Le cas chypriote fait trembler les marchés
Après l’annonce de la taxation des dépôts bancaires chypriotes dans le cadre du plan d’aide au pays, décidé samedi à Bruxelles, les Bourses européennes évoluaient toujours à la baisse, lundi 18 mars en milieu de journée.
Vers midi, Milan affichait la plus forte baisse à – 2,22 %, suivie par Madrid (– 2,10 %), Paris (– 1,40 %), Francfort (– 1,12 %) et Londres (– 0,96 %). De leur côté, les Bourses asiatiques avaient déjà donné le ton un peu plus tôt, Tokyo finissant sur une forte baisse de 2,71 % et Hongkong perdant 2 %. Quant à l’euro, affecté lui aussi, il s’affichait à environ 1,29 dollar contre 1,307 dollar vendredi soir.
Cette mesure est interprétée par les marchés comme un dangereux précédent, susceptible de déclencher des retraits massifs dans d’autres Etats de la zone euro. Elle prévoit notamment une taxe de 9,9 % sur les dépôts supérieurs à 100 000 euros et de 6,7 % en deçà. Ce prélèvement exceptionnel doit rapporter près de 6 milliards d’euros. Le Parlement chypriote doit se réunir mardi pour voter ou non le plan de sauvetage.
« EFFET DE CONTAGION »
Pour les analystes, cette décision radicale et inédite va mettre les banques de l’ensemble de la zone sous pression. Si, a priori, les banques allemandes et françaises devraient être moins touchées que celles de l’Espagne ou de l’Italie, ces derniers s’inquiètent d’un risque de contagion.
Philippe Waechter, économiste chez Natixis, s’interroge sur l’éventualité d’« une défiance des résidents vis-à-vis des dépôts bancaires » dans les autres pays de la zone euro. « On a le sentiment que la crise de la zone euro pourrait réapparaître et qu’on pourrait avoir un effet de contagion, d’où la réaction du marché ce matin », commente pour sa part Shane Oliver, chef économiste chez AMP Capital à Sydney.
De son côté, Eric Delannoy, spécialiste du secteur bancaire et vice-président du cabinet de conseil Weave, estime qu’« on s’attaque une nouvelle fois à la notion de confiance, seul socle permettant de garantir la stabilité financière en Europe ». Selon lui, c’est justement cette confiance des épargnants dans leur banque qui « avait évité les ’bank run’ au plus dur de la crise. On génère, avec cette décision, de l’instabilité à venir ».
* Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 18.03.2013 à 05h00 • Mis à jour le 18.03.2013 à 13h37
A Chypre, la population sous le choc, le président justifie les sacrifices
Beaucoup de Chypriotes étaient sous le choc, samedi, après l’annonce d’un accord avec l’Union européenne sur un plan de sauvetage de 10 milliards d’euros comprenant une taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires.
L’accord a été conclu dans la nuit de vendredi à samedi, et les résidents de l’île méditerranéenne l’ont découvert à leur réveil. Des queues étaient visibles devant les banques, les particuliers tentant de retirer le plus d’argent possible.
Les bailleurs de fonds de Chypre - UE et FMI - ont en effet demandé l’instauration d’une taxe exceptionnelle de 6,75 % sur tous les dépôts bancaires de moins de 100 000 euros et de 9,9 % au-delà de ce seuil, ainsi qu’une retenue à la source sur les intérêts de ces dépôts.
« LES BANQUES N’ÉTAIENT AU COURANT DE RIEN »
« C’est une catastrophe », a dit un Chypriote de 45 ans venu retirer de l’argent. « Cela va nous donner envie de sortir de l’euro, dit un autre, un retraité. »Je croyais qu’en dessous de 100 000 euros, on n’y toucherait pas« , regrette Andri Menelaou, 25 ans. Je n’ai pas grand chose mais je ne vois pas pourquoi je devrais payer pour les erreurs des banques. »
« J’aimerais savoir où elle est, cette solidarité européenne. Qu’avons-nous obtenu ? Rien », juge Yiannis Pavlou, un mécanicien de 28 ans. Une allusion à la Grèce, l’Irlande, le Portugal ou l’Espagne, qui n’ont pas eu à accepter cette taxe exceptionnelle.
« On essaie tous de retirer un maximum d’argent — mais cela ne marche pas très bien, on ne sait pas si les comptes sont bloqués ou les distributeurs vides, a dit à l’AFP Joseph, employé de banque chypriote. Personne ne s’attendait à cela — et les banques n’étaient au courant de rien ». Les agences bancaires étaient fermées pour le week-end, et jusqu’à mardi matin, lundi étant férié sur l’île.
Ces retraits ne vont toutefois pas empêcher la ponction sur les comptes de toute personne résidant sur l’île. Les montants correspondant à la taxe « sont déjà bloqués et ne peuvent plus être transférés », assure Marios Skandalis, vide-président de l’Institut des comptables publics de Chypre. Cette mesure est censée rapporter 5,8 milliards d’euros au gouvernement.
LE GOUVERNEMENT JUSTIFIE UN PLAN « DOULOUREUX »
Le président Nicos Anastasiades a justifié ce plan, qualifié de « douloureux », par le risque « d’effondrement » du système bancaire qui précipiterait une faillite et une éventuelle « sortie de l’euro ». « Nous avions le choix entre le scénario catastrophe d’une défaillance non contrôlée, et une gestion douloureuse mais contrôlée de la crise », a-t-il résumé dans un communiqué. M. Anastasiades s’adressera à la nation, dimanche, alors que le Parlement chypriote se prononcera sur le plan.
« La situation est grave mais pas tragique, il n’y a pas de raison de paniquer », a également tenté de rassurer le porte-parole du gouvernement Christos Stylianides, alors que le ministre des finances Michalis Sarris assurait que « Chypre a choisi la moins douloureuse des solutions ».
Mais Nicolas Papadopoulos, député du parti Diko (centre-droit) dont la direction a soutenu l’élection récente du président Anastasiades, Nicolas Papadopoulos, s’est élevé contre l’accord en le qualifiant de « désastre » pour le système bancaire. « Je veux qu’un représentant du gouvernement m’explique pourquoi cet accord était la meilleure solution ». « Cette décision est bien pire que ce à quoi nous nous attendions et contraire à ce que nous affirmait le gouvernement encore pas plus tard que la nuit dernière », a ajouté le président de la commission des finances au Parlement, Nicholas Papadopoulos.
* Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 16.03.2013 à 15h00 • Mis à jour le 17.03.2013 à 21h12.