Introduction
Un numéro de revue consacré aux « années Woodstock, » centré sur la culture jeune et les tendances musicales de l’époque, appelait un rappel de la force du mouvement parallèle, plus politique, contre la guerre du Vietnam. [1] En effet, plusieurs types de mouvements coexistaient alors aux Etats-Unis : l’un culturel qui, au fil des années, s’est taillé une place privilégiée dans la mémoire collective, d’autres qui ont servi d’illustration au concept de « mouvements sociaux, » enfin, un dernier, socio-politique, que de nombreux commentateurs aimeraient réduire au statut d’effet secondaire du premier. Cet article rappellera donc que « les années » en question furent celles d’une coexistence complexe de plusieurs mouvements, culturels, sociaux, socio-politiques, socio-culturels et politiques.
Point de vue
Le lecteur averti voudra savoir d’où parle celui qui écrit. Sincérité oblige, l’auteur de ces lignes combine trois postures : celle du témoin, de l’acteur et de l’historien. Etudiant à Cambridge, à Madison puis à Chicago, il a lu les journaux de l’époque et vu de ses propres yeux les émissions télévisées, réunions, manifestations de rue, concerts et disputes dans les familles autour de la guerre du Vietnam. Dirigeant local du mouvement contre cette guerre, il a connu ses débats et ses intrigues de l’intérieur. [2] Aujourd’hui historien, il a cherché à démêler ses souvenirs et à les confronter à des documents de première main et à des études scientifiques parues depuis lors.
Sources
Outre ses propres collections de livres et de mémentos, il a consulté soit des inventaires détaillés d’archives de plusieurs coalitions anti-guerre soit, dans quelques cas, des documents de l’époque, mis en ligne. [3] Trois livres et un témoignage d’anciens responsables l’ont aussi renseigné : The Sixties de Todd Gitlin, Out Now de Fred Halstead, The Party de Barry Sheppard, et un entretien de Jerome Grossman. [4]. Enfin, les synthèses et recueils de documents de Melvin Small, Christian Appy et Andrew Rotter lui ont fourni un aperçu de la recherche historique actuelle sur le mouvement. [5]
Interprétations : deux déformations de la mémoire
Au fil de ces lectures se dégagent deux mémoires du mouvement, l’une réductrice, l’autre dissolvante, dont ni l’une ni l’autre ne correspond à l’ensemble de ce que la recherche historique a mis en évidence. La première réduit le mouvement au militantisme d’un petit groupe d’étudiants privilégiés. Ainsi, le Sénateur James Webb le présente comme le refus d’accomplir leur devoir patriotique d’une poignée d’enfants gâtés (spoiled brats), de nantis. [6] La seconde dilue l’opposition à la guerre dans un vaste mouvement culturel englobant indistinctement des pacifistes, des hippies, des amateurs de rock, de sexe et de drogue. Elle s’appuie sur le slogan qui a effectivement rapproché ces deux mouvements « Faites l’amour, pas la guerre. » C’est pour contribuer à corriger ces deux visions que cet article traite des composantes sociales et politiques en rappelant l’ampleur et la diversité du mouvement contre la guerre. Il cherchera à montrer brièvement que loin de se confiner à quelques universités d’élite, il s’est implanté assez rapidement dans de vastes milieux populaires, et qu’il n’était pas guidé par une vague affectivité pacifique, mais par des arguments élaborés et des courants politiques complexes.
Mouvements anti-guerre et hippie : différences, relations, chronologie
Avant d’aborder la composition sociale du mouvement anti-guerre lui-même, il convient de souligner ses différences avec celui des hippies. Différence dans les objectifs : l’un s’opposait à une politique fondamentale du gouvernement américain, l’autre prônait un mode de vie pour les jeunes. Différence aussi dans la durée, l’un s’étendit précisément du début de l’intervention massive des Etats-Unis au Vietnam, c’est-à-dire d’avril 1965, à sa fin, c’est-à-dire au retrait catastrophique des conseillers américains en avril 1975, alors que l’autre plonge ses racines dans la fin des années cinquante, lorsqu’il prend la succession des beatniks, et s’affaiblit graduellement au crépuscule des années soixante-dix. Enfin, les enjeux différaient : l’un se référait aux centaines de milliers de morts et de blessés vietnamiens et américains, l’autre aux contraintes imposées par la culture américaine dominante.

