Mali de signer les accords de réadmission de ses ressortissants, et également du fait de son manque d’agressivité à l’égard d’AQMI présent au nord du Mali et responsable des prises d’otages occidentaux. La France et d’autres ont alors commencé à considérer ATT comme « le maillon faible de la lutte contre le terrorisme » voire même l’ont accusé d’être complice d’AQMI [4].
Pourtant, l’instabilité au Nord du Mali paraît avant tout chronique. D’une part, des groupes touareg portent des revendications relatives à leurs droits en tant que Maliens et/ou en tant que minorité depuis la période coloniale. Ils ont pris les armes à différentes reprises, lors de la rébellion de 1963 (très violemment réprimée par le gouvernement malien) et en 1990. Depuis, le Mali a été confronté régulièrement à la résurgence de groupes armés à l’ampleur plus limitée, notamment en 2006.
D’autre part, des groupes dits islamistes et pratiquant différents trafics dont les prises d’otages se sont installés au Nord du Mali à partir de la fin des années 1990 et surtout au début des années 2000. Il s’agit en particulier du GSPC, devenu AQMI en 2007.
En juillet 2006, le gouvernement malien et les rebelles touaregs ont signé à Alger de nouveaux accords de paix [5], qui ont été contestés au Mali, notamment dans la mesure où ils entérinaient le retrait de l’armée nationale d’une grande partie du Nord. Ces accords de 2006 pourraient avoir contribué à la sanctuarisation du Nord du Mali en laissant le champ libre à la présence et aux trafics d’AQMI et d’autres groupes armés. Sous pression internationale à la suite de ces accords, ATT a dû annoncer en 2009 la création du Programme spécial pour la paix, la sécurité et le développement dans le Nord du Mali (PSPSDN), financé par les bailleurs, France et Union européenne (UE) en tête, un programme largement critiqué pour son absence de résultats...
Ces quelques éléments de contexte contribuent à expliquer la débâcle de l’armée malienne dès les premières attaques au Nord du Mali perpétrées par le groupe armé MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) aidé d’Ansar Dine début janvier 2012.
L’impréparation de l’armée, qui a révélé au grand jour la crise des institutions, a généré des mouvements sociaux et une grogne au sein de l’armée et a finalement abouti au coup d’État militaire du 22 mars 2012. Ce coup d’État n’a fait qu’affaiblir davantage l’État et accélérer l’occupation du Nord du pays par d’autres groupes armés se revendiquant de l’islam radical, ayant supplanté le MNLA : Ansar Dine, le Mujao et AQMI.
2. Participation à la guerre en Lybie et posture équivoque vis-à-vis du MNLA : les autorités françaises portent une part de responsabilité dans l’éclatement de la crise au Mali
En mars 2011, la France lançait en Libye, sous les couleurs de l’OTAN, l’opération militaire Harmattan pour soutenir et armer les mouvements rebelles du Conseil National de Transition. Toute au soutien des Libyens insurgés, mais surtout de ses propres intérêts, la France a refusé d’envisager les conséquences collatérales d’une telle intervention en termes de déstabilisation de la région. Malgré les mises en garde inquiètes et nombreuses de la plupart des chefs d’État de la région et de l’Union Africaine, aucune mesure n’a été prise par l’OTAN pour anticiper et réduire les effets secondaires de la guerre.
La dissémination des armes de Kadhafi et de celles livrées aux rebelles libyens par les pays occidentaux a bénéficié, entre autres, aux groupes armés touareg, mais aussi à ceux se revendiquant d’un islam radical [6]. La chute de Kadhafi a aussi provoqué le départ vers leurs pays d’origine de mercenaires et militaires d’origine malienne qui étaient intégrés dans l’armée libyenne, ‘avec armes et bagages’. « Les services de renseignements présents sur place ont pu constater une augmentation du nombre de pick-up et de camions chargés d’armement partant de Libye à destination des pays voisins et au-delà » [7]. Les groupes surarmés revenus au Mali [8] en passant sans encombre par l’Algérie ou le Niger n’ont pas été inquiétés par les autorités de l’État malien. Les armes n’ont pas été saisies et le pouvoir local n’a pas semblé s’inquiéter outre mesure de l’impact de ces groupes armés sur la stabilité de la zone.
A partir de fin 2011, alors que le MNA (Mouvement National de l’Azawad, officiellement créé en novembre 2010) se transforme en MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad), les autorités françaises adoptent une posture équivoque [9]. Elles lui prêtent une oreille attentive, sans doute notamment dans l’idée que ce groupe armé touareg puisse être un allié dans la lutte contre AQMI [10] : visite au MAE français d’une délégation du MNLA, accès facile aux médias pour les leaders basés en France - y compris sur les chaînes publiques.
Les autorités françaises ont même un discours qui peut être lu comme un soutien et une légitimation de ce groupe armé, comme l’illustrent les déclarations du Ministre des Affaires Étrangères Alain Juppé lors de sa visite à Bamako le 26 janvier 2012, où il en appelle au dialogue avec le MNLA et à la tenue de l’élection présidentielle dans les délais prévus, soit trois mois après. Pourtant, l’occupation de certaines zones du territoire par les groupes rebelles exclut la possibilité de tenir l’élection si l’on s’en tient à la Constitution malienne, qui prévoit comme condition de validité d’une élection son déroulement sur tout le territoire.
Alors que le MNLA se trouve marginalisé militairement dans le Nord du Mali et qu’une partie de l’opinion malienne le tient responsable du déclenchement de la crise, ce mouvement apparaît toujours comme un interlocuteur de choix pour les autorités françaises [11]. Le MNLA a publiquement proposé son implication militaire dans la reconquête du Nord du Mali.
3. L’implication de la France au Sahel est étroitement liée à la préservation de ses intérêts économiques
En affirmant le 16 janvier que la France n’avait aucun intérêt économique au Mali, François Hollande a délibérément masqué certaines clés de compréhension de l’intervention française au Mali.
Depuis la période coloniale, le Sahara a représenté un espace à part dans l’empire français, en particulier du fait de la découverte des richesses de son sous-sol. C’est pourquoi la France a cherché à garder la mainmise sur cet espace à haute valeur économique et stratégique.
