La proximité de puits d’extraction de gaz de schiste ou de gaz conventionnel augmenterait légèrement – environ 30 % – le risque de malformations cardiaques chez le nouveau-né. C’est ce que suggère, prudemment, une étude menée dans le Colorado et à paraître dans la prochaine édition de Environmental Health Perspectives (EHP) – la revue éditée par l’Institut national des sciences de la santé environnementale (NIEHS) américain.
Surtout exploratoires, les travaux conduits par Lisa McKenzie (Colorado School of Public Health) devraient susciter de plus amples enquêtes sur le sujet : le développement des hydrocarbures de schiste, aux Etats-Unis, a conduit à une multiplication des installations gazières ou pétrolières proches de lieux de vie. Dans le seul Etat du Colorado, 26 % des 47 000 puits de pétrole ou de gaz sont situés entre 50 m et 300 m d’habitations ou de bâtiments destinés à une occupation humaine, selon la Colorado Oil and Gas Conservation Commission.
Les travaux publiés dans EHP reposent sur l’étude de quelque 125 000 naissances enregistrées au Colorado entre 1996 et 2009. Les chercheurs ont considéré le lieu de résidence de chaque future mère et ont relevé l’ensemble des puits de gaz naturel – gaz de schiste ou gaz conventionnel – présents dans un rayon de 15 km.
ANOMALIES CARDIAQUES
Ils ont ensuite modélisé l’exposition du domicile de chaque future mère aux divers gaz fugitifs (méthane, benzène, toluène, xylène, etc.) issus des puits en fonction de la quantité et de la proximité de ceux-ci. Enfin, ils ont formé quatre groupes : les mères non exposées (aucun puits à 15 km à la ronde), les mères les moins exposées, les plus exposées et celles ayant été exposées au cours de leur grossesse à des valeurs médianes.
Les auteurs ont cherché des corrélations entre ces niveaux d’expositions et l’état de santé de l’enfant à sa naissance : naissance prématurée, malformations du tube neural (spina bifida, etc.), malformations buccales (bec de lièvre, etc.) ou anomalies cardiaques.
Seules celles-ci semblent significativement corrélées à la présence des puits : dans le groupe le plus exposé, 18 naissances sur 1 000 présentent une malformation de ce type, contre 13 naissances sur 1 000 dans le cas où aucun puits ne se trouve à moins de 15 km du domicile. Un lien a également été mis en évidence avec les malformations du tube neural mais semble difficilement interprétable, l’effet n’étant pas proportionnel à l’exposition.
PRÉSENCE DE BENZÈNE AUTOUR DES INSTALLATIONS
Les chercheurs estiment qu’une cause plausible de l’excès de malformations cardiaques mis au jour est l’exposition de la mère à des gaz fugitifs suspectés de tératogénicité, en particulier le benzène.
Plusieurs travaux ont mis en évidence la présence de ce gaz, ainsi que d’autres, autour des installations gazières. Pour éviter toute contamination de leur analyse par la pollution urbaine (transports, etc.), les auteurs ont restreint leur étude aux zones rurales et aux agglomérations de moins de 50 000 habitants. Ils ont pris garde d’éviter d’autres biais : grâce aux bases de données qu’ils ont exploitées, ils ont pu tenir compte des effets éventuellement liés à l’âge de la mère, à sa consommation d’alcool ou de tabac, à l’altitude de son domicile ou à son origine ethnique.
Cependant, les chercheurs reconnaissent plusieurs limites à leur étude (non prise en compte des vents dominants, absence de mesure directe de l’exposition de la mère, etc.). D’autres travaux de ce type seront nécessaires pour confirmer ces résultats.
Stéphane Foucart
Journaliste au Monde