Différents mais néanmoins contemporains et souvent entrelacés, quels ont été les rapports entre ces deux mouvements, l’un politique l’autre culturel ? On trouve dans les souvenirs publiés par des anciens participants de part et d’autre des accusations d’instrumentalisation. Le mouvement politique anti-guerre aurait manipulé les millions de hippies qui ne comprenaient rien à la politique, et les musiciens qui ne cherchaient qu’à pratiquer leur art. A l’inverse, les hippies se seraient infiltrés dans le mouvement anti-guerre, notamment ses grands rassemblements, pour y convertir à la drogue et à leur mode de vie de braves jeunes gens et jeunes filles venus manifester leur opposition à la guerre, tandis que des musiciens en auraient tiré parti pour se faire connaître. Mais comment expliquer alors que Bob Dylan se soit détourné de la politique en 1964 [7] tandis que Phil Ochs et Joan Baez continuaient de soutenir le mouvement anti-guerre. Qui a instrumentalisé qui ? En vérité la question paraît insoluble, chaque mouvement ayant sa propre dynamique, chaque individu ses propres choix et les interactions étant multiformes et complexes.
Chronologie
Enfin, pour comprendre les composantes sociales et politiques du mouvement anti-guerre, il faut le resituer dans sa chronologie (voir l’insert ci-dessous pour quelques dates importantes).
Quelques tournants importants de la guerre et du mouvement anti-guerre
août 1964 – résolution du Golfe du Tonkin
mars 1965 – bombardements stratégiques (Rolling Thunder) puis offensive terrestre
janvier 1968 – offensive du Têt
mars 1968 – massacre de My Laï
31 mars 68 – le Président Johnson annonce qu’il ne demandera pas sa réélection
décembre 1968 – 540,000 troupes américaines au Vietnam
février 1969 – les B-52 américains bombardent massivement le Cambodge et le Laos
juin 1969 – Nixon annonce le retrait de 200,000 soldats et la “Vietnamisation”
15 octobre 1969 – Vietnam Moratorium
avril 1970 – les troupes américaines envahissent le Cambodge
mai 1970 – quatre étudiants protestataires tués à Kent State University (Ohio)
juin 1972 – le gouvernement américain renonce aux combats terrestres et laisse une force de 60.000 techniciens américains
Noël 1972 – le gouvernement américain ordonne le bombardement du Nord Vietnam pendant douze jours
août 74 – le Président Nixon démissionne
30 avril 1975 – fin de l’évacuation précipitée des forces américaines ; le drapeau du Viet Cong flotte sur le palais présidentiel à Saïgon
L’ampleur et la diversité du mouvement ont dépendu de la forme que prenait la guerre elle-même et du discours gouvernemental sur la guerre. On peut distinguer quatre phases :

1 | avril 1965- novembre 1968 | escalade de la guerre : bombardements et troupes d’occupation | sous Johnson | croissance graduelle de l’opposition |
2 | novembre 1968- août 1970 | bombardements en augmentation mais lente réduction des occupants, « vietnamisation » | sous Nixon | explosion de l’opposition – « fossé de la crédibilité » |
3 | août 1970-janvier 1973 | tentative de tenir des enclaves au Vietnam, bombardements, négociations | sous Nixon | culmination et déclin graduel de l’opposition |
4 | janvier 1973-mai 1975 | Conséquences des accords de Paris | sous Nixon | unanimisme et démobilisation rapide |
I. Composantes sociales
Quand on analyse la composition d’un mouvement social, il faut distinguer les sympathisants occasionnels, les convaincus, les participants et les militants. Aucun groupe social ne s’est retrouvé à 100% dans le mouvement : même parmi les étudiants des universités d’élite, parmi les hippies, parmi les Afro-américains, un pourcentage non négligeable a toujours soutenu la guerre ou hésité à s’y opposer. Mais certains groupes sociaux ont été surreprésentés parmi les sympathisants, les manifestants ou les militants, avec des variations à la hausse ou à la baisse selon la période. Presque tous ont été très présents lorsque le mouvement culmina de 1969 à 1971. Chaque couche sociale était entraînée à la fois par le mouvement général de l’opinion publique attesté à travers les sondages, et par des groupes de militants politisés de son propre milieu. L’analyse qui suit est fondée davantage sur la présence dans les manifestations de membres du groupe social concerné et la participation d’organisations représentatives dans les réunions que sur les sondages d’opinion publique qui ne correspondent pas toujours aux groupes sociaux abordés ici.
