La préparation des municipales parisiennes met en exergue les points de tension grandissant entre le Parti communiste et le Parti de gauche (PG). Les partenaires du Front de gauche n’ayant pas réussi à trouver un accord électoral, les cadres du PC parisien ont préféré, mercredi 9 octobre, favoriser une union dès le premier tour avec le Parti socialiste. Cette décision suscite l’émoi de leurs partenaires du Parti de gauche, qui estiment que « l’avenir du Front de gauche est en cause » et tentent de peser sur le vote des adhérents communistes qui prendront la décision finale lors d’un vote, du 17 au 19 octobre.
La direction du PC n’a pas voté à l’unanimité pour la création d’une liste commune avec le PS, mais 67 % d’entre eux ont préféré l’accord passé avec les socialistes parisiens à celui qu’ils ont négocié avec le Parti de gauche. « Nous avons obtenu du Parti socialiste des avancées concrètes », justifie le chef de file des communistes parisiens, Ian Brossat. L’accord passé avec les socialistes engage notamment la potentielle future majorité à produire 30 % de logements sociaux à horizon 2030, à créer 5 000 nouvelles places en crèche, à s’engager pour l’amélioration de l’offre de soins dans la capitale et pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Les adhérents devront se positionner en faveur de cet accord stratégique passé avec les socialistes ou en faveur de celui obtenu avec le PG. Si ce dernier n’a pas eu la préférence des membres du conseil départemental du PCF, c’est, expliquent-ils, parce que leurs partenaires du Front de gauche « n’ont pas la même volonté de rassembler la gauche ». Au contraire, le Parti de gauche « veut faire des municipales un enjeu national et sanctionner le gouvernement », là où le PCF souhaite pouvoir peser dans une majorité municipale plus large à Paris et conserver ses villes ailleurs en France.
L’AVENIR DU FRONT DE GAUCHE EST-IL EN CAUSE ?
L’autre raison qui explique leur choix est qu’ils ont obtenu du PS un nombre satisfaisant de sièges. En cas de victoire, les communistes disposeraient de 13 sièges de conseillers de Paris – ils en avaient demandé 15 –, et de 32 sièges de conseillers d’arrondissement. En revanche, de telles négociations n’ont pas abouti avec le PG. « Nous voulions avoir la garantie que nous aurions une représentation politique actuelle qui reflète la composition actuelle du Conseil de Paris. Mais la discussion n’a pas pu être engagée » avec le Parti de gauche, explique un cadre du PCF.
« Nous tenons au Front de gauche, plaide Ian Brossat. Je ne veux pas taper sur Danielle Simonnet [tête de liste du Parti de gauche pour les municipales à Paris], mais il ne faut pas insulter l’avenir. » Bien qu’ils n’aient pas la même stratégie politique vis-à-vis du gouvernement, des listes Front de gauche pourront cependant être présentées dans d’autres communes, comme cela semble se profiler à Marseille, « en fonction des circonstances locales et des intérêts de la population ».
En réaction, le président du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui fait des municipales parisiennes un symbole important, enjoint, sur Twitter, le PCF de ne pas « quitter le Front de gauche ». Dans un communiqué, le PG dit regretter ce vote et s’interroge : « Pourquoi donner la préférence aux socialistes plutôt qu’aux camarades des combats communs ? » Alors que les communistes veulent distinguer les socialistes parisiens de leurs homologues du gouvernement, le parti de Jean-Luc Mélenchon estime qu’il est difficile de justifier un ralliement local quand « les Solfériniens adoptent des lois de plus en plus à droite ». « Réduire le vote parisien a un événement local est une régression politique », estime-t-il, avant de prévenir que « l’avenir du Front de gauche est en cause ». « Cette manœuvre politique », ajoute-t-il, pourrait permettre au Parti socialiste de « parvenir enfin à diviser le Front de gauche et affaiblir sa lisibilité nationale en le faisant disparaître à Paris ».
Le message est clair. Le Parti de gauche veut peser sur le vote des adhérents communistes en faisant de la décision qu’ils prendront à Paris la pierre angulaire de l’avenir du Front de gauche.
Philippe Euzen, journaliste