C’est dans cette perspective qu’elle a créé en 1957 une entité territoriale spécifique, l’OCRS (Organisation Commune des Régions Sahariennes), disparue avec les indépendances et qui s’étendait du Sud de l’Algérie au Tchad en passant par le Niger et le Soudan français (Mali). Au moment des indépendances, elle est parvenue à garder la main sur ses richesses en signant en 1961 des accords de défense avec le Niger (entre autres anciennes colonies) incluant une clause d’approvisionnement préférentiel pour la France sur les matières premières « stratégiques ». C’est ce qui lui a permis d’exploiter depuis 1969 l’uranium du sous-sol nigérien à un prix dérisoire : l’« indépendance énergétique » de la France et le succès de sa filière nucléaire reposent sur le pillage du Niger.
Depuis le début des années 2000 et l’accélération de la course aux matières premières, le Nord du Mali, encore quasi inexploité, devient une cible pour les investisseurs, pour les États et l’Union européenne dont la politique est ouvertement guidée par la « sécurisation de l’accès aux matières premières ». En effet, les appétits sont vifs envers les ressources potentielles du sous-sol du Nord malien, même si l’« Eldorado » promis par certains est encore peu exploré [12] et les contraintes importantes (enclavement de la zone, sécurisation des transports, etc.).
Dans un contexte de forte concurrence, les alliances et tensions sont discrètes ou apparentes, comme pour le pétrole du bassin de Taoudeni, à cheval entre l’Algérie, la Mauritanie et le Mali. Le pétrolier français Total, en lien avec Qatar Petroleum, n’est pas en reste : « Présent dans l’exploration-production en Mauritanie depuis 2005, Total explore, aux côtés de ses partenaires Sipex [filiale de l’algérienne Sonatrach] et Qatar Petroleum International, le bassin de Taoudéni dans les blocs Ta 7 et Ta 8 situés dans le désert mauritanien » [13]. Selon un blog d’actualité financière, la présence de Total ne s’arrête pas là : « En février 2011, la presse algérienne indiquait que le groupe français Total et le groupe énergétique national algérien Sonatrach avaient dans leurs besaces plusieurs projets au Sahel. » [14].
La France a également plus que jamais besoin de sécuriser la zone pour continuer d’alimenter l’industrie nucléaire civile et militaire hexagonale. Au Niger, elle prépare l’ouverture d’une nouvelle mine à Imouraren qui représente un investissement de plus d’un milliard d’euros. Or cette mine ne se trouve qu’à quelques heures de piste de la frontière avec le Nord du Mali, et même avec 600 soldats nigériens affectés à la sécurisation du site d’Areva [15], la France ne se sent certainement pas sereine. L’attaque de mouvements armés sur le site gazier algérien de In Amenas ne fera sûrement que renforcer ce besoin de protection.
Une chose est claire : les mines d’uranium nigériennes et les ressources potentielles au Nord du Mali représentent un enjeu fondamental pour la France et pour ses entreprises.
Par ailleurs, le maintien des relations commerciales avec le Mali ne peut être considéré comme un enjeu totalement négligeable pour la France qui enregistre des excédents de balance commerciale relativement confortables avec le Mali : près de 300 millions d’euros en 2010 et 2011. Un montant à comparer avec le volume de l’aide publique française distribuée à ce pays, inférieure à 60 millions d’euros annuels.
Si le pays devait poursuivre sa récession économique, particulièrement perceptible dans les secteurs bancaires, les services marchands, le transport ou la construction, nul doute que les grandes entreprises françaises et leur cinquantaine de filiales, bien positionnées dans le pays et dans les pays voisins, auraient à en pâtir longtemps.
Enfin, n’oublions pas que pour la France, une opération militaire de ce type, quelle que soit son coût [16], permet de démontrer l’efficacité de son dispositif militaire et des armements utilisés. Soulignons à cet égard, l’utilisation d’avions Rafale équipés de tout nouveaux armements de combats sur le théâtre des opérations. A l’heure de négocier des contrats d’achat avec les Émirats Arabes Unis ou avec l’Inde François Hollande a bien compris l’utilité de mettre en avant les prouesses de cet appareil [17].
4 . L’intervention, préparée de longue date, permet de légitimer la présence contestée de l’armée française dans la région
Pendant des mois, les dirigeants français ont répété à l’envi que toute intervention française viendrait uniquement en soutien « logistique » aux forces africaines. Dans le contexte d’une armée française extrêmement présente au Sahel, et où les opérations récentes en Côte d’Ivoire et au Tchad ou même l’opération éclair suite à l’enlèvement de deux ressortissants français au Niger début 2011 ont récemment montré que l’armée française n’hésitait pas à outrepasser les règles du droit international et ses mandats, comment croire que la France aurait pu limiter de la sorte la portée de son intervention ?
Les évolutions de la rhétorique des autorités françaises sur la forme que prendrait le soutien français ont été tangibles au fil des mois, et révèlent qu’en réalité, la France préparait une intervention militaire qu’elle mène actuellement seule, avec une armée malienne en déliquescence et des armées alliées douteuses. En particulier, les troupes tchadiennes et togolaises se sont rendues coupables, dans leurs propres pays et à plusieurs reprises, d’exactions largement documentées. Les troupes burkinabées, dont certains éléments ont pu participer à la déstabilisation de la Côte d’Ivoire depuis 2002, ont fait peser encore l’an dernier des menaces sur la stabilité du Burkina Faso lors de mutineries.
Le Mali est entouré d’au moins cinq pays abritant des forces françaises conventionnelles ou non conventionnelles.
Trois pays abritent en permanence une forte présence militaire française conventionnelle : à l’ouest, la base militaire française de Dakar, avec environ 400 hommes et des parcs de matériel, à l’est 950 hommes sont basés au Tchad dans le cadre de l’opération Épervier – avec une capacité aérienne importante, et au sud, 450 hommes de l’opération Licorne sont stationnés en Côte d’Ivoire. La présence militaire conventionnelle passe aussi plus discrètement par les aspects de formation avec les écoles nationales à vocation régionales (ENVR) – dont deux sont situées au Mali (pour le maintien de la paix et l’administration) [18].
Côté forces non conventionnelles, le déploiement d’hommes au Sahel s’est largement accru dans les dernières années : des hommes du Commandement des Opérations Spéciales (COS) sont présents au Burkina Faso et au Niger depuis fin 2010 au moins, suite à l’enlèvement des salariés d’Areva au Niger. En Mauritanie, les forces spéciales sont présentes depuis encore plus longtemps et forment les commandos mauritaniens avec lesquels elles ont mené un raid en territoire malien contre un camp d’AQMI le 22 juillet 2010 [19].
