Les syndicats du secteur du commerce des Etats-Unis, du Canada et du Mexique ont pris des mesures pour réclamer que l’entreprise Walmart [1] soit punie par les autorités mexicaines et qu’on lui défende d’ouvrir davantage de magasins dans des sites considérés comme appartenant au patrimoine artistique ou naturel.
« Ce qu’il faut, c’est agir au Mexique même. Nous sommes un peu déphasés par rapport au processus qui se déroule aux Etats-Unis » explique Héctor de la Cueva, coordinateur du Centre non gouvernemental d’enquête sur le travail et Conseil syndical. « C’est la raison pour laquelle nous allons explorer les moyens de lancer une procédure légale contre l’entreprise avant de considérer un recours aux instances internationales ».
Le scandale autour de Walmart a éclaté le 21 avril 2012 lorsque le journal The New York Times a révélé que cette firme avait versé au Mexique 24 millions de dollars en pots-de-vin entre 2002 et 2005 pour faciliter l’implantation de nouveaux magasins, ce qui constitue une possible violation de la loi états-unienne concernant les pratiques de corruption à l’étranger.
Dans son pays d’origine, le Département de Justice et la Commission internationale du commerce ont mis la firme transnationale sous enquête à partir de décembre 2011, dans le cadre d’un procès qui a déjà coûté des millions de dollars à la Walmart et dont le coût final sera considérable.
L’entreprise Walmart est l’employeur privé le plus important du Mexique. Ses plus de 240’000 travailleurs et travailleuses n’ont pas le droit de former des syndicats ni de réclamer la protection de leurs droits au travail sous peine d’être licenciés. Or, presque 20% des plus de 10’000 succursales de Walmart dans le monde sont implantées dans ce pays.
« Nous sommes très préoccupés par ce scandale, en sachant que Walmart n’a même pas appliqué son propre code d’éthique » a indiqué Eduardo Pérez de San Roman, directeur régional pour l’Amérique du Nord de UNI Global Union [2], dont le siège se trouve à Nyon, en Suisse.
« Nous avons de grandes difficultés à promouvoir la liberté syndicale et de négociation collective dans l’entreprise » explique au journaliste de IPS (Inter Press Service) ce dirigeant de la fédération de syndicats qui représente quelque 20 millions de travailleurs de 1’000 organisations dans 150 pays dans des secteurs tels que le commerce, les institutions financières, les télécommunications et les services postaux.
Uni Global Union, qui mène une campagne pour dénoncer les pratiques de Walmart et a formé un réseau global contre cette firme, a déjà déposé une plainte au Bureau global d’éthique de la chaîne pour non-respect de son propre code.
Malgré le fait que le scandale a été révélé pour la première fois il y a déjà une année, l’enquête mexicaine sur le versement des pots-de-vin n’a progressé que lentement et n’a presque pas donné de résultats. L’ex-Secrétariat (Ministère) de la Fonction publique a révélé le 21 novembre 2012 que les premières recherches n’avaient pas montré d’irrégularités susceptibles d’encourir des sanctions de la part des hauts dirigeants de l’entreprise dans ce pays.
« Il ne faut pas permettre que Walmart porte atteinte au patrimoine culturel ni au droit du travail. Cette entreprise doit être régulée par l’Etat, ou alors être expulsée du pays » a déclaré au journaliste de IPS le dirigeant Luis Galvez, du syndicat des travailleurs de l’Institut Nationale d’Anthropologie et d’Histoire.
Galvez a participé en 2003 et 2004 à la lutte populaire avortée contre l’ouverture d’un magasin de la transnationale dans un quartier limitrophe à la zone archéologique de Teotihuacan, un des sites emblématiques du pays, situé à quelque 50 km au nord-ouest de la ville de Mexico, dans l’Etat du même nom.
Le magasin est un de ceux où des pots-de-vin ont été versés afin de pouvoir s’implanter. A cette époque, c’est Enrique Peña Nieto du PRI (Parti révolutionnaire institutionnel) – président du Mexique depuis le 1er décembre 2012 – qui était le gouverneur de l’Etat de Mexico (2005-2011).
Les choses se sont passées tout autrement dans la localité indigène de Cuetzalan, dans l’Etat de Puebla, au sud du Mexique. Ici la mobilisation a porté ses fruits, car elle a pu empêcher en 2012 la construction d’une succursale de la transnationale en arguant qu’elle constituait une menace pour le travail local, pour l’agriculture écologique et les coutumes du lieu.
Encouragés par ce résultat, les militants mènent une bataille analogue dans les villes de Xalapa et d’Orizaba, toutes les deux situées au sud, dans l’Etat de Veracruz, où la compagnie états-unienne a l’intention de construire deux succursales. Dans le premier cas, cette construction constitue une menace pour une zone verte. Dans le second, elle porterait atteinte au bâtiment d’un asile construit pendant la décennie des années 1930 et qui présente un intérêt artistique.
Dans le cas de ces deux projets de Walmart, des organisations de la société civile ont demandé aux administrations municipales de refuser le permis de construire et de fonctionner.
« L’extension de Walmart s’est faite au détriment des droits les plus élémentaires des travailleurs et travailleuses, auxquels on interdit de s’organiser librement. Les autorités mexicaines l’ont permis et ont contribué à dissimuler ces faits. Si le Secrétariat du travail voulait agir, il aurait tous les éléments lui permettant de le faire », a souligné Héctor de la Cueva.
Galvez estime qu’il faut fermer la succursale implantée à Teotihuacan. « [L’affaire des pots de vin] vient s’ajouter à la raison que nous invoquions déjà, à savoir que ce magasin ne devrait pas se trouver dans une zone archéologique. Il faut l’éliminer, parce qu’il représente une offense au Mexique »
Emilio Godoy