Le gouvernement et le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll sont satisfaits de l’accord de principe conclu le 23 octobre concernant la future politique agricole européenne commune (PAC) qui entrera en vigueur en 2015 et assurent qu’elle sera plus juste et plus verte...
Pourtant, la PAC va continuer à favoriser les grands exploitants et les agro-industriels sans modifier un système qui favorise l’agrandissement des exploitations, qui fait disparaître les plus petites, qui rentabilise à outrance l’activité céréalière. Un système où un producteur de lait touche deux fois plus d’aides s’il nourrit ses vaches avec du maïs plutôt qu’avec de l’herbe ! Le résultat de cette politique est catastrophique en matière d’emploi paysan et de conditions de travail.
Plus verte ?
Dans les faits, ce sont encore les grosses exploitations, déjà les mieux dotées, qui en profiteront le plus, quels que soient leurs efforts environnementaux, puisque le verdissement ne sera pas forfaitaire, à l’hectare, mais sera basé sur les aides perçues dans les années 2000-2002 quand 80 % de ces aides allaient à 20 % des agriculteurs...
Aucun frein à la production d’agro-carburants qui utilisent les terres agricoles pour produire de l’essence plutôt que de la nourriture. Rien pour limiter drastiquement les intrants chimiques qui contaminent les sols et l’eau, empoisonnent les travailleurs de la terre et les consommateurs. Rien sur la préservation de la biodiversité. Rien sur l’interdiction de nourrir les bêtes au soja transgénique. Alors que seul l’agriculture bio devrait être le modèle à promouvoir et à subventionner.
Plus juste ?
La convergence des aides, c’est-à-dire le fait que tous les agriculteurs touchent les mêmes montants par hectare, a été dénaturée. Elle sera limitée à 70 % de la différence avec la moyenne nationale, et ce pas avant 2019. De plus, les aides des plus nantis ne pourront pas baisser de plus de 20 %, alors que le gouvernement aurait pu aller jusqu’à 30 %. Quant à l’aide censée favoriser les petites exploitations (moins de 52 ha), c’est en réalité une surprime pour les 52 premiers hectares que toucheront toutes les exploitations. Ainsi une exploitation de 100 ha verra ses primes augmenter ! Rien de significatif en matière d’aide aux petites fermes qui sont les plus créatrices d’emplois ou à celles qui préservent le mieux l’environnement.
Pour maintenir des fermes nombreuses, et donc lutter contre la désertification des zones rurales, ainsi qu’une activité agricole diversifiée sur les territoires, la PAC doit privilégier des primes plus justes et dégressives, corrigeant les inégalités, abandonner les aides découplées des productions, basées sur le passé, et couvrir toute la surface agricole utile. La politique agricole doit maintenir des aides significatives couplées aux productions soumises à des contraintes naturelles, aux productions fragilisées : lait, ovins, bovins viandes, fruits et légumes. Des « primes au maintien de troupeaux de ruminants » doivent être créées au nom de l’intérêt environnemental et économique de productions valorisant le pâturage.
Assez de double langage !
Dans le domaine agricole comme ailleurs, le gouvernement Hollande pratique le double langage et se couche devant les exigences de la FNSEA et de l’industrie agroalimentaire. Pendant que Le Foll prétend défendre une agriculture plus humaine à Bruxelles, que Martin, à l’environnement, promet de s’attaquer à la pollution aux nitrates, Ayrault, lui, simplifie les règles d’élevage de porcs de 400 à 2 000 têtes et s’obstine avec l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Au nom de la libre entreprise, le gouvernement laisse un patron du BTP implanter en Picardie une usine à vaches qui pourra accueillir 1 700 bovins confinés et gavés d’antibiotiques.
Alors que l’échec du système actuel est flagrant en Bretagne, on continue avec le toujours plus grand, toujours plus polluant. L’agriculture est une activité vitale qui ne peut être abandonnée aux mains des profiteurs capitalistes. Les paysans qui nourrissent les populations et entretiennent les espaces sont les premiers à souffrir de l’agriculture intensive qui dévaste l’humanité. Le taux de suicide élevé et l’augmentation des maladies professionnelles témoignent du préoccupant malaise qui règne dans le monde agricole. En agriculture comme ailleurs, les capitalistes ne peuvent avoir la liberté de décider. Il ne faut pas la leur laisser, ils sont trop dangereux !
CorrespondantEs commission nationale écologie