Alain Krivine – Quel bilan le PST tire-t-il du résultat des élections municipales ?
Mahmoud Rechidi – Le but pour nous était de rendre plus visible la politique du PST et, de ce point de vue, les échos sont bons. Notre programme alternatif social, internationaliste correspondait à une attente de bon nombre de travailleurs.
Pour les municipales, le PST s’est présenté dans six communes et on totalise 22 élus dans cinq d’entre elles. Enfin on s’est présenté dans 3 wilayas sur 48 (division administrative) et là on a totalisé environ 30 000 voix. C’est donc une expérience positive avec des perspectives de construction dans un pays dominé par deux gros appareils, le RND et le FLN, qui reçoivent la manne étrangère sur le plan financier, avec des contrats juteux, et gèrent les profits des hydrocarbures. Ce qui permet à l’État algérien de prêter au FMI et de verser quelques aumônes sociales face aux mobilisations. On notera à ces élections une chute des islamistes et du PT de Louisa Hannoune (Parti des travailleurs lié au POI en France) qui a trop participé à la défense du Président Bouteflikha.
Peux-tu nous résumer la situation à Barbacha ?
Il s’agit d’une agglomération de 27 000 habitants près de Béjaïa, dont le maire était un camarade du PST : Sadek Akrour. Avant les élections, le wali (préfet) avait déjà refusé d’enregistrer notre liste et il a fallu une grande mobilisation de la population pour le faire céder. Aux élections de novembre, le PST a recueilli 39 % des voix, donc une majorité – mais pas absolue – avec 6 élus sur 15 et les quatre autres partis présents se sont alors mis d’accord pour faire passer un autre maire avec 8 voix contre 7, alors que la loi stipule que c’est la liste ayant eu plus de 35 % qui doit faire la proposition du nouveau maire. L’élection a eu lieu sans la présence de nos élus qui n’avaient même pas été prévenus…
La population a refusé ce diktat et s’est mobilisée pour soutenir l’ancienne équipe qui avait mis tous ses moyens à sa disposition pendant son mandat. Il y a désormais une véritable auto-organisation avec une assemblée générale ouverte qui se réunit chaque soir. La salle des fêtes est occupée ainsi que d’autres bâtiments, la mairie est fermée et personne ne peut entrer. L’assemblée générale décide des actions politiques à mener mais aussi des décisions à prendre pour le fonctionnement de la commune. Il y a déjà eu deux rassemblements dans la wilaya de Béjaïa dont le dernier, le 5 janvier, a réuni plus d’un millier de personnes qui ont bloqué une des principales artères de Béjaïa pour exiger l’organisation de nouvelles élections. Parmi les manifestants il y a des gens qui avaient voté pour d’autres listes mais qui exigent que le choix majoritaire pour le PST soit respecté.
Il y a des procédures judiciaires en cours. Certaines contre nous car on accuse des militants d’avoir bloqué la mairie. Par contre, à notre demande, la justice doit décider le 8 janvier si on refait ou pas les élections. En tout cas pour le PST, c’est une expérience exceptionnelle pour un parti qui n’est pas électoraliste mais s’appuie sur les mobilisations et l’auto-organisation, un véritable exemple pour les autres communes.
Où en sont les mobilisations en Algérie ?
Il y a un véritable bouillonnement social, certes défensif, mais qui touche aussi bien Algérie Poste (les postiers en grève depuis plus d’une semaine manifestaient dimanche devant la Grande Poste), la construction navale (soutien aux syndicalistes licenciés de l’ERENAV), les salariés de l’Entreprise de travaux routiers (ETR) en grève depuis 10 mois, ou le métro d’Alger. Sans oublier le mouvement des chômeurs qui vient de se doter d’une coordination, et de subir la répression avec l’arrestation de jeunes chômeurs à Ouargla. Pour le moment, il ne s’agit pas encore de se battre pour des conquêtes nouvelles mais la combativité de toutes ces luttes est impressionnante. Le PST appuie toutes ces mobilisations, les popularise, et y participe en fonction de ses forces militantes.
Propos recueillis par Alain Krivine