21 mars 2013
Mardi 12 février, l’Assemblée nationale a adopté la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe, avec 329 votes pour et 229 contre. Le texte sera examiné au Sénat à partir du 2 avril.Les socialistes se targuent d’avoir fait faire un grand pas à la société… Leur hésitation et leur frilosité ont fait plutôt avancer les homophobes et les réacs. Première concession, exit l’ouverture de la PMA aux couples de femmes (légalisée pour les couples hétéros), et les trans, comme toujours, sont oubliéEs.
Sans revenir sur les propos tenus par tous les réacs de la terre (des religieux aux politiques en passant par les « people »), le gouvernement laisse le temps aux opposants de s’organiser, de polémiquer, d’insulter les homos et les trans. Jamais une « minorité » n’aura été autant attaquée ces dernières années, hormis peut-être les musulmans et les Roms. Et même si l’homophobie est sanctionnée par la loi, l’idée qu’une différence ne donne pas droit à l’égalité s’est répandue tranquillement. Au lieu de se sentir confiants, les homos et les trans ont dû, au mieux polémiquer, au pire faire le dos rond et encaisser. SOS Homophobie a enregistré un afflux record d’appels (plus de 30 % d’augmentation) durant toute la période des débats.
Pour un mouvement antihomophobe
Avec le vote devant le Sénat, les homophobes continuent leur logorrhée. Un des derniers exemples est Sarkozy lui-même en nostalgie de vedettariat : « Avec leur « mariage pour tous », la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui, bientôt ils vont se mettre à quatre pour avoir un enfant. Et, plus tard, quand il demandera qui sont ses parents ? On lui répondra : « désolé, il n’y a pas de traçabilité » (…) Le sujet du moment, c’est la traçabilité du bifteck. Tout le monde veut savoir s’il y a du cheval dans ce qu’on mange ». (Dans Valeurs actuelles, le 7 mars).
Les partisans de la si mal nommée « manif pour tous » se préparent à défiler le dimanche 24 mars et à faire sit-in. Frigide Barjot affirme : « on ne partira pas tant qu’il ne se passera pas quelque chose », « nous resterons jusqu’à être entendus ». Nous entendons nos ennemis. La question est de s’organiser pour les combattre. Pour cela, un « mouvement antihomophobe » constitué d’associations, politisées ou non, avec diverses radicalités, s’est déjà formé le 27 janvier dernier. Il s’agit de continuer ensemble.
Manue Mallet
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 187 (21/03/13).
Égalité des droits : ça ne fait que commencer !
14 février 2013
Le débat sur le mariage s’est terminé ce week-end à l’assemblée. Le PS n’a pas manqué de s’auto-congratuler malgré toutes les limites de cette loi et Philippe Martin, vice-président du groupe socialiste, a été jusqu’à saluer le « courage » de l’UMP dans le déroulement des débats… alors même que ces derniers mois, les intégristes religieux, la droite et l’extrême droite réactionnaire ont fait de l’homophobie leur cheval de bataille.
Ceux-ci s’appuient sur tous les préjugés, n’ayant aucun scrupule par ailleurs à réactiver les vieilles recettes racistes, parlant d’une possible « vague d’immigration d’homosexuelLEs ». Face à cette déferlante de haine, le gouvernement tergiverse et ne vote finalement qu’une loi a minima. Alors que la PMA (procréation médicalement assistée) pour les lesbiennes est une des revendications principales du mouvement LGBT, le gouvernement et les députés socialistes ont préféré repousser à plus tard ce vote, se contredisant dans les dates et la soumettant au Comité d’éthique. Et pour maintenir les inégalités, une circulaire gouvernementale menace de sanction les gynécologues qui orienteraient leurs patientes vers des établissements étrangers.
Les habits de « gauche » que le PS espérait endosser à cette occasion à bon compte avec une loi qui n’affecte pas le budget, ne résiste pas à l’examen des faits : il a, là aussi, reculé devant la droite.
Contre les discriminations…
Nous réclamons l’égalité des droits totale, sans restriction. Cela passe évidemment par la PMA et il faut rester mobilisés et vigilants afin que ce point ne soit pas reporté à jamais. Mais cela suppose aussi l’arrêt de l’ensemble des discriminations que subissent et continueront à subir, une fois le mariage autorisé, les personnes LGBT.
Ainsi, les dons de sang et d’organe sont toujours interdits aux homosexuelLEs. Les personnes trans sont soumises par l’État à des humiliations et des interdictions qui doivent être impérativement levées (changement d’identité facilité, dépathologisation, prise en charge par la sécurité de l’ensemble de la transition…).
Et comme les oppressions ne sont pas indépendantes les unes des autres, il faut rappeler l’oppression spécifique que subissent les femmes. Ainsi, les couples de lesbiennes, en tant que femmes, subissent plus souvent les temps partiels imposés et les bas salaires. Elles ont donc souvent un niveau de vie inférieur aux couples hétéros. Ce n’est donc qu’à la condition d’une lutte d’ensemble pour l’égalité des droits et contre le capitalisme et le patriarcat que peut s’entrevoir un horizon réellement d’égalité.