A partir de septembre 2012 ou même avant, l’armée française s’est déployée de façon encore plus conséquente dans tout le Sahel et au Mali en particulier, sans un commencement de débat parlementaire : le 27 août, un journaliste français a révélé que l’opération du COS déployée en Mauritanie, au Burkina Faso et « de manière moins permanente » au Niger portait le nom de Sabre [20] et Survie a révélé début septembre que le le COS était présent au Mali, notamment des éléments du 1er RPIMA [21].
Sur la base française au Tchad, la flotte d’aviation a été renforcée à la fin de l’été par l’arrivée de Mirage 2000 et des chasseurs spécialisés dans les bombardements, tandis que des exercices de ces derniers mois visaient à « éprouver la capacité de la force à déployer d’importants moyens matériels et humains dans un environnement difficile, sur plusieurs semaines, à plus d’un millier de kilomètres de sa base principale » et à mettre à jour les informations la praticabilité des routes en direction du Niger [22]. Des hélicoptères ayant servi aux attaques dès le premier jour à Konna auraient été discrètement acheminés vers le Burkina-Faso à la même période [23].
Cette forte présence militaire française au Sahel a d’ailleurs rapidement occasionné une confusion au sein de l’exécutif français, comme le notait Jean-Marc Tanguy le 25 septembre : « Laurent Fabius niait la présence de troupes françaises au Sahel. Alors qu’au Ministère de la Défense certains s’inquiètent de leur exposition médiatique au Sahel, et se verraient bien museler la presse à coups de dépôts de plainte. Le Quai nie la présence de ce que la Défense veut aller protéger au tribunal, attestant ainsi de la présence de ces forces spéciales qui n’existent pas ! » [24].
Sans nul doute, l’intervention en cours aujourd’hui sera utilisée pour justifier la poursuite de l’opération Épervier, qui permet à la France de maintenir une présence militaire au Tchad depuis 1986 en dehors de toute légalité internationale, et qui n’a déjà que trop servi à la protection d’Idriss Déby.
Elle permet aux autorités de justifier plus globalement la présence militaire française en Afrique, qui n’a jamais servi jusqu’à présent de soutien à des régimes démocratiques mais plutôt au maintien des intérêts français dans la zone – et des dirigeants qui acceptent cette tutelle.
5 . Les « amis » de la CEDEAO sont la ‘caution africaine’ de l’intervention
Après plusieurs jours d’opération en solo (avec l’armée malienne), l’arrivée de soldats africains a débuté le 17 janvier 2013 et est censée se poursuivre : huit pays de la CEDEAO ont prévu d’envoyer des hommes, ainsi que le Tchad. Il s’agit pour les forces de la CEDEAO et du Tchad de constituer la MISMA (Mission internationale de soutien au Mali), force africaine qui était prévue dans le cadre de la résolution 2085 de l’ONU et qui permet à la France de dire depuis le 17 janvier qu’elle intervient dans le cadre de cette résolution !
La mise en avant du rôle de la CEDEAO dans les négociations, puis de celui des armées africaines aujourd’hui, est avant tout pour la France la caution africaine d’une intervention dans laquelle l’armée française tient et continuera certainement à tenir de fait la direction des opérations.
Pour mener à bien sa stratégie diplomatique en faveur d’une intervention armée, la France a pu s’appuyer sur nombre de dirigeants des pays de la CEDEAO, pour la plupart illégitimes. Même si une relative distance s’est imposée dans ce dossier vis-à-vis de l’ « ami » Blaise Compaoré, dictateur du Burkina Faso, elle a pu compter sur le zèle du président ivoirien, Alassane Ouattara, qui lui est redevable de son installation par la force au pouvoir et a clairement intérêt au renforcement de la présence militaire française dans la région. Elle a aussi pu compter sur la caution de Mahamadou Issoufou, président démocratiquement élu au Niger et très proche de la France et de ses intérêts (uranium). La diplomatie française a également été très active pour faire relayer son positionnement par d’autres partenaires africains, comme le Sénégal.
Le travail diplomatique intense avec ces pays, entre autres, a été rendu visible par les visites de ces chefs d’État en France dans les derniers mois : Mahamadou Issoufou en juin 2012 et novembre 2012 appelant à une intervention le plus rapidement possible [25], Alassane Ouattara en juillet 2012, Blaise Compaoré en septembre 2012. Cela amène à se questionner sur les objectifs inavoués d’influence politique de l’organisation régionale qu’est la CEDEAO, déjà largement discréditée aux yeux de nombre d’Africains. Cette façon de mener à bien ses intérêts discrédite également durablement la France auprès des peuples africains et d’une bonne partie de l’opinion française.
Alors qu’elle n’avait guère prêté attention à la situation du Mali avant le putsch du mois de mars et l’accélération de la prise du Nord par les groupes armés qui s’en est suivie, la CEDEAO n’a cessé ensuite de marteler qu’elle avait l’arme au pied et que ses plans militaires étaient prêts. Pendant ce temps, la France a poussé au maximum l’adoption d’une résolution entérinant une intervention de la CEDEAO sous l’égide de l’ONU, sans mettre en garde sur les faiblesses de la force de la CEDEAO.
Pourtant, tous les observateurs savaient bien que cette organisation n’était pas en mesure de mobiliser une quelconque force de façon autonome, encore moins avec un commandement intégré. La France en particulier était bien au courant, du fait de ses contacts privilégiés avec ses dirigeants, de sa coopération et de sa présence militaire dans différents pays de la région et de ses programmes de formation. Il n’est à ce titre pas superflu de rappeler que le programme français ReCAMP, placé sous l’égide de l’ONU, vise à accroître les capacités militaires des pays africains à conduire, lorsqu’ils le désirent, des actions de maintien de la paix conjointes [26]. Apparemment, ce programme n’a pas permis une autonomisation des forces militaires des pays bénéficiaires malgré les millions d’euros investis. Le même constat est tiré par l’administration américaine qui a investi 600 millions de dollars dans la formation des armées de la sous-région et semble le regretter publiquement aujourd’hui [27].
Sans doute la France n’a-t-elle aucun intérêt à ce que ces armées soient autonomes et fortes, car cela permet de justifier la présence militaire française en Afrique et des opérations françaises comme celle menée au Mali, dans laquelle la France gardera une place prépondérante malgré la présence de forces africaines.
