C’est désormais une évidence : l’on assiste bien à un démantèlement en règle du système de santé publique, ici même comme ailleurs. Ceux qui s’étaient laissés séduire par les belles envolées sur la « modernisation », la « mutualisation des moyens », la « rationalisation » etc. en sont revenus. En effet, contredisant les discours soporifiques des gouvernants français tout comme de leurs séides tropicaux, cette opération programmée se concrétise de la façon la plus brutale pour les malades comme pour le personnel – soignant ou non-soignant –, à tous les degrés de gravité et de responsabilité.
Le remède frelaté de la fusion à marche forcée, sous la houlette autoritaire et impatiente de l’ARS, n’était qu’une imposture ravalant la santé humaine au rang d’un vulgaire service marchand. Comme si la fusion d’entreprises permettant des « rendements d’échelle » dans l’industrie, le commerce ou l’agriculture, était mécaniquement transposable dans le domaine de la santé des personnes.
Marquée du sceau de la précipitation et de l’improvisation, l’opération se traduit dans les faits par un appauvrissement des moyens matériels et humains, objets d’une gestion au jour le jour, dans un gigantisme incontrôlable.
Ainsi, la création du CHUM (Centre hospitalier de Martinique) au 1er par regroupement de sept entités basées sur trois communes (l’hôpital Pierre Zobda-Quitman, l’hôpital Clarac, le Centre Emma Ventura, l’hôpital psychiatrique de Colson, la Maison de la Femme de la Mère et de l’Enfant, l’hôpital du Lamentin/Mangot Vulcin, l’hôpital Louis Domergue de Trinité,) a reposé sur un enchevêtrement de promesses que les représentants de l’État n’ont jamais eu ni l’intention ni les moyens de respecter. La gauche d’affaires a de fait suivi à la lettre la politique de ses prédécesseurs de droite ultraTlibérale, tout en tenant un discours enfumé, mélange de langue de bois et de double langage, dont la ministre Marisol Touraine se révèle une spécialiste. Le résultat est que cette énorme entité se trouve dans l’incapacité de respecter les principes de base régissant le service public de santé : égal accès aux soins pour tous et en toutes circonstances, permanence et continuité des soins, prévention sanitaire, prévention des discriminations et des maltraitances.
Hélas, les exemples abondent de désordres montrant que l’on est déjà dans une situation de sinistre tendant à s’aggraver dans une fuite en avant chaotique, toujours plus difficile à contenir, voire à corriger :
– Sabotage du service des grands brûlés.
– Suppression et remplacement inadapté des urgences de Mangot Vulcin
– Allongement des durées d’attente aux urgences.
– Manquements flagrants aux mesures d’hygiène dans des locaux vétustes et encombrés.
– Échec à la lutte contre les maladies nosocomiales atteignant d’inquiétants sommets.
– Absence de trésorerie et donc impossibilité de régler les fournisseurs dans des délais décents (et donc de les garder).
– Ruptures de stocks de médicaments, de chimiothérapie, de réactifs pour le labo, de produits d’entretien, de lingerie, de fournitures administratives, de produits alimentaires, etc.
– Pannes des équipements médicaux courants (fibroscopes, instruments chirurgicaux, respirateurs de réanimation et de pédiatrie, électrocardiographes, etc.)
– Fermetures de lits d’hospitalisation.
– Transfert abracadabrant de la psychiatrie de Colson à Mangot Vulcin.
– Fermeture improvisée de la majorité des salles d’opération, non conformes.
– Non remplacement des agents en congé de maternité.
– Impossibilité de respecter les programmes de vacances des personnels.
– Épuisement des équipes soignantes.
– Fuite des personnels de plus en plus nombreux à rechercher une autre affectation.
– Etc.
En générant de fatales baisses d’activité, ces innombrables et quotidiennes carences inscrites dans le cadre général de la T2A (tarification à l’activité), ne peuvent qu’amplifier un gouffre financier servant de prétexte pour alimenter la spirale destructrice du service public de santé. Parallèlement, captant logiquement les activités les plus rentables tout en échappant aux contraintes du service public, le secteur privé voit s’ouvrir un boulevard encore plus rémunérateur pour ses actionnaires. Avec, pour les maîtres d’œuvre de la débâcle, la satisfaction blasée du devoir accompli. Leur réponse aux critiques est désormais invariable : « ce n’est pas moi, c’est les autres… »
Aujourd’hui, conscients des difficultés que traverse le mouvement syndical dans la santé dans un tel contexte, nous lui apportons notre total soutien.
Nous appelons au renforcement, à l’élargissent de l’initiative prise par des syndicats, des associations et des organisations politiques – dont le GRS – pour construire un Collectif)martiniquais) pour) notre) santé. Au delà, pour impulser un puissant mouvement social et populaire pour sauver l’hôpital public. Le Brésil nous montre la voie. Seule l’alliance du mouvement syndical, des partis fidèles aux intérêts de la population, des élus et de la population elle-même, nous permettra d’arrêter la casse et d’aller de l’avant pour le bien être de toutes et de tous.
Fort-de-France, le 24 juin 2013
Max Dorléans et Max Rustal (GRS)