Cela fait deux heures et demie que responsables communistes et mélenchonistes échangent à huis clos dans un restaurant du parc des Buttes-Chaumont, vendredi matin à Paris. Jean-Luc Mélenchon descend les escaliers en trombe, fend la troupe de photographes qui attendent de le cueillir en bas puis éconduit micros et caméras rameutés pour mieux dramatiser l’enjeu de la réunion… Mais le patron du Parti de gauche (PG) ne pipe mot. « Je ne les abandonne pas ! Les autres vont parler ! » lance-t-il. Son équipe explique qu’un « déjeuner » avec un « éminent socialiste » l’oblige à sécher la fin de la rencontre. Mélenchon se tient surtout à son principe : pas de « photo commune » entre lui et le patron du PCF, Pierre Laurent. Il ne veut pas « brouiller » son message et « participer à la confusion ». Mais quelle faute le chef des communistes a-t-il commis pour être ainsi traité ? S’être engagé depuis cet été dans des discussions puis un accord PCF-PS de premier tour à Paris aux municipales.
Séparés. Trente minutes plus tard, les délégations se présentent séparées. Laurent évoque un « climat serein ». Au PG, Eric Coquerel insiste sur une « vraie discussion politique ». A deux mois des municipales et quatre des européennes, les deux hommes parlent toujours de « crise » pour qualifier l’état de la gauche radicale.
Pour la réconciliation et de nouvelles embrassades, on attendra. Pour un accord entre les deux principales forces du Front de gauche aussi. Car si les communistes ont pu rassurer Mélenchon sur « l’indépendance » du PCF envers le PS aux régionales et départementales de 2015, s’ils se sont dits ouverts pour porter un message de « désobéissance » aux européennes, ça « coince » sur une affaire de… logo. « Ce n’est pas seulement la question de l’image, défend Coquerel, nous ne voulons pas donner notre démarche, notre stratégie, au principal parti de la majorité gouvernementale à un moment où il fait la politique la plus droitière que n’ait jamais faite un Parti socialiste. »
Mais à Paris, le PCF, dans son alliance avec le PS, ne veut pas « lâcher » ce logo. Mélenchon et ses camarades ont fait une nouvelle proposition : d’accord pour utiliser le sigle sur du matériel PCF, mais pas sur celui « officiel » d’Anne Hidalgo et du PS. « On a vraiment l’impression d’avoir fait tous les efforts pour que ça aboutisse », assure François Delapierre (PG).
Le PG fait de cette question du logo un préalable. « Si on ne trouve pas une solution sur la question des municipales, prévient Coquerel, il sera difficile d’envisager la suite. »
Listes. Par exemple les européennes. Les communistes veulent entrer en campagne « sans tarder ». Le PG bloque. « Il n’y a pas de drame, rétorque Delapierre. Les gens ne se posent pas la question de cette élection ». Si un texte commun sur l’Europe est en cours de rédaction, la constitution des listes - déjà bouclées au PS et chez les écologistes - est au point mort. Seule nouveauté vendredi : PCF et PG sont tombés d’accord sur une répartition des têtes de liste. Trois chacun et une pour Ensemble, troisième force du Front de gauche. Le sujet n’a jamais été abordé en réunion hebdomadaire du Front de gauche… « Ils vont s’entendre sur notre dos », craignait un de leurs responsables il y a quelques jours. Autre difficulté : le PCF reste réticent sur l’expression « opposition de gauche » utilisée désormais par Mélenchon. Soucieux d’attirer les déçus de Hollande et ne pas « se confiner dans une petite gauche », on préfère au PCF parler d’« opposition à la politique gouvernementale ». Dur de redémarrer après un si long arrêt.
Lilian ALEMAGNA