Depuis son intervention militaire en Centrafrique, le gouvernement français est confronté à une aggravation de la situation militaire et une absence de solution politique crédible. Le risque de l’enlisement augmente chaque jour. La situation sécuritaire en Centrafrique apparaît beaucoup plus compliquée que celle présentée par la presse et le gouvernement lui-même qui consistait en un simple désarmement de la Seleka. En fait cette dernière, qui n’était déjà pas une organisation structurée lorsqu’elle a pris le pouvoir, s’est complètement émiettée et devient autant de sources de dangers.
« Terrain miné »
Ces miliciens agissent par petits groupes armés, en dehors de tout contrôle, et ils sont maintenant rejoints par des membres de la communauté musulmane qui ont subi des exactions des milices d’autodéfense anti-Balaka, milice composée de chrétiens encadrés, dans certains cas, par les anciens partisans du président déchu, François Bozizé.
Ainsi les opérations de DDR (Désarmement, démobilisation et regroupement), pour reprendre le jargon onusien, deviennent une source supplémentaire de conflits où, une fois désarmées, les personnes et leurs familles risquent de subir les représailles de l’autre partie de la population.
Les nouvelles provenant de Bangui, la capitale du pays, sur les atrocités subies par chaque communauté, pourraient aussi aviver les conflits et le désir de vengeance dans le reste du pays. Autre risque, celui d’un départ de la capitale d’une partie des membres de la Seleka pour rejoindre le nord de la Centrafrique en occasionnant sur leur retour désolation et mort.
Vide politique
Les difficultés sont aussi importantes au niveau politique. En effet, le gouvernement français est dans une situation qui ressemble fort à une impasse. Il est clair, et Hollande le réaffirmait publiquement, que Djotodia – le président de la transition arrivé au pouvoir par la Seleka – n’est ni l’homme de la situation ni l’homme de la réconciliation. Non seulement il a été incapable de tenir ses troupes, mais en plus, il profite de son pouvoir pour s’enrichir et attise le conflit en prenant parti systématiquement pour les musulmans, en mettant l’essentiel de la violence sur le compte des milices anti-Balaka.
Le Premier ministre, Nicolas Tiangaye, qui est lui issu de l’opposition politique civile, reste totalement impuissant.
La difficulté porte sur le fait que le dispositif politique actuel a été entériné par les accords de Libreville, avec les principaux chefs d’états africains de la région, notamment le président congolais Sassou-Nguesso, et celui du Tchad Idriss Deby. La France n’a pas été mandatée par l’ONU pour présenter une autre solution politique, mais déjà Hollande parle de raccourcir la période de transition en annonçant des « élections au plus vite », initialement prévues pour février 2015.
Derrière l’humanitaire, l’impérialisme
L’opération Sangaris, comme les autres opérations militaires qui se présentent comme humanitaires pour l’Afrique, est partie intégrante de la politique impérialiste de la France.
Si la France ne cesse d’intervenir en Afrique francophone, c’est aussi parce qu’elle a mené une politique vis-à-vis de ces pays qui est catastrophique. La mise en place par la France, avec l’aide du Tchad, de Bozizé en 2003 en est une énième démonstration. Que peut-on attendre d’un général de l’armée de Bokassa, responsable de la terrible répression contre les manifestations lycéennes qui a fait plusieurs dizaines de morts, si ce n’est la mise en place d’une dictature qui s’accompagne, tous les cinq ans, d’une mascarade électorale que la France, mais aussi les États-Unis, s’empresse de valider.
Le pédigrée de François Bozizé est connu de tous. Auteur de plusieurs tentatives de coups d’Etat, son pouvoir s’est caractérisé par l’enrichissement de son clan par la prédation des richesses de la Centrafrique et une politique de haine et de division ethnique. Il ne diffère pas en cela des autres présidents du Tchad, du Congo, de Djibouti et du Cameroun, etc., qui bénéficient de la même mansuétude des différents gouvernements français, qu’ils soient de droite ou de gauche, jusqu’à ce qu’un de ces pays s’enfonce dans des crises violentes et des désastres humanitaires.
En finir avec ce cercle vicieux impose une mobilisation des forces progressistes et une dénonciation de tous les instants de la politique française en Afrique.
Paul Martial