Les gisements d’hydrocarbures proviennent de l’accumulation de matière organique, surtout végétale, transformée par des bactéries et la chaleur. Enfoncée dans la croûte terrestre, cette biomasse a donné du charbon, du gaz, du pétrole, des sables bitumineux…
Les hydrocarbures liquides ou gazeux dits conventionnels, les premiers exploités, piégés dans de vastes réservoirs, sont assez faciles à extraire par forage vertical et pompage. Les gaz et huiles de schiste, emprisonnés au sein même de la roche-mère, ne peuvent être extraits par simple forage. Quant au mal nommé gaz de houille vanté par Montebourg, il s’agit en fait de grisou emprisonné dans des filons de charbon non exploités et dont l’extraction, pour être rentable, doit elle aussi faire appel à la fracturation hydraulique.
La fracturation est dite hydraulique car elle nécessite un liquide, de l’eau ou d’autres fluides à l’essai, comme le propane, afin de fracturer la roche pour atteindre les hydrocarbures piégés :
• Un puits vertical de 2 à 5 km de profondeur est foré jusqu’à la roche schisteuse, et plusieurs puits horizontaux complètent le forage sur 1 à 5 km.
• Des tubes de consolidation sont insérés et cimentés.
• Des explosifs sont utilisés pour casser le tubage inséré à l’horizontale dans la couche schisteuse.
• Une trentaine de tonnes d’acide chlorhydrique sont versées dans le conduit pour nettoyer le tubage.
• L’eau (de 10 à 20 millions de litres par fracturation), le sable et les produits chimiques (200 tonnes par puits, entre 600 et 2 500 composants dont des dizaines cancérogènes) sont injectés à très haute pression (700 à 1 000 bars, plusieurs centaines de fois la pression atmosphérique) à raison de trois ou quatre fracturations par jour.
• Cela crée des fissures que le sable maintient ouvertes. Le gaz libéré migre dans le conduit et remonte.
• Le gaz capté est emporté dans des usines de traitement en camions.
• L’eau polluée est décantée puis traitée par évaporation (les produits toxiques vont dans l’air), réinjection dans le sol après floculation et électrocoagulation, ou retraitement en usine.
• Un puits tous les 200 à 500 mètres environ est fracturé jusqu’à 18 fois, voire plus en fonction de la roche et de la longueur du forage.
Conséquences environnementales et sanitaires
Les destructions sont d’autant plus visibles qu’il faut forer entre 50 et 100 fois plus de puits qu’en conventionnel, d’où l’impossibilité de pérenniser des installations de transport (pipelines, conduites d’eau). Il faut des centaines de camions pour transporter l’eau et les différents « ingrédients », puis convoyer les hydrocarbures vers les zones de stockage. Ajoutons les pollutions dues au diesel (benzène cancérigène) pour les compresseurs.
Le risque sismique est avéré, avec des tremblements de terre pouvant atteindre 4 sur l’échelle de Richter. En France, des forages sont envisagés près de centrales nucléaires ou de sites Seveso 2.
La fracturation nécessite d’énormes quantités d’eau alors que nombre de régions sont régulièrement en déficit. Le risque de pollution irréversible des eaux souterraines est d’autant plus grand que la géologie de la France est plus complexe que celle des États-Unis.
Avec ces produits, certains extrêmement dangereux, des réactions chimiques incontrôlées ont lieu sous l’effet conjugué de la pression et de la chaleur. Et contrairement à ce qui est affirmé par les industriels, l’exploitation des gaz de schiste contribuerait autant voire plus que le charbon aux gaz à effet de serre.
Les salariés sont les premiers atteints par ces pollutions : aux risques liés aux activités de forage s’ajoutent l’exposition aux produits chimiques, l’apparition de cancers, des affections dermatologiques, des troubles du comportement… Les populations sont d’autant plus mises en danger que la cause des maladies est inconnue (puisque la liste des « cocktails » n’est pas divulguée). La faune sauvage, les animaux domestiques et d’élevage sont aussi affectés. Toute l’activité des régions concernées est mise en danger, à commencer par l’agriculture et le tourisme.
Les réserves
La connaissance du sous-sol est inversement proportionnelle à sa profondeur. Les évaluations de réserves sont toutes fournies par l’Agence américaine de l’énergie. Or elles ont souvent été démenties, comme en Pologne. Seule l’exploration, donc la fracturation, permet de connaître le potentiel.
L’expérience US montre que les puits ne sont productifs que les deux premières années (contre 20 à 40 ans pour les forages traditionnels) mais que les dégâts environnementaux, eux, perdurent. Les réserves françaises sont illusoires, surestimées, et la densité de population (102 habitants/km2) empêcherait leur exploitation (elle est de 19/km2 dans le Colorado et inférieure à 3/km2 dans le Montana).
La législation actuelle en France
La loi Jacob du 13 juillet 2011 différencie l’expérimentation, autorisée sous certaines conditions, et l’exploration et l’exploitation, qui sont interdites. Nuances inutiles car c’est toujours la fracturation hydraulique, avec les mêmes conséquences sur l’environnement, qui est utilisée. Notons que la commission chargée de contrôler les éventuelles expérimentations n’a jamais été mise en place.
La foi en la science que voudraient nous faire partager l’Académie des sciences dans ses « Éléments pour éclairer le débat sur les gaz de schiste » [1], ou le député Christian Bataille et le sénateur Jean-Claude Lenoir dans leur rapport parlementaire [2], n’est basée sur aucun fait scientifique. Tous les éléments disponibles ne font que confirmer les craintes des opposants.
François Favre