Les premières bases sociales
Les quatre premiers groupes sociaux à produire des militants, des manifestants et des pétitionnaires en nombre significatif ont été : 1) les étudiants en lettres et en sciences humaines et sociales (Arts and Letters, Humanities), 2) les intellectuels, artistes et autres créateurs culturels, 3) des ministres des cultes protestant, juif et catholique, et 4) la jeunesse afro-américaine. Les petites organisations politiques d’extrême gauche, évidemment présentes les premières, ne sont pas incluses ici car elles ne constituaient pas un groupe social.
Dès avril 1965, en effet, ce sont des étudiants qui manifestèrent à Washington à l’appel de Students for a Democratic Society (SDS), des intellectuels qui signèrent les pétitions publiées dans le New York Times, des pasteurs, des rabbins et des prêtres qui organisèrent des veilles, et, quelques mois plus tard, suivant en cela les discours précurseurs de Malcolm X, l’organisation des étudiants noirs, le Comité de coordination non-violent des étudiants, SNCC [8] ou « snick », qui diffusa sa prise de position contre la guerre. Ces quatre groupes avaient en commun leur souci de réfléchir sur la société, l’humanité, le sens de la vie, les valeurs morales.
Il est tout à fait significatif que ce ne sont pas les étudiants des grandes universités d’Etat ou privées dominées par les fraternités étudiantes, préoccupés par leur carrière professionnelle, ni les facultés des sciences et techniques, mais les écoles où l’on enseignait les lettres, l’histoire, l’anthropologie, la psychologie, la philosophie qui ont fourni les premiers contingents de manifestants. Le fait que ces matières étaient enseignées plus largement dans des universités prestigieuses d’Etat (comme Berkeley, ou Michigan) ou privées (comme Harvard ou Columbia) expliquent, du point de vue de plusieurs témoins dont l’auteur de ces lignes, la forte participation d’étudiants de ces universités. Le terme « universités d’élite » est d’ailleurs à nuancer dans ce cas, car ces universités, anciennement réservées aux enfants des grandes familles anglo-saxonnes, s’étaient ouvertes dans les années quarante aux enfants issus de familles de professions libérales et d’enseignants, souvent juifs, et commençaient à adopter dans les années soixante une politique d’ouverture aux jeunes noirs. En 1965-1966, ce mélange du produit des ouvertures des années trente et soixante s’est avéré fort réceptif aux arguments des opposants à la guerre. Au sein de ces universités, les plus mobilisés n’étaient pas les étudiants issus de familles fortunées anciennes, mais les plus récemment arrivés dans ce milieu intellectuel.
La deuxième vague
Le mouvement s’est ensuite étendu, en 1966 et 1967, à partir de ces premières bases vers de plus en plus d’universités, cette fois-ci de tous statuts et de toutes disciplines, touchant également les étudiants et les professeurs. Ces grandes universités de dizaines de milliers d’étudiants comprenaient un fort pourcentage de jeunes des deux sexes issus des classes moyennes ou des milieux populaires. Il est à noter que le service militaire était condamné autant par les jeunes hommes que par les jeunes femmes. En fait, condamner publiquement le service militaire n’était pas le plus sûr moyen de ne pas être envoyé au Vietnam. La voie la plus sûre était celle qu’a suivie le jeune George W. Bush qui, tout en soutenant la guerre et le service militaire, a réussi à ne pas aller au Vietnam en se faisant affecter, sans doute grâce ses relations familiales, à une unité basée aux Etats-Unis. La désobéissance civile, l’objection de conscience ou l’absence sans autorisation (parfois qualifiée de désertion) étaient des voies beaucoup plus risquées.
Vers 1967, le mouvement s’est étendu massivement aux jeunes des lycées (high schools), dont seule une fraction était destinée à s’inscrire à l’université, où elle serait protégée par le sursis étudiant tant que celui-ci restait en vigueur, l’autre partie étant sujette plus vite à la conscription. [9] Des centaines de comités d’action contre la guerre du Vietnam furent formés dans les lycées par des jeunes hommes et des jeunes filles de 15, 16 ou 17 ans qui devenaient des militants du mouvement, participant aux réunions et aux manifestations. Une ou deux années plus tard, ces jeunes se retrouvaient soit à l’université, soit dans l’armée.