Pour des régimes en mal de légitimité, la participation à l’intervention peut être une aubaine. Ainsi en est-il du régime togolais. L’arrivée de 50 soldats togolais au Mali le 17 janvier 2013, a été annoncée avec force voix par les médias et la communication officielle française, comme étant le début du déploiement des forces de la CEDEAO. Le président mal élu togolais profite que les regards soient braqués sur le Mali pour essayer de casser les mouvements d’opposition par une répression accrue : augmentation des violences dans les manifestations, arrestations arbitraires montées de toutes pièces [28]. Une opposition qui conteste notamment les conditions des élections législatives prévues pour le 24 mars prochain.
6 . L’intervention de l’armée tchadienne aux côtés de la France vise à légitimer ce régime dictatorial
La faiblesse des pays de la CEDEAO a permis de justifier l’insistance de la France depuis le mois d’avril [29] pour impliquer les forces armées du Tchad, qui n’est pas membre de la CEDEAO, et dont elle fait la promotion de la qualité et de la formation. Idriss Déby dispose en effet d’une armée clanique rompue aux combats en milieu désertique même si les attaques rebelles de 2006 et 2008 auraient pu, sans l’aide décisive de la France aux troupes de Déby, le renverser.
Le Tchad a annoncé l’envoi de 2000 hommes, qui seront rattachés au dispositif militaire français et non à celui de la CEDEAO ! Ainsi l’opération jusqu’à ce jour française menée au Nord du Mali s’apparentera une fois les militaire tchadiens arrivés, à une opération franco-tchadienne sur le sol malien ! Outre la justification de l’opération Épervier, cela va clairement permettre de redorer à l’international l’image de ce régime dictatorial et de son armée pourtant détestables. Idriss Deby devrait à l’inverse être mis en cause par la communauté internationale notamment pour la répression féroce à l’encontre des opposants et le recrutement d’enfants soldats.
Il semble que la France ait dû user de force négociations pour que son ami dictateur putschiste Idriss Déby accepte de participer à l’intervention. Laurent Fabius en tournée françafricaine en juillet 2012, pour chercher des soutiens à la position de la France dans la lutte contre AQMI et leurs alliés, déclarait complaisamment à Ndjamena qu’« il y a un changement de président de la République, un changement de gouvernement, mais les relations d’amitiés demeurent. Le Tchad et la France, depuis très longtemps, ont des relations d’amitié, de partenariat. (...) » [30]. Survie se demandait ensuite en amont de la venue du despote à Paris si cette visite officielle à Paris n’était pas une partie du prix à payer par Hollande pour obtenir cette contribution militaire tchadienne [31].
7 . La France bafoue la souveraineté du Mali et contribue à la mise sous tutelle du pays
Depuis mai 2012, le nouveau gouvernement français a surjoué son alignement sur « les Africains » de la CEDEAO et du Mali et a prétendu qu’elle interviendrait si et seulement si les Maliens, les Africains, lui en faisaient la demande, et dans le cadre d’une résolution de l’ONU. Et en effet, le 11 janvier 2013, il a décidé de se lancer dans une guerre au Mali à la demande des autorités du pays.
Ces derniers mois, la France et la CEDEAO ont certainement usé de moyens de pression pour obtenir des autorités maliennes qu’elles demandent le soutien militaire de la CEDEAO. Un fait est symbolique de cette réalité : le 5 septembre, c’est Jean-Félix Paganon, le représentant spécial de la France pour le Sahel [32], qui a annoncé que le gouvernement malien demandait une aide notamment logistique de la CEDEAO, pour recouvrer l’intégrité territoriale du Mali. Une annonce qui a été faite à Abidjan, en présence du chef d’État ivoirien, et au lendemain du passage du diplomate à Bamako pour « porter un message » au président malien [33]. L’hypocrisie est totale : Paganon a prétendu par la suite que la France s’alignait sur les organisations internationales. [34]
En réalité, la France se soucie peu de l’avis et de la légitimité des institutions maliennes. Depuis le putsch, la situation politique au Mali est mouvante. Le gouvernement de transition, mis en place sous l’égide de la CEDEAO puis remanié pour devenir ‘d’union nationale’ a une légitimité toute relative, « mise en question non seulement par une partie de la population mais également par les faits politiques eux-mêmes » [35]. Ce sont ces autorités qui ont fait à la France une demande d’intervention début janvier 2013.
Pour la France, les solutions à la crise malienne doivent venir de l’extérieur, et il n’est désormais même plus question de faire semblant que la souveraineté du Mali est respectée.
Les médias et la communication des autorités françaises ont peu évoqué la composition et les objectifs du déploiement des forces armées françaises à Bamako et l’objectif de l’intervention qu’il sert, au-delà de la seule façade de « sécurisation des ressortissants ».
En 2012, l’une des fonctions de l’intervention attendue des troupes de la CEDEAO était de « sécuriser les institutions ». Les autorités maliennes s’y opposaient farouchement [36] et préféraient la perspective de créer un corps de militaires maliens à cet effet.
Avec l’intervention française de 2013, cet objectif de « sécurisation de la transition » est repris. Depuis Dubaï, le président français résumant les buts de l’intervention déclarait le 15 janvier 2013 : « Nous avons un objectif c’est de faire en sorte que lorsque nous partirons, lorsque nous cesserons notre intervention, il y ait une sécurité au Mali, des autorités légitimes, un processus électoral et qu’il n’y ait plus de terroristes qui menacent l’intégrité du Mali » [37]. Un des buts de la guerre que la France mène au Mali est donc d’établir des institutions « légitimes ».
L’attitude de l’ambassadeur de France au Mali, Christian Rouyer, montre sans équivoque que la forte présence de militaire français à Bamako vise à faire pression sur ce qui reste d’autorité malienne au Mali. Le 16 janvier 2013, évoquant le décret d’état d’urgence promulgué par le Prédisent malien par intérim, il explique de façon décomplexée qu’il attend que l’ordre règne à Bamako : « On ne pouvait pas se réveiller un jour sans savoir quelles manifestations allaient entraver la vie publique. L’activité économique était au ralenti et des gens brûlaient des pneus sur les routes. Il y avait d’autres qui criaient des slogans contre le Président ou le Premier ministre (...) L’Etat d’urgence était nécessaire. L’heure n’est plus aux chicanes ni aux discussions vaines. L’heure est à l’unité. La nation est en danger, le pays doit s’unir contre un adversaire commun » [38]. Un discours de Ministre de l’Intérieur ! En présence d’un bon contingent de soldats français à Bamako, les « conseils » des diplomates français en direction des autorités maliennes seront, à ne pas en douter, entendus sans difficulté.