… continuer la mobilisation !
Nous voulons et devons obtenir plus que cette loi a minima, plus que « le droit de pouvoir ne pas se marier »… Il est nécessaire pour cela que l’ensemble des forces progressistes, des associations et des partis politiques qui se sont mobilisés pour l’égalité des droits continuent après le vote de la loi.
Ce mouvement a été l’un des premiers de masse du quinquennat Hollande. Il doit se poursuivre et se renforcer afin de faire valoir l’exigence d’égalité. Les socialistes et leurs alliés ne concéderont rien qui n’aura été l’objet d’une réelle mobilisation offensive.
Yannick Vincent
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 182 (14/02/13).
Mariage pour touTEs : une bataille à continuer
Lors de son discours d’ouverture du débat parlementaire sur le mariage pour touTEs le mardi 29 janvier, Christiane Taubira a rappelé les réalités historiques du mariage : alliance et transmission du patrimoine, cadre de domination des femmes.
Tout en sous-entendant à tort que ces réalités ne sont plus d’actualité, Taubira a annoncé la couleur : l’extension du mariage aura pour visée de faire entrer les homosexuelLEs dans le modèle normatif, considérant le couple binaire régi par un impératif de fidélité comme le seul possible, mettant au ban toute autre forme de couple. Cela montre que la société n’accepte l’homosexualité que si celle-ci « reste dans les rangs ».
Confusion et discrimination
La droite entretient volontairement la confusion entre la procréation médicalement assistée (PMA, insémination artificielle) et la gestation pour autrui (GPA, recours aux mères porteuses). L’ouverture de la PMA aux lesbiennes (déjà autorisée pour les couples hétérosexuels) est un des axes principaux des tous les appels à manifester pour l’égalité des droits, contrairement à la GPA qui fait débat au sein du mouvement LGBT. Cependant, nous soutenons la circulaire Taubira qui demande aux tribunaux de ne plus refuser la nationalité française aux quelques dizaines d’enfants qui naissent chaque année d’une GPA à l’étranger, parce que dans le cas contraire ces enfants resteraient apatrides et / ou en situation irrégulière en France. Les réactionnaires critiquent la circulaire et crient au scandale : une preuve qu’ils ne se préoccupent des « intérêts de l’enfant » que quand ça les arrange !
La droite continue aussi sur la vieille tradition consistant à cumuler les haines en prédisant une « invasion d’homosexuelLEs étrangerEs ». Largement fantasmée au vu de la politique migratoire menée par le PS, et du projet de loi qui n’ouvre le mariage aux couples binationaux que sous réserve qu’il n’y ait pas d’accord contradictoire avec le pays de la personne étrangère.
Homophobie parlementaire
Le Parlement a aussi à voter plusieurs milliers d’amendements au texte de loi, dont beaucoup sont similaires, amendements déposés par la droite et l’extrême droite qui tentent d’attaquer un droit déjà proposé au rabais, quand ils ne tournent pas aux pires amalgames homophobes (un amendement relançant l’atroce cliché de l’homosexuel pédophile en proposant d’ouvrir le mariage aux enfants)…
Ceci vient concrétiser les propos homophobes de ces députéEs qui entretiennent et justifient la vague d’homophobie réactionnaire actuelle, avec comme conséquence une multiplication par trois du nombre d’appels désespérés reçus par SOS Homophobie depuis le début du débat sur le mariage.
Pendant ce temps, l’organisation intégriste Civitas s’est rassemblée pour prier devant l’Assemblée « contre les forces du mal », déversant une fois de plus sa haine homophobe sans limites. Ces prières sont protégées par les forces de police dans l’indulgence générale des politiques, alors que les « prières de rue » des musulmanEs scandalisent. Force est de constater une fois de plus la place de la « laïcité » de notre pays.
L’égalité reste à gagner
Tout ceci montre que la bataille sur l’égalité des droits est loin d’être gagnée. Une simple « bataille institutionnelle » ne suffira pas, et les luttes continuent à être nécessaires pour pouvoir gagner sur ces questions. La PMA sur laquelle le gouvernement se contredit devient le symbole de sa politique de recul et un élément essentiel des mobilisations pour l’égalité. Au-delà du mariage pour tous, il y a de nombreuses autres batailles à mener, notamment sur la question du don du sang et d’organe par les homosexuelLEs, dont le refus a été confirmée par l’actuel ministère de la santé ; pour les droits des trans (changement d’identité facilité, dépathologisation…) actuellement seulement couverts par des promesses vagues et incomplètes ; contre l’homophobie, la transphobie, ainsi que le sexisme, dont l’omniprésence a été plus que confirmée par les récents débats, que des lois ne feront pas disparaître.
Anastasia Damamme et Chloé Moindreau
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 181 (06/02/13).