Les activités organisées par ces étudiants et lycéens, distributions de tract, concerts, teach-ins, piquets, manifestations, ont commencé à attirer des jeunes travailleurs. Le rapprochement était d’autant plus facile que toutes ces catégories de jeunes étaient unies par leur immersion dans la culture jeune (« youth culture »), caractérisée par l’écoute du rock, les cheveux longs, les habits hippie, la consommation de la marijuana, et plus généralement la méfiance face aux normes transmises par les adultes.

Parallèlement le mouvement s’était considérablement développé au sein de la population noire en suivant les mêmes chemins que dans la population blanche, des universités plus humanistes aux grandes universités et aux lycées, des lycées aux jeunes travailleurs et chômeurs, le chômage frappant la jeunesse noire quatre fois plus que la moyenne. Le refus retentissant du champion du monde de boxe poids lourd, Muhamad Ali (ou Cassius Clay) de combattre dans l’armée américaine suscitait l’admiration chez les jeunes. Chez les adultes noirs, sans doute sous l’influence des prises de position des organisations noires des droits civiques animées par des pasteurs, des enseignants, des syndicalistes, des avocats, l’opinion publique était nettement plus hostile à la guerre que dans les mêmes catégories de la population blanche. Ce basculement de l’opinion afro-américaine permit à Martin Luther King d’abandonner sa discrétion sur le sujet du Vietnam, et de rendre publique son opposition farouche à la guerre en avril 1967. [10] Les manifestations contre la guerre attirèrent dès lors beaucoup plus d’Afro-américains, soit dispersés dans la foule comme individus, soit regroupés dans des syndicats ou des comités d’action basés dans les quartiers noirs.
La troisième vague
A partir de 1968, avec la prise du pouvoir par Nixon et les Républicains, le mouvement s’est considérablement élargi.
La présence des femmes est devenue plus massive et visible, tant les étudiantes, les lycéennes, que les grand-mères, les syndiquées et les membres des professions libérales. Au début cette participation était aiguillonnée par deux organisations pacifistes, la Women’s International League for Peace and Freedom (WILPF), fondée lors de la Première Guerre mondiale, et Women Strike for Peace (WSP) auxquelles s’ajoutèrent à partir de 1968 de nombreux groupes féministes locaux et nationaux.
A l’instar de la mobilisation des Afro-américains, une grande partie de la population chicana s’engagea dans le mouvement, légitimée en cela par la prise de position du dirigeant du syndicat des travailleurs agricoles, César Chavez, qui avait lancé le populaire mouvement de boycott des laitues et raisins de Californie, et était devenu une véritable icône populaire. Le moment le plus fort de cette participation fut la grande manifestation des Chicanos contre la guerre, à Los Angeles, appelée Chicano Moratorium, le 29 août 1970, au cours de laquelle la police attaqua le cortège, provoquant la mort du journaliste Ruben Salazar.
Le groupe social dont le basculement contre la guerre fut le plus décisif est sans nul doute celui des soldats et des soldats récemment revenus de la guerre, les vétérans du Vietnam. [11] D’abord visible par l’action de dissidents isolés, l’opposition à la guerre au sein de l’armée prit de l’ampleur avec la circulation de pétitions, l’émergence de groupes d’étude, le port de symboles pacifistes sur le casque, la participation visible à des réunions et manifestations contre la guerre. Elle s’accompagna de formes d’aliénation moins politisées telles que la consommation de drogues, l’absentéisme, la remise en cause des ordres des officiers. Dès 1968, des experts de l’armée américaine estimaient que cette désaffection politique et culturelle paralysait la capacité d’action militaire des Etats-Unis au Vietnam. La décision de Nixon de retirer graduellement les troupes au sol et d’intensifier les bombardements aériens s’explique en grande partie par l’ampleur de ce mouvement, lui-même conséquence du mouvement anti-guerre chez les civils.

Enfin, à partir de 1969, des ouvriers syndiqués ont participé en grand nombre aux manifestations. Les premiers syndicats à prendre position dans ce sens étaient des syndicats marqués par une tradition de gauche ou progressiste, les « Hospital Workers », « Electrical Workers », les employés municipaux (AFSCME et SEIU) et les travailleurs de l’automobile (UAW). A partir du Moratorium contre la guerre du Vietnam le 15 octobre 1969, cette position se généralisa. Les syndicats qui soutenaient activement la guerre – comme celui, très médiatisé, des ouvriers du bâtiment de New York – étaient marqués au contraire par une tradition clientéliste et anti-communiste, et se retrouvèrent de plus en plus isolés au sein de la confédération AFL-CIO. L’appel au Vietnam Moratorium du 15 octobre 1969 demandait à toute la population de suspendre ses activités quotidiennes pendant cette journée, car, expliquait-il, « la guerre les rendait malade » (« sick of the war »). On observa pour la première fois de nombreux arrêts de travail de syndiqués contre la guerre à cette occasion.
