Le train composé de plus de 70 wagons transportait un million de litres de pétrole léger. Il était stationné sans surveillance, pour la nuit, en haut d’une pente, à 10 kilomètres à l’extérieur de la petite ville. Apparemment sans dispositif de freinage suffisant, il s’est engagé dans la pente sans conducteur, s’est emballé et a déraillé. Explosions et incendie qui ont détruit une trentaine de bâtiments, tuant ainsi plusieurs dizaines de personnes. Sans parler du déversement important dans Lac-Mégantic et la rivière Chaudière. Une terrible catastrophe sociale et écologique.
Ce que nous révèle cet accident
La privatisation et la déréglementation du gouvernement fédéral permettent à des entreprises d’utiliser des voies ferrées mal entretenues, des locomotives désuètes et des wagons-citernes de piètre qualité. Ces entreprises ont laissé se dégrader les infrastructures à la recherche de profits immédiats. Elles ont diminué le personnel nécessaire au minimum, y compris dans le transport de matières dangereuses. La MMA a été à l’origine de plusieurs accidents (déversements) mais pouvait continuer à opérer. Tout cela alors que le transport du pétrole par train au Canada a fait un saut qualitatif dans les dernières années.
« Il ne faut pas chercher d’autres coupables de la tragédie de Lac-Mégantic que ceux qui ont permis la déréglementation dans les transports, qui ont permis que n’importe quel entrepreneur cupide achète une portion de ligne de chemin de fer, quelques locomotives des années 60 et des wagons usagés et qu’il décide comme bon lui semble des règles à suivre », dit Serge Robert, fils d’un ancien chef de gare de Lac-Mégantic, dans le Devoir du 13 juillet 2013.
Les entreprises qui gèrent les oléoducs ont profité de ces tragiques événements pour se présenter comme une alternative en matière de sécurité alors que ces entreprises sont les principales responsables des déversements de pétrole dans l’environnement ces dernières années. Ainsi, « Enbridge, la compagnie canadienne qui veut acheminer l’huile de l’Alberta jusqu’à l’Atlantique en passant par le Québec, a une très mauvaise feuille de route : 804 déversements en l’espace de dix ans (1999-2010) » (Francine Pelletier, « L’été meurtrier », dans le Devoir du 10 juillet 2013).
Un véritable traumatisme
Alors que le gouvernement du Parti québécois s’orientait vers le développement de la filière pétrolière au Québec, les événements de Lac-Mégantic vont tout remettre en jeu. Les groupes écologistes qui avaient mobilisé des dizaines de milliers de personnes à Montréal le 22 avril dernier contre l’exploitation du pétrole au Québec seront plus déterminés que jamais à s’y opposer. Après la bataille gagnée contre l’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, la bataille pour la sortie du pétrole est devant nous et nombre d’écologistes sont persuadés que l’on peut faire reculer le gouvernement.
Après la catastrophe de Lac-Mégantic, une réflexion d’ensemble sur la politique énergétique du Québec et du Canada va s’imposer. La mobilisation citoyenne pour s’opposer à des politiques irresponsables et criminelles des défenseurs des énergies fossiles doit maintenant se développer.
De Québec,
Yves Bergeron et Bernard Rioux