Jean-Marc Ayrault a décidé d’engager une procédure en vue de la dissolution du groupuscule d’extrême droite Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR) dont étaient issus les agresseurs de Clément Méric. Il prétend ainsi « tailler en pièces, de façon démocratique, sur la base du droit, ces mouvements d’inspiration fasciste et néonazie, qui font tort à la République et qui font tort à la France ». Comme s’il suffisait d’invoquer les valeurs républicaines pour éradiquer les menaces de l’extrême droite, et d’interdire un groupuscule fascisant pour lui barrer la route.
Le gouvernement voudrait ainsi se dédouaner de ses propres responsabilités. N’est-ce pas sa politique contre les classes populaires, au service du Medef, qui crée le terrain sur lequel prospère le populisme de droite et d’extrême droite ? Ne contribue-t-il pas lui-même à la propagation du nationalisme, du racisme et de la xénophobie par les expulsions des Roms, les rafles de sans-papiers, la dénonciation de l’immigration ?
En menant la même politique que la droite, il nourrit lui-même la démagogie et les surenchères de l’UMP et du FN.
Soucieux eux aussi de se dédouaner de leurs propres responsabilités, Copé et Marine Le Pen ont aussitôt repris la même chanson de la dissolution… pour la retourner contre l’extrême gauche mise dans le même sac. Ils prétendent renvoyer dos-à-dos les « extrêmes » alors qu’ils ont tout fait, l’un et l’autre, pour créer un climat de haine et de violence tout au long de leur combat réactionnaire contre le mariage homo qui a propulsé les groupes fascisants. L’UMP compte dans ses rangs bon nombre d’anciens membres du GUD ou d’autres officines fascisantes. Le FN abrite les militants de ces mêmes officines dont il partage l’essentiel des références politiques. En bons démagogues réactionnaires, ils essayent de retourner la situation contre les victimes.
Les combattre, barrer la route à l’extrême droite et à ses satellites, défendre la démocratie n’est pas une question de loi républicaine.
C’est un combat quotidien, sur les lieux de travail et dans les quartiers, pour faire l’opinion, faire vivre la solidarité, agir collectivement, occuper à tous les niveaux le terrain politique. C’est l’affaire de toutes et tous.
Yvan Lemaitre
* Éditorial de l’Hebdo Tout est à nous ! 199 (13/06/13).
Extrême droite : à nous de reprendre l’offensive
Clément Méric a été assassiné parce qu’il était un militant antifasciste. L’annonce de ce meurtre a suscité beaucoup d’indignation et de colère. Au-delà de l’émotion et du deuil, il faut désormais s’atteler à la construction d’une riposte unitaire à l’extrême droite.
Mercredi 5 juin, Clément, membre de Solidaires ÉtudiantEs et de l’Action antifasciste Paris-Banlieue (AFA) a été assassiné par des militants des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), groupuscule de skinheads influencé par les SA des années 30. Ce meurtre politique illustre la confiance dans laquelle se trouvent aujourd’hui les militants d’extrême droite, notamment après la séquence « manif pour tous ». Confiance renforcée par les reculs et les renoncements, sur ce plan comme sur tous les autres, du gouvernement. Quand ce n’est pas ce même gouvernement qui est lui-même à l’offensive, contre par exemple les Roms ou les sans-papiers…
L’assassinat de Clément met en lumière la montée des violences perpétrées par l’extrême droite depuis plusieurs mois : attaques de couples et de lieux publics LGBT, attaques de camps de Roms, agressions contre des militants du mouvement ouvrier, contre des femmes voilées.
Face à cette situation, l’enjeu est clair : la confiance doit changer de camp. L’extrême droite ne doit pas pouvoir parader dans la rue et y agresser qui elle veut. Il doit y avoir une réaction populaire, collective, pour l’en empêcher. Cela passe aujourd’hui par la construction d’un mouvement de masse qui pèse sur le rapport de forces général, qui montre que contre l’extrême droite, le FN et le fascisme, nous pouvons nous mobiliser massivement.
Manifester, s’organiser
Suite à l’annonce du décès de Clément, les premières mobilisations sur tout le territoire ont été rapides et importantes, réunissant localement une bonne partie du mouvement social et des personnes légitimement émues par ce qui s’est passé. À l’initiative de l’Action antifasciste, la marche de samedi dernier à Paris a rassemblé plus de 4 000 personnes (d’après la police) : c’est un premier succès… mais qui n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Face au pire de la réaction, nous devrions être des centaines de milliers dans la rue !
À l’initiative de Solidaires, une réunion unitaire nationale s’est tenue lundi soir, regroupant une quarantaine d’organisations : syndicats (Solidaires, CGT, FSU), associations (dont différentes composantes de l’antifascisme et de l’antiracisme), partis politiques (à la gauche du PS). Ces organisations se sont mises d’accord pour un week-end de mobilisation contre l’extrême droite et le fascisme les 22 et 23 juin prochain avec, en point d’orgue, une grande manifestation à Paris le 23 juin. La réunion a également acté le lancement au niveau local, départemental ou régional, de collectifs unitaires larges pour impulser les manifestations et animer la mobilisation dans les régions.
Au-delà de ces manifestations, il est nécessaire sur le long terme de remettre en place au niveau national et local un cadre militant pérenne s’appuyant sur des réseaux de mobilisation antifasciste. L’objectif ? Déconstruire le discours de l’extrême droite mais également réagir aux interventions de celle-ci, dans les quartiers, les entreprises, les facs et les lycées, par des actions de masse. C’est l’enjeu de ces prochains mois.
Sandra Demarcq