Etudiants, lycéens, jeunes, noirs, chicanos, femmes, soldats, ouvriers syndiqués, cet élargissement du mouvement contre la guerre n’aurait pas été aussi réussi et rapide sans l’intervention de groupes politisés qui structuraient le mouvement anti-guerre organisé. C’est à ces courants politiques qu’est consacrée la dernière partie de cet article.
II Groupes politiques
D’après l’historien Melvin Small, le mouvement anti-guerre était composé de 17 000 organisations : locales, régionales, nationales, sociales, religieuses, syndicales, ethniques. [12] Celles qui nous intéressent ici sont les organisations politiques plus ou moins structurées autour de revues ou de partis. J’ai distingué cinq groupements composés chacun d’éléments divers mais partageant une vision du monde et de la politique :
– le pacifisme philosophico-religieux
– la nouvelle gauche et le tiers-mondisme
– la vieille gauche dépassée par les événements
– la vieille gauche revivifiée par les événements
– les « colombes, » au sens étroit du terme, à savoir trois nuances du courant « libéral ; » pris au sens américain du terme. [13]
Voyons d’abord les Pacifistes philosophico-religieux.
Le fondement de leur opposition repose sur trois arguments qui vont se généraliser à l’ensemble du mouvement :
– une guerre injuste par laquelle des puissants imposent leur loi à des faibles ;
– une guerre immorale, inséparable de l’utilisation d’armes barbares, de la torture, des atrocités contre les civils, voire des crimes contre l’humanité comme le massacre de My Laï en 1968 ;
– une guerre illégale, puisqu’elle n’a jamais fait l’objet d’un vote du Congrès des Etats- Unis.
La participation des pacifistes protestants en tant que protestants s’articulait autour de l’American Friends Service Committee (AFSC), organe très actif des Quakers, et de la Fellowship of Reconciliation qui rassemblait presque toutes les dénominations protestantes ; celle des juifs autour de personnalités comme le rabbin Abraham JoshuaHeschel, [14] celles des catholiques autour de la revue Catholic Worker, assez minoritaire, et des frères jésuites Daniel et Philip Berrigan.
Les organisations non-confessionnelles fondées sur une philosophie pacifiste comprenaient la War Resisters’ League avec des responsables en vue comme A. J. Muste et Dave Dellinger, le Committee for Non-Violent Action (CNVA), le SANE : Committee for a Sane Nuclear Policy, la Student Peace Union. La personnalité la plus connue de ce courant situé entre le pacifisme intégral, le socialisme et l’anarchie est la chanteuse Joan Baez.
La deuxième composante est celle de la nouvelle gauche et du tiers-mondisme.
Pour la nouvelle gauche, incarnée entre 1965 et 1968, par l’organisation SDS, Students for a Democratic Society, puis, après l’implosion de celle-ci en 1968, par une constellation d’organisations, la guerre était un reflet d’un « système » fondé sur le racisme et l’oppression d’une vaste majorité de la population, qu’elle qualifiait un peu plus tard ouvertement de « système capitaliste. » [15] Elle rejetait les doctrines trop précises de l’ancienne gauche qu’elle accusait d’avoir fait faillite. La nouvelle gauche recouvrait en partie un courant tiers-mondiste de solidarité avec les peuples de couleur d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie, qu’il considérait comme opprimés par la puissance impérialiste américaine.
Cette idéologie nouvelle gauche et tiers-mondiste, plus nette à la SDS, irriguait aussi la pensée des grandes organisations noires comme le CORE, SNCC, et le Black Panther Party.
La vieille gauche dépassée
Deux courants de la vieille gauche ont été présents mais de plus en plus incapables de se retrouver dans le mouvement anti-guerre et en perte de vitesse : les maoïstes descendants de courants staliniens des années 1930, et les sociaux-démocrates de gauche.
– Les maoïstes, très actifs en 1965, à la naissance du mouvement, à travers le May 2nd Movement, se sont retrouvés de plus en plus extérieurs au mouvement, car tournés de façon dogmatique vers les couches les plus déshéritées, les révolutions dans le tiers-monde, la pureté révolutionnaire et gênés par les soubresauts de la « révolution culturelle » en Chine et le rapprochement entre le président Mao et le président Nixon.
