Dans le 10e arrondissement de Paris, à l’image de ce qui s’est passé au niveau national, le mois de juin a marqué un tournant : le mouvement pour la régularisation des sans-papiers s’est considérablement étendu. Durant l’année, quelques écoles s’étaient mobilisées pour soutenir des familles de sans-papiers, mais personne ne soupçonnait l’ampleur de la situation. Aujourd’hui, pour le seul 10e arrondissement, 200 dossiers ont été déposés en préfecture, sachant que des familles n’ont pas encore fait de dossier, et qu’il y a de nombreux célibataires ou familles sans enfant scolarisé. Ce grand nombre de cas s’explique par la présence importante d’hôtels hébergeant des sans-papiers. Contrairement à ce qui avait été promis l’année dernière, lors des incendies qui avaient tué 54 personnes à Paris, rien n’a été fait.
Le mouvement, très spontané, dépasse largement les cadres militants habituels. À l’école des Récollets, une quarantaine de personnes se sont inscrites sur la liste de veille. Pendant tout l’été, une valise contenant téléphone portable et dossiers circule afin de pouvoir réagir à tout instant. Beaucoup de choses sont à faire : monter les dossiers, accompagner les familles aux rendez-vous à la préfecture, mobiliser rapidement en cas d’arrestation de parents...
À la mi-juin, le premier parrainage à la mairie a rassemblé 250 personnes. Un deuxième, le 12 juillet, a touché 150 personnes. Dans les écoles, des réunions ont réuni jusqu’à 60 parents. Rien que dans le 10e arrondissement, qui compte 90 000 habitants, près d’une vingtaine de collectifs se sont montés.
Presque toute la gauche municipale parisienne s’est engagée dans cette campagne de « parrainages républicains », mais on voit émerger deux perspectives différentes pour la mobilisation. Le maire PS du 10e, Tony Dreyfus, ne voulait parrainer que quelques familles, et non toutes, pour ne pas « créer un appel d’air à l’immigration » ! Lors d’une réunion préparatoire aux parrainages, début juillet, qui a réuni 40 représentants des écoles du 10e, l’esprit était tout autre. Spontanément, la plupart des gens refusent la logique du cas par cas et veulent parrainer toutes les familles. Le 5 juillet, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées pour un dépôt collectif de dossiers, afin d’obtenir une régularisation « en masse ». Finalement, beaucoup plus de familles, ainsi que des jeunes majeurs ont été parrainés.
En janvier dernier, un débat sur l’immigration et le racisme avait été organisé dans le quartier par la gauche du « non » à l’occasion de la semaine d’initiative contre le libéralisme. Le PCF et les Verts s’étaient prononcés pour la régularisation de tous les sans-papiers. C’est un point d’appui pour aujourd’hui mobiliser et mettre la pression sur le PS qui, à Paris comme ailleurs, a une attitude ambiguë. En effet, le débat ne peut pas se limiter à l’immigration « choisie » de Sarkozy face à celle, « régulée », de Royal. Il faut défendre la liberté de circulation et la régularisation de tous. Des liens commencent à être tissés avec d’autres secteurs que les écoles. Sud-rail, à la gare de l’Est, a tiré 5 000 tracts et affiches pour le parrainage et est venu à une réunion du RESF. À la gare, des dizaines de sans-papiers travaillent dans le nettoyage. Le mouvement RESF peut être un point d’appui pour qu’eux aussi sortent de la clandestinité et que s’élargisse la mobilisation. Le mouvement actuel est l’illustration de la confiance grandissante, après la victoire sur le CPE. Pour l’instant, quatre familles (sur 200) ont été régularisées, mais de nombreux rendez-vous sont fixés. Il semble possible de gagner des régularisations en masse et d’infliger une nouvelle défaite à Sarkozy. Il faut donc poursuivre la mobilisation pendant l’été, emmener des pétitions à faire signer en vacances, pour s’assurer qu’« aucun enfant ne manque dans les classes à la rentrée ».
Sur Internet :
« http://www.educationsansfrontieres.org »
« http://www.cpe75.org/cdpe/ »