(Avec B92) - « Voleurs, démission, dehors ! »... Quelque 500 personnes se sont rassemblées ce dimanche en début d’après-midi à Sarajevo en face de la Présidence collégiale de la Bosnie-Herzégovine pour protester contre la situation économique et exiger la libération des manifestants interpelés ces derniers jours. Au fil des heures, la foule n’a cessé de grossir.
« Les citoyens de Sarajevo, sans nom, ni nationalité, ni parti politique » ont publié une proclamation demandant entre autres aux politiciens de reconnaître qu’il s’agissait d’une « révolte du peuple », d’augmenter les retraites minimales de 400 marks (200 euros), de dénoncer le prêt souscrit auprès du FMI, de mettre un terme à la hausse des prix du service public et à l’introduction de nouvelles taxes. Ils demandent également de revoir les privatisations, de former une commission indépendante pour lutter contre la corruption, mais aussi de supprimer les cantons et d’