– Quant aux sociaux-démocrates de gauche (rassemblés un temps dans le Democratic Socialist Organizing Committee puis le Democratic Socialists of America), leur point fort avait été leur identification avec le puissant mouvement social-démocrate en Europe, notamment en Grande- Bretagne, et avec le courant majoritaire de la confédération syndicale américaine, l’AFL-CIO. Or les travaillistes au pouvoir en Angleterre sous Harold Wilson et l’AFL-CIO aux Etats-Unis, soutenaient activement la guerre et combattaient durement ses opposants, et l’Organisation des Nations Unies avait soigneusement évité de se prononcer sur le conflit. D’où une position en porte-à-faux et une série de scissions chez les sociaux démocrates de gauche aux Etats-Unis.

La vieille gauche revivifiée
Par contre, une autre partie de ce qu’on appelait la vieille gauche, c’est-à-dire de la gauche présente dans les années 1930 aux Etats-Unis, a structuré le mouvement anti-guerre et connu un vaste courant d’adhésion ; il s’agit principalement du Parti communiste et du Parti socialiste ouvrier ou SWP, trotskyste. Plusieurs auteurs, comme Melvin Small ou Todd Gitlin, traitent ces organisations de groupusculaires et de profiteurs marginaux d’un mouvement dont ces auteurs auraient souhaité qu’il soit ouvertement « libéral » ou plus strictement culturel. Une étude détaillée montre que loin de parasiter ce mouvement, ces organisations l’ont structuré dans ses périodes de faiblesse, élargi et dirigé vers des coalitions avec d’autres forces de 1965 à 1975, et ont grandement facilité sa croissance au- delà des milieux où il est né. Ces deux organisations politiques ont longtemps collaboré, non sans tensions, au sein du National Mobilization Committee ou Mobe ou de son équivalent jeune le Student Mobilization Committee (connu par ses initiales SMC). Ils ont ensuite structuré des coalitions rivales, pour le Parti communiste, la People’s Coalition for Peace and Justice (PCPJ), et pour le SWP, la National Peace Action (ou NPAC) Coalition, qui ont néanmoins trouvé des terrains d’entente. Le rassemblement de personnalités très diverses, allant de Bertrand Russell à Jean-Paul Sartre, dans le Tribunal international sur les crimes de guerre américains au Vietnam doit sans doute être placé dans cette stratégie de front uni et d’élargissement du mouvement. [16]
Les « colombes » : trois nuances de « libéraux »
Enfin, un dernier courant a été présent par intermittence dans les structures du mouvement contre la guerre bien que ses sympathisants aient constitué la majorité des manifestants : celui des « libéraux » au sens américain. En effet, les dirigeants « libéraux » ont toujours préféré l’arène électorale et l’écriture de lettres aux membres du Congrès que la rue. En 1965, la grande majorité des « libéraux » soutenaient le Président Johnson et la guerre du Vietnam, d’où la chanson ironique de Phil Ochs en 1966, « Love me, I’m a Liberal. » [17] Il faut donc distinguer plusieurs nuances de « libéraux » qui sont entrés dans le mouvement à différents tournants de la guerre.
Un premier courant « libéral, » minoritaire, est celui des « libéraux » qui condamnaient la puissance américaine dans le monde et souhaitaient une Amérique capitaliste mais pacifique, dans le prolongement de la politique de Roosevelt en 1945, incarnée par la création des Nations Unies et du Fonds monétaire international et la résurrection de l’Organisation internationale du travail, puis du refus de la Guerre froide défendu par l’ancien vice-président Henry Wallace en 1948. On peut rattacher à ce courant la revue The Nation, le Sénateur de l’Oregon Wayne Morse, le médiatique Docteur Benjamin Spock qui avait servi de guide aux mamans américaines pendant les années cinquante, l’organisation religieuse Clergy and Laity Concerned about Vietnam.

Un deuxième courant « libéral, » également minoritaire, militait lui en faveur de la puissance américaine dans le monde mais pour une approche qui combinerait la force militaire américaine, réduite au second rang, avec l’usage de sa force politique, sociale, culturelle et diplomatique. Le plus connu de ces libéraux était l’historien Bernard Fall, auteur des premières études sérieuses sur le Vietnam. Cette position a été également le point de départ de la réflexion de l’analyste Daniel Ellsberg, auteur des célèbres Pentagon Papers. [18] Ce courant s’est retrouvé assez tôt dans l’opposition à l’escalade militaire engagée par le Président Johnson en avril 1965.
