Après celle, victorieuse, du personnel de Swissport en 2010 et celle, durée plus de 180 jours, chez ISS il y a trois ans, la grève d’une partie du personnel de Gate Gourmet, entamée le 14 septembre, remet l’aéroport international de Genève, l’AIG, sous les feux de la rampe. Et pour cause !
Aujourd’hui, Cointrin fait figure de pièce maîtresse d’un projet de développement économique, celui souhaité par les banquiers, financiers et industriels de tout l’arc lémanique et au- delà.
Que ce soit en termes de gestion de fortunes off shore, de capacité de séduire les compagnies de négoce -c’est en Suisse qu’on négocie plus d’un cinquième des matières premières vendues et achetées dans le monde-, ou encore pour que les entreprises de biotech qui se développent autour de l’EPFL puissent avoir accès aux marchés internationaux, pour les élites en Suisse romande, le développement de l’aéroport est incontournable.
Il s’agit en premier lieu d’attirer des compagnies d’aviation -celles qui « montent » à l’exemple de Turkish Airlines- qui assurent des liaisons directes, sans devoir passer par les grands hubs, avec des pôles économiques en Europe et au Moyen Orient, mais aussi en Amérique du Nord.
L’augmentation du volume de passagers – 14 millions en 2013, un record – est la résultante première de cette stratégie. Sa poursuite ne pourra se traduire que par une augmentation des vols et un accroissement notable des nuisances, autant sonores – pour la population de la deuxième ville du canton, Vernier – qu’atmosphériques.
Parallèlement, c’est l’agrandissement des pistes que les patrons et les banquiers réclament, ce qui ne ferait qu’accentuer les nuisances tout en bétonnant des espaces verts. C’est pour cette raison que les médias se sont empressés de frapper du sceau du crime de lèse patrie toute tentative d’organiser l’opposition à l’extension de la piste.
Et pour être vraiment sûr des avantages concurrentiels de l’AIG, c’est une course à la baisse des conditions de travail qui est engagée à travers la multiplication des dénonciations des conventions collectives de travail dans les nombreuses entreprises opérant à Cointrin.
Après Gate Gourmet qui avait licencié tout son personnel pour le réengager à des conditions salariales et sociales inférieures, c’est désormais SR-Technics qui vient de dénoncer la CCT pour fin juin alors que des rumeurs de mesures analogues chez Swissport commencent à circuler.
C’est clairement au mépris de l’environnement et sur le dos des populations riveraines de l’aéroport et des milliers de personnes qui y travaillent que le « miracle économique de l’arc lémanique » se fait déjà et veut se poursuivre.
Ainsi, batailles pour l’environnement, luttes contre les nuisances et pour le cadre de vie et défense des conditions de travail sont des facettes, complémentaires, du même combat.
C’est dans ce combat que peut prendre corps, sur le terrain, une perspective écosocialiste.
Paolo Gilardi