Comme dans la plupart de ses interventions en Afrique, l’action de la France s’apparente à une mise sous tutelle politique du Mali, pour une période indéterminée à laquelle la France contribuerait en première ligne, à l’opposé du processus de reconstruction institutionnelle dont aurait besoin le Mali aujourd’hui.
« Aider le Mali à retrouver sa souveraineté » ? « Établir des institutions légitimes » ? Comment se fier à la France quand les autorités politiques, financières et économiques françaises continuent de soutenir les pires chefs d’État comme Paul Biya au Cameroun, Ali Bongo au Gabon ou Denis Sassou-Nguesso au Congo-Brazzaville, et quand elles ont complaisamment fermé les yeux sur ce qui se passait au Mali par le passé ?
8. La France cherche a utiliser le paravent de l’ONU au Mali
Les conflits ivoirien et libyen de 2011 nous ont rappelé que la France parvient à utiliser les institutions internationales pour couvrir des interventions qui servent ses intérêts. En Côte d’Ivoire, les soldats, « sous le paravent d’une légitimité onusienne très discutable et toujours sous commandement opérationnel français, contribuent [en avril 2011] à imposer par les armes à un pays déchiré son nouveau président. Les bombardements du palais présidentiel et de la Radio Télévision Ivoirienne par les hélicoptères français, outre leur côté particulièrement symbolique, outrepassent le mandat onusien » qui était de « protection des civils ivoiriens » et de l’« interdiction des armes lourdes » [39]. En Libye aussi, le mandat concernait la responsabilité de protéger...
Le nouveau gouvernement français reprend l’esprit de la stratégie adoptée en Côte d’Ivoire et en Libye par le gouvernement précédent, pour justifier son intervention militaire au Mali.
En amont, son activisme onusien a permis l’adoption à l’unanimité du Conseil de sécurité d’une première résolution (2056) le 5 juillet dernier. En septembre, sous les pressions de la France et de la CEDEAO, le président malien par intérim, s’est décidé à demander une « intervention militaire » à l’ONU. Une demande annoncée par... Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères à la veille de la réunion de haut niveau sur la situation au Sahel au siège onusien de New York ! La logique va-t-en guerre de la France s’est illustrée ensuite par le discours belliqueux de François Hollande à l’ONU.
Jusque là, l’ONU et le Conseil de sécurité avaient adopté une relative circonspection et prudence vis-à-vis d’une intervention militaire. Ainsi, l’ONU admettait le 27 septembre en Assemblée générale l’urgence de la situation au Mali mais son Secrétaire Général rappelait que « toute solution militaire pour résoudre la crise sécuritaire dans le Nord du Mali devrait être envisagée avec une extrême prudence » [40].
L’insistance de la France a débouché le 12 octobre sur l’adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 2071. L’adoption de cette résolution témoigne de l’entrée en scène de l’Algérie appuyée par les États-Unis. Cette résolution réclamait à la CEDEAO – incapable de le faire depuis des mois – des plans d’intervention militaire au Nord du Mali et exigeait l’amorce d’un dialogue politique avec les groupes armés « maliens » ayant rompu leurs liens avec les organisations terroristes. La France s’en était officiellement réjouie car même si l’on était loin du blanc-seing qu’elle espérait pour une intervention, elle marquait une avancée de son plaidoyer pro-guerre.
Négociations, manœuvres et compromis ont abouti à l’adoption de la résolution 2085 le 20 décembre dernier, qui établit une nette distinction entre le déploiement de la MISMA (Mission internationale de soutien au Mali) sous conduite africaine et mise en œuvre dans le cadre de l’ONU et la European Union Training Mission Mali (EUTM-Mali), décidée par l’Union Européenne pour laquelle la résolution se contente de « prendre note ».
L’intervention finalement lancée suite à une décision unilatérale de la France, à la demande du Mali, ne s’inscrit pas dans le cadre des résolutions de l’ONU. Les résolutions ouvrent la voie à une intervention internationale sous responsabilité africaine et pouvant faire usage de la force, mais officiellement sans implication directe des militaires français. Pour éviter toute critique, la France s’est empressée d’informer le Conseil de Sécurité dès le début de son intervention, en arguant sur le fait que celle-ci « s’inscrit dans le cadre de la légalité internationale », conformément à l’article 51 de la Charte de l’ONU. La France a mis ses « partenaires » devant le fait accompli, laissant une fois de plus croire qu’elle mettait en œuvre une volonté multilatérale actée au sein de l’ONU. Sur le terrain du droit, la validité de cet argument est extrêmement contestable car ce même article précise que « ce droit à la légitime défense collective peut s’exercer jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales’ : or, les mesures avaient déjà été prises par le Conseil de Sécurité et plaçaient tout appui des États membres dans le cadre de la MISMA » [41].
Le cavalier seul de la France montre une fois de plus le peu de cas qu’elle accorde à l’ONU, qu’elle critique d’ailleurs à demi-mot très vivement depuis le début de la crise malienne. Aujourd’hui, l’empressement des autorités françaises pour l’arrivée des soldats de la CEDEAO s’explique par le fait qu’une fois les forces africaines sur place, la France peut plus légitimement prétendre agir dans le cadre de la résolution 2085 [42].
9. La France gendarme de l’Afrique pour l’Union Européenne
Depuis le début de la crise au Mali, l’Union européenne a affiché une certaine réserve vis-à-vis d’une intervention militaire et laisse aujourd’hui la France faire cavalier seul dans la guerre, tout en accordant officiellement une grande importance au Sahel.
Depuis quelques années, l’Union européenne a développé sa « Stratégie pour le Développement et la Sécurité au Sahel » [43] qui consiste en une approche régionale et globale de « la crise dans la région du Sahel » et propose d’y remédier selon quatre axes : « Développement, bonne gouvernance et règlement des conflits internes ; action politique et diplomatique ; sécurité et État de droit ; et lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation ». Elle a par exemple donné lieu à la mise sur pied depuis août 2012 de l’opération Eucap Sahel Niger [44] implantée au Niger mais également présente en Mauritanie et au Mali. En effet, le Sahel intéresse l’Union européenne à plus d’un titre : « les intérêts de l’Europe dans cette région sont multiples : ils comprennent la lutte contre l’insécurité et la criminalité organisée, la sécurité énergétique et l’immigration illégale » [45].