Enfin, un troisième courant « libéral » a rejoint le mouvement anti-guerre vers 1968, après le retrait de Lyndon Jonson de la course à la présidence, et encore plus nettement après l’éviction des Démocrates du pouvoir. Ce courant était favorable à la puissance américaine dans le monde, à l’intervention militaire massive au Vietnam de 1965 (ordonnée par un Président démocrate), mais s’était rendu à l’évidence vers 1968 que cette intervention militaire n’avait plus aucun espoir de vaincre l’insurrection vietnamienne et qu’il fallait y mettre fin au plus vite en sauvant les meubles. Plusieurs éditorialistes en vue du New York Times et d’autres quotidiens « libéraux » ont abouti à cette conclusion après 1968.
De nombreux politologues institutionnels inspirés par le néo-conservatisme concentrent leur analyse vengeresse sur ce courant mené par des sénateurs démocrates, car ils considèrent le mouvement de masse comme quantité négligeable, dogmatiste, utopiste, contre-productif et ne méritant pas de réponse argumentée sérieuse. Leurs arguments incriminent donc surtout le courant des « colombes, » à qui ils reprochent son manque de ténacité et de vision politique, notamment son incapacité de prévoir les divisions entre la Chine et le Vietnam, le Vietnam et le Cambodge, le phénomène Khmer rouge, les difficultés du bloc soviétique et sa chute en 1989. [19]
Les débats au sein du mouvement
La présence au sein du mouvement de ces perspectives diverses a naturellement entraîné des débats vifs et assez sophistiqués sur les revendications et les tactiques qui devaient être mises en avant.
Un premier grand débat s’interrogeait sur l’exigence que le mouvement devait adresser au gouvernement de Washington : négociations avec le Vietnam du Nord et/ou le Front de libération nationale du Sud-Vietnam, ou cessez-le-feu et retrait immédiat et inconditionnel des troupes américaines. Les courants plus modérés proposaient soit l’acceptation de négociations avec Hanoi, dans le cadre d’une nouvelle conférence de Genève, soit un appel imprécis à « la paix. » Le mouvement s’est radicalisé, notamment après l’offensive du Têt et la publication du livre de Howard Zinn, The Logic of Withdrawal. [20] Le désir de faire appel au sentiment de compassion à l’égard des soldats américains, qui resteraient au Vietnam en cas de négociations, et l’attachement au principe d’auto-détermination des peuples, ont conduit de nombreux militants à préférer le mot d’ordre de « Ramenez nos garçons chez eux maintenant » (Bring our boys home now), souvent résumé à « Dehors maintenant » (Out now !) et accolé à « Peace Now. »
Un deuxième débat tournait autour des relations du mouvement avec les partis politiques, en tout premier lieu le Parti démocrate. En 1965 les choses étaient assez simples puisque c’est le Président démocrate et le Congrès dominé par les Démocrates qui avaient lancé la guerre du Vietnam. Après que le Président Johnson eut renoncé à se représenter aux élections présidentielles de 1968, son parti s’est divisé entre les partisans de la poursuite de la guerre (Hubert Humphrey) et ceux qui souhaitaient un rapprochement plus ou moins marqué avec le mouvement anti-guerre (Eugene McCarthy, Robert Kennedy, George McGovern). Quelques personnalités du Parti républicain se sont également prononcées pour des négociations. Enfin, des personnalités issues des mouvements sociaux ont manifesté le désir de lancer des candidatures indépendantes (Benjamin Spock, Jesse Jackson). Une fois Richard Nixon élu en novembre 1968, certains Démocrates ont fait connaître plus volontiers leurs réticences face à telle ou telle opération militaire au Vietnam. Ces évolutions ont conduit les comités et coalitions contre la guerre à s’interroger sur leur attitude. La position dominante appelait à soutenir les candidats qui se rapprochaient le plus de la perspective de négociations internationales, mais il fallait souvent choisir entre plusieurs candidats qui répondaient à ce critère ; c’est ainsi qu’à chaque période électorale, les comités de mobilisation tendaient à se vider de leurs militants, ceux-ci étant attirés par l’appel aux volontaires des candidats démocrates ou indépendants. Néanmoins, une forte minorité restait attachée à l’action de masse dans la rue, notamment la « marche, » témoignage visible et moyen de pression incontournable, et relançait le mouvement aussitôt les élections passées. [21] D’autres encore rejetaient toute forme de soutien aux partis politiques de « l’établissement » et proposaient que les coalitions s’abstiennent de toute initiative « partisane » (c’est-à-dire liée à un parti politique, les référendums sur la guerre étant considérés comme non partisans et consensuels), et laissaient leurs membres libres de soutenir le candidat de leur choix.
