Les deux troupes armées présentes en Centrafrique sont la Misca, qui vient de passer sous le contrôle de l’Onu, et qui rassemble des soldats de plusieurs pays de l’Afrique centrale avec une prédominance de soldats tchadiens, et l’armée française, composée de 1 600 hommes. Elles sont toutes deux prises à partie par les populations qui leur reprochent leur manque d’impartialité.
De fortes tensions sont perceptibles à l’intérieur de la Misca où les troupes de N’Djamena sont considérées comme partisanes dans le conflit, en prenant systématiquement parti pour les Tchadiens, et plus généralement pour les musulmans présents dans le pays. Ils sont assimilés par le reste de la population à des combattants ou du moins à des soutiens de la Seleka, l’organisation qui a pris le pouvoir en déposant François Bozizé. Cette organisation s’est rendue coupable de nombreuses exactions contre les populations. Il y a quelques jours, les soldats tchadiens de la Misca ont ouvert le feu sur leurs collègues burundais pour libérer des membres de la Seleka qu’ils détenaient. Pour éviter de nouveaux incidents, la décision a été prise d’envoyer les soldats tchadiens dans le nord du pays.
Quant aux troupes françaises, elles rencontrent les mêmes difficultés. En effet, elles sont considérées par la partie musulmane comme des partisans des milices anti-Balaka, dont certaines veulent le retour de l’ancien dictateur François Bozizé. Des manifestations ont eu lieu contre la présence des troupes françaises en Centrafrique aux cris de « Français dehors, Hollande assassin » !
L’intervention militaire française, mais aussi tchadienne, ne fait qu’approfondir la division des populations en Centrafrique. Qu’on le veuille ou non, la France mais aussi le Tchad, ne peuvent prétendre à une impartialité dans le conflit, puisque ces deux pays ont systématiquement interféré dans le cours de l’histoire de la Centrafrique, en imposant à la population, d’un commun accord, leurs hommes qui se sont tous révélés des dictateurs de la pire espèce.
La France fait bien partie du problème
Ces vagues de violence mettent en exergue le fait que la réconciliation des populations est impossible en l’absence d’une solution politique unanimement acceptée. Et comme au Mali, une telle situation ne peut que déboucher sur un enlisement de l’armée française.
La politique de soutien aux dictatures en Centrafrique par la France a eu comme conséquence une quasi-inexistence de l’État, vu comme une simple source d’enrichissement pour le clan au pouvoir. Dans la plupart des cas, les manifestations de son existence résidaient dans la violence arbitraire. C’est ainsi que le tissu social s’est progressivement délité, favorisant le repli identitaire sur sa communauté vu comme seul moyen de survie.
Hollande peut tenter d’habiller ses aventures militaires en Afrique d’une parure humanitaire, il se situe bien dans la continuité de son prédécesseur. À tel point qu’il en a gardé le principal artisan, Benoît Puga. Ex de la légion étrangère, ce général aura été de toutes les aventures néocoloniales de la France, en participant aux interventions à Kolwezi, au Gabon, à Djibouti, au Tchad et au Congo. Il connaît bien la Centrafrique pour y être intervenu en 1983 et en 1996. Père de onze enfants, catholique intégriste, chef d’état-major particulier du président Sarkozy… Avec un tel profil, Hollande ne pouvait que… le reconduire dans ses fonctions !
Plus que jamais, la mobilisation pour exiger la fin du soutien de Paris à tous les tyrans du pré-carré africain, est le meilleur service que l’on puisse rendre aux populations du continent.
Paul Martial