Après de multiples concertations, et tirés par l’activisme de la France, les Ministres des affaires étrangères et de la défense avaient annoncé en novembre le début de l’EUTM-Mali, un programme de formation, d’entraînement et de réorganisation de l’armée malienne et de la CEDEAO pour début 2013 – et dont le calendrier et les objectifs ont évolué depuis le lancement unilatéral par la France de l’opération Serval. En tout 450 personnes sont prévues, dont « quelque 240 formateurs devraient être déployés à partir de janvier 2013 pour entraîner quatre bataillons - soit 2 600 hommes. » [46]. La France y joue le rôle central de « nation cadre » : c’est le général François Lecointre - qui a notamment participé aux tristement célèbres opérations Turquoise et Licorne en Afrique où la France a largement bafoué le cadre d’intervention onusien - qui en assure le commandement.
Tout cela pour un coût de 12.5 millions d’euros – dont une partie sera puisée dans les fonds additionnels du dixième Fonds Européen pour le Développement (FED). Autrement dit, les officiers français et européens seront (du moins en partie) payés sur les budgets de l’aide au développement déjà définis. Nous avions noté que cela avait l’avantage pour la France de mutualiser les coûts au niveau européen...
Avec cette mission de formation, il apparaît de façon flagrante que la France et ses alliés occidentaux visaient à prendre les rênes de l’intervention bien avant le début de l’opération française. Le concept de « formation », très largement utilisé, permet en effet d’englober des fonctions très larges, y compris celles de définir les scénarii et la stratégie de l’intervention militaire.
Les déclarations actuelles des « partenaires européens » sont ambivalentes puisqu’ils saluent l’intervention de la France mais hésitent à y apporter un appui direct. Ces positions révèlent des États membres sans doute échaudés par la posture de cavalier seul de la France. Elles montrent aussi qu’ils sont tout à fait disposés à reconnaître la France comme leur gendarme pour l’Afrique du fait notamment de l’implantation militaire française sur place, du moment qu’elle défend les intérêts de toute l’Union !
10 . L’objectif de la lutte contre le terrorisme vise à créer un consensus autour de l’opération militaire française et évite toute analyse des enjeux
Le discours du gouvernement français pour justifier l’intervention armée au Nord du Mali se fonde avant tout sur la lutte contre le terrorisme, présenté comme « menace qui pèse sur l’Europe et sur la France », « une menace directe pour la paix et la sécurité internationale » [47]. Dans les interventions publiques de François Hollande, Jean-Marc Ayrault et Jean-Yves Le Drian, la lutte contre le terrorisme est systématiquement présentée comme l’un des objectifs principaux - si ce n’est le plus important - de l’opération Serval. Dans le discours de Jean-Marc Ayrault devant l’Assemblée nationale le 16 janvier, on ne relève pas moins de 14 occurrences des mots « terrorisme » ou « terroristes ».
Le propos du gouvernement est extrêmement simplificateur : il s’agit de mener une « lutte implacable contre les groupes terroristes » [48], en occultant les autres risques, les menaces pesant sur la zone (pauvreté endémique, trafics, etc.).
D’autres éléments viennent encore renforcer cette argumentation aux yeux de la communauté internationale mais surtout des forces politiques et de l’opinion publique française, en établissant un lien direct entre l’intervention militaire au Mali et la sécurité nationale : la présence des six otages français (quatre salariés d’Areva et Vinci, et deux mystérieux « géologues » au passé trouble enlevés fin 2011 [49]) et la volonté (légitime) de leur libération, la prise d’otages récente en Algérie, à l’issue dramatique, ou encore les supposées menaces pesant sur le sol français (entraînant le renforcement du plan Vigipirate dès le samedi 12 janvier 2013). Cela permet à Jean-Marc Ayrault de mettre en garde contre « la constitution d’un sanctuaire terroriste à près de 2500 km du territoire national » [50]. François Hollande affirmait devant les ambassadeurs en août 2012 que les groupes armés au Mali constituaient un défi pour la France : « au Nord du Mali s’est constituée une entité terroriste assumée et revendiquée comme telle, qui lance un défi à nos intérêts, à nos valeurs, à notre population. Ce défi, nous y répondons. » [51]
Cet argument de la lutte contre le terrorisme n’est pas nouveau et a été employé par le gouvernement français bien avant le déclenchement de l’opération Serval, lorsqu’il s’agissait de convaincre les institutions internationales, européennes et africaines du bien-fondé d’une intervention militaire au Mali, avec soutien de la France : dans son discours à l’ONU le 26 septembre 2012, François Hollande parlait d’un « risque pour l’ensemble de la communauté internationale » [52]. L’objectif de la lutte contre le terrorisme sous-tend également la stratégie de l’UE sur le développement et la sécurité au Sahel publiée en 2011.
Le discours des autorités françaises, axé exclusivement sur l’intervention armée, élude le bilan de la politique menée par la France vis-à-vis d’AQMI et face aux prises d’otages. Alors que cette politique est largement critiquable et critiquée, y compris dans un rapport de l’Assemblée Nationale [53].
On peut souligner que le paiement de rançons pour les otages français dans la dernière décennie a fourni des subsides pour AQMI ; ou encore rappeler qu’en 2010, pour obtenir la libération de Pierre Camatte, détenu par AQMI au Nord du Mali, la France n’avait pas hésité à faire pression sur Bamako pour qu’elle libère quatre membres d’AQMI, conformément aux demandes du groupe ; ou enfin noter que la recrudescence de la présence militaire française dans la zone sahélienne a pu contribuer à renforcer les tensions.
Toute cette rhétorique rappelle de façon inquiétante celle de George W. Bush sur la guerre préventive ; la guerre est d’ailleurs présentée depuis des mois comme un préalable à la résolution de la crise politique et à toute perspective à moyen terme concernant le Nord du pays. Elle permet de susciter une large adhésion à l’action militaire de la France dans la sphère publique [54], d’éviter de définir les buts de guerre et d’évoquer des solutions politiques à la crise, et de prévenir toute critique ainsi que tout questionnement sur les autres motifs [55] de l’intervention militaire.
11. Une intervention à l’issue incertaine pour le Mali, sa population et pour la région toute entière
• Conflit durable, présence de troupes étrangères, atteintes aux droits de l’homme
L’issue d’une telle intervention est incertaine, et les risques d’enlisement importants. Comme c’était le cas en amont du conflit actuel, en effet, l’incapacité des forces armées à garder le contrôle sur l’ensemble de la zone désertique au Nord du pays, et pas seulement sur les villes, limite les chances de rétablir rapidement un État de droit. Cela condamne aussi très certainement le Mali à une présence longue de troupes étrangères sur son sol, qui sont autant d’éléments qui vont à l’encontre de la souveraineté du Mali [56].
De plus, les dérives et les vengeances de la part de certains groupes risquent de s’amplifier. Les exemples récents abondent en Côte d’Ivoire et en Libye. Un rapport de l’ONG Human Rights Watch du 20 décembre 2012 soulignait « l’avènement d’une période qui inscrit le pouvoir des armes au-dessus de l’État de droit » et alertait sur les « tensions ethniques alimentées par la manipulation politique de l’ethnicité par certains dirigeants politiques et militaires » [57]. L’ONG Amnesty international a également mis en garde contre ces tendances et a alerté sur les exactions commises par les forces de sécurité maliennes, en demandant que l’enquête ouverte par la CPI prenne en compte les exactions commises non seulement par les groupes armés mais aussi par les forces maliennes [58].
• Sur les prises d’otages
Un coup d’œil dans le rétroviseur montre qu’une intervention armée n’offre pas de garantie de libérer les otages français, voire qu’elle peut accroître les menaces sur leur vie. On peut ici rappeler le résultat auquel a mené l’intervention militaire française déclenchée suite à l’enlèvement, en janvier 2011, de deux jeunes Français au Niger : l’un a visiblement été exécuté par les ravisseurs, tandis que l’autre aurait péri sous le feu des armes françaises – les autorités n’ont toujours pas fait toute la lumière sur cette opération, comme le souligne également le rapport de l’Assemblée nationale [59]. On peut également citer l’intervention anti-terroriste mauritanienne lancée en juillet 2010 contre AQMI et soutenue par la France, afin de tenter de libérer un otage français, Michel Germaneau, qui est mort aux mains d’AQMI.
• Risque d’aggravation de la situation économique et humanitaire
La situation humanitaire au Mali, chroniquement très difficile, est aujourd’hui catastrophique. Le nombre de personnes qui ont fui le nord du pays est très conséquent : depuis janvier 2012, plus de 450000 personnes ont fui les combats entre l’armée et les groupes armés, puis la violence des occupants [60], en allant vers des pays limitrophes ou d’autres régions du Mali. Cela représente un tiers de la population qui résidait dans les trois régions du Nord (Tombouctou, Gao, Kidal) [61].
Selon le rapport d’OCHA-Mali (le bureau de la coordination humanitaire des Nations Unies au Mali) le 14 janvier 2013, « la situation humanitaire dans le pays et dans la région de Mopti en particulier s’est détériorée en suite aux affrontements. Les déplacements de populations, dont la première vague date du mois d’avril 2012, se sont intensifiés. Avant le commencement des combats le nombre de déplacés internes était estimé à environ 198 500. Les acteurs humanitaires et leurs partenaires conduisent une opération de recensement qui fournira un aperçu global des flux de déplacement. Les chiffres relatifs aux déplacés internes sont en cours de révision ». En cohérence avec ces données, la réunion des acteurs humanitaires sous l’égide de l’Organisation internationale des Migrants (OIM) du 14 janvier 2013 estimait à 229 000 le nombre de déplacés internes [62].
Les conditions de vie qu’endurent les populations restées au Nord sont extrêmement difficiles. Les crimes commis sur les populations par les groupes armés rebelles et islamistes sont largement documentés [63] : mariages précoces et forcés, viols, esclavage sexuel, lapidations, amputations, enrôlement forcés d’enfants soldats, pose de mines aux abords de Gao. Dans une moindre mesure, des milices d’autodéfense sont responsables de torture, d’exécutions sommaires et de recrutements d’enfants soldats [64].
Plus largement, tous les habitants du pays sont touchés par la crise politique et sécuritaire qui sévit actuellement au Mali : tous pâtissent de la récession économique. L’occupation du nord du pays a fortement perturbé la production agricole et le commerce. Le secteur tertiaire est en forte récession (-8,8%). Les sociétés dont les premiers clients étaient les institutions ont vu leur chiffre d’affaires chuter, du fait de la réduction du budget de l’État ayant suivi l’arrêt des aides internationales. Le tourisme et l’hôtellerie restauration sont durement touchés tandis que les prix flambent : carburant, gaz et produits de première nécessité sont parfois passés du simple au double. L’insécurité alimentaire menace de nombreuses personnes. L’industrie est également touchée : 20% des usines de la capitale ont fermé et 60% ont recours au chômage technique. Dans le secteur des transports, la compagnie nationale Air Mali a suspendu fin décembre ses activités pour neuf mois.
Aujourd’hui, les autorités françaises passent donc sous silence un certain nombre d’effets de la guerre, en particulier les victimes civiles de la guerre, alors que selon Human Rights Watch repris par l’AFP et d’autres médias, des civils ont été victimes de l’intervention dès les premiers jours [65], et qu’Amnesty International exhorte les belligérants au respect du droit international et rappellent que « les forces impliquées dans les attaques armées doivent à tous prix proscrire les bombardements aveugles et prendre toutes les mesures pour éviter les pertes civiles. » [66]
Les risques probables d’enlisement de l’opération conduiront à une dégradation de la situation humanitaire sur place, comme l’avançaient déjà dans les derniers mois de plus en plus d’observateurs .
• Risque de déstabilisation d’autres États et d’extension du conflit à l’ensemble de la région
Le Mali n’est pas le seul État fragile de la région. Il y a fort à craindre qu’une intervention militaire au Mali ne déstabilise plus encore l’ensemble de la région [67]. Le gigantisme de la zone, la multiplicité des intervenants, la complexité des liens entre les acteurs (groupes armés, États, population) et la prolifération incontrôlée des armes sont des facteurs qui semblent peu pris en compte.
La fermeture des frontières semble dérisoire au vu des premiers signes de déstabilisation qui apparaissent déjà une semaine après le début de la guerre, au premier titre desquels la prise d’otages qui s’est achevée tragiquement sur le site gazier d’In Amenas, au sud-est de l’Algérie, le 19 janvier 2013.
La Mauritanie, qui a fermé sa frontière, a tissé des liens avec les rebelles du MNLA et potentiellement avec d’autres groupes armés et accueille de nombreux réfugiés maliens. Il se peut que des membres de groupes armés s’implantent à l’Est du pays marginalisé par l’État [68]. Cette région dont les populations sont de ce fait largement perméables à l’argent que peuvent distribuer les groupes armés risquerait de devenir à son tour une zone de repli pour ces derniers. Cela pourrait conduire à un cycle dangereux de violences. D’ailleurs, la Mauritanie, alliée fidèle de la France dans la « lutte contre le terrorisme » et la récupération de ses otages ces dernières années68, a, depuis le début de la crise et encore aujourd’hui, une position ambivalente par rapport à sa participation à l’intervention militaire [69].
Le Niger semble globalement stable à ce jour mais le territoire est tout aussi immense et difficile à maîtriser que le Nord du Mali. Le Niger a fortement renforcé ses capacités militaires de ces derniers mois – avec le soutien de la France [70] et de l’Union européenne [71]. Il s’agit pour la France de sécuriser l’accès au minerai d’uranium. Les autorités nigériennes sont très inquiètes sur la situation sécuritaire. Le contrôle des frontières est particulièrement difficile et les risques d’incursion ou de repli au Nord du pays ne sont pas négligeables. Cela a d’ailleurs déjà été le cas du MNLA dans les derniers mois et précédemment [72].
Par ailleurs, les soldats des armées des pays voisins qui seraient impliqués dans une guerre sans fin risqueraient de se soulever. Au Burkina Faso, l’armée se mutine d’ailleurs de manière récurrente : l’année dernière encore, des soldats en colère ont provoqué des troubles extrêmement graves jusque dans la capitale.
Ces exemples montrent à quel point les risques sont grands que l’intervention ne conduise à une dissémination de l’insécurité. Lorsqu’elles appelaient à l’intervention, les autorités françaises ont évité consciencieusement d’évoquer la phase de post-conflit et de prendre en compte ces aspects – dans le droit prolongement de l’approche adoptée par le gouvernement précédent en amont de l’intervention en Libye Aujourd’hui, les observateurs se posent cette question de façon quasi unanime.
12 . L’exercice d’un contrôle parlementaire vigilant, une urgence
La constitution de 1958 donne de très larges pouvoirs à l’exécutif sur les questions de Défense, ce qui a permis aux Présidents successifs de conclure en toute opacité des accords de coopération ou de défense avec des pays africains et d’engager des forces françaises en Afrique une cinquantaine de fois depuis 1958. Cette suprématie n’a essuyé que de rares critiques et tentatives de développer un contrôle parlementaire. Peu de parlementaires ont de toute façon cherché à exercer ce contrôle, si l’on excepte l’organisation de rares commissions d’information ou commission d’enquêtes sur des questions concernant l’engagement de forces armées à l’étranger, sans jamais les remettre en cause.
A l’heure où un imposant déploiement de troupes françaises a été opéré au Mali sur seule décision de l’exécutif, derrière lequel la majorité gouvernementale fait totalement bloc, le contrôle parlementaire sur les opérations et les décisions concernant l’intervention française au Mali est un enjeu démocratique. Ce contrôle ne pourra cependant s’exercer que dans un cadre résolument volontariste, par l’établissement d’un rapport de force des parlementaires vis-à-vis de l’exécutif, tant les mécanismes institutionnels restent frileux en la matière.
Malgré la modification constitutionnelle du 23 juillet 2008 relative au contrôle parlementaire des opérations extérieures, l’aval du Parlement n’est toujours pas nécessaire à l’Élysée pour déclencher une opération extérieure. Cette réforme prévoit une simple information du Parlement dans les trois jours suivant une intervention et un vote sur le prolongement d’opérations au-delà de quatre mois. Le risque est grand que ces étapes n’apparaissent que comme des formalités voire des mascarades, à l’exemple du vote groupé organisé le 28 janvier 2009 sur la prolongation de cinq opérations extérieures (en particulier au Tchad et en Côte d’Ivoire) qui avait suscité des critiques dans les bancs de l’ensemble des partis d’opposition. Certains, passés aujourd’hui dans la majorité semblent avoir oublié leurs critiques d’alors. Constatant l’absence de réunion des commissions permanentes compétentes, le député PS Bernard Cazeneuve avait par exemple regretté à l’Assemblée au nom de son groupe de ne pas avoir « des moyens qui [...] permettraient de [se] prononcer en conscience et en responsabilité sur les opérations [soumises au vote] ».
Après l’annonce de l’engagement direct de forces françaises au Mali le 11 janvier, seules de rares personnalités de la classe politique ont déploré explicitement l’absence de concertation du Parlement en amont de la décision et souligné que la nature préméditée de cette intervention armée aurait dû susciter une prise de décision parlementaire. Celles de Noël Mamère et Jean-Luc Mélenchon ont été les plus remarquées.
Si des discussions avec les parlementaires avaient bien été organisées sur la situation au Mali dans les mois précédant l’intervention, il n’y avait pas été question d’un engagement direct français dans des opérations de combat et encore moins que la France prenne la tête des opérations. Les enjeux du dialogue avec le Parlement ont indiscutablement changé avec la décision de François Hollande d’envoyer des troupes combattantes sur le terrain malien.
Les partis politiques qui se sont exprimés à la tribune de l’Assemblée, suite à l’intervention du Premier ministre le mercredi 16 janvier ont exprimé de façon très modérée la revendication d’un contrôle accru du Parlement sur les opérations au Mali. L’intervention la plus explicite est à mettre au crédit de François Asensi, pour le groupe GDR, qui a déclaré à la tribune « Notre Parlement n’a pas été consulté au préalable, nous le déplorons. L’urgence existait, certes, mais le scénario d’une offensive vers le sud malien était prévisible. »
L’évolution radicale de la situation et l’engagement multidimensionnel français, qui semble devoir se prolonger, nécessite aujourd’hui de réclamer un contrôle allant au delà de la stricte application de l’article 35 de la Constitution. Questions écrites, orales, demandes de commission d’enquête, tribunes, conférences de presse, sont des outils disponibles pour qui veut exercer un pouvoir de contrôle, pouvoir qui s’apparente à un devoir lorsqu’il est question de la guerre. Aux parlementaires de s’en saisir, quitte pour certains à prendre leurs distances avec le consensus béat régnant dans la majorité de gouvernement.
Pour les y inciter (en tout cas certains d’entre eux), rappelons le projet de programme de mandature du PS et d’EELV pour 2012, lequel annonçait : « Le Parlement redeviendra le cœur battant de la démocratie ce qu’il n’aurait du cesser d’être : son pouvoir d’initiative et de contrôle sera renforcé ; [...]les choix diplomatiques et militaires y seront effectivement DéBATTUS et DECIDéS ».
Association Survie