Enfin, un troisième grand débat portait sur les moyens d’obtenir l’attention des médias et, à travers eux, le soutien de la population. En effet, jusqu’en 1969, et parfois au- delà, les quotidiens, hebdomadaires, radios et chaînes télévisées maintenaient une chape de plomb sur les activités du mouvement anti-guerre, sauf à l’occasion des très grandes mobilisations, et encore, le plus souvent, pour mettre en exergue les quelques bousculades qui avaient pu se produire. Le scandale de Watergate a révélé les moyens considérables consacrés par les Présidents Johnson, et surtout Nixon, à la gestion de l’opinion publique (notamment l’opération COINTELPRO). [22] A la recherche des moyens de briser cette censure et cette déformation, le mouvement a débattu de façon répétée de ses méthodes de communication : actions de masse ou démarchage individuel (« grass roots organizing »), grande mobilisation centrale ou petits piquets et veilles (« vigils ») dans les quartiers, marche non-violente ou cocktail d’actions de désobéissance civile, pouvant inclure des violences spectaculaires contre des symboles, mais pas contre des cibles humaines. En rétrospective, ce mouvement de millions de personnes s’est prononcé très majoritairement par le choix de tactiques légalistes et pacifiques, avec une petite minorité encline à l’action non-violente de désobéissance civile à la manière de Martin Luther King ou Gandhi. Sur les milliers d’actions du mouvement, les épisodes de coups et d’effusion de sang initiés par ses participants ont été négligeables. La source quasi unique des coups, des blessures et des victimes a été la violence policière ou d’autres organes des autorités étatiques (comme la Garde nationale) et, dans quelques rares cas, les agressions de contre-manifestants. Cette observation est tellement évidente qu’elle structure l’action du gouvernement, qui cherche à intimider les manifestants par la menace de bousculades et de coups, et donc à assurer la plus grande diffusion possible aux photos d’échauffourées. De l’autre côté, les réunions du mouvement passent des heures et des heures à discuter des moyens de faire bonne figure, d’obtenir une bonne couverture médiatique, de rassurer les sympathisants potentiels.
Ainsi ce mouvement a été le lieu de discussions politiques sophistiquées sur les moyens de l’action en faveur du changement social et politique dans le cadre d’une société en apparence démocratique et ouverte, mais dont la représentation parlementaire était gangrenée par l’argent, le poids du lobby militaire et un système de médias (presse, radio, télévision) peu formé à l’indépendance et à la critique de la politique étrangère.
Conclusion
On peut souligner pour conclure que ce mouvement politique a obtenu plusieurs importantes victoires politiques :
– le retrait des forces américaines du Vietnam,
– l’abolition du service militaire,
– la loi sur la liberté de l’information,
– l’installation durable, au moins jusqu’en 1990, d’une opposition massive à toute intervention militaire américaine dans le Tiers-monde connue sous le nom de « syndrome du Vietnam. »
Par ailleurs, ce mouvement a eu de nombreux effets de contagion aux Etats-Unis et au- delà : lui-même inspiré par le mouvement pour les droits civiques des Noirs, il a, à son tour, servi de modèle pour le mouvement des femmes, les mouvements pour l’action affirmative en faveur des Noirs et des Chicanos, le mouvement gay, et le mouvement écologiste. En dehors des Etats- Unis, il a servi d’inspiration au mouvement pour les droits civiques en Irlande du nord, et pour les nombreux mouvements étudiants et jeunes de la fin des années 1960 (Mexique, Australie, France).
Il s’est donc agi d’un mouvement politique aux conséquences immenses profondément enraciné dans toutes les couches de la société américaine, interprétation qui justifie, peut-être pas littéralement mais sur le fond, le sous-titre du livre de Maurice Isserman et Michael Kazin, La Guerre civile des années 60, et plus certainement son titre « L’Amérique divisée. » [23]
John Barzman, Université du Havre (CIRTAI UMR IDEES 6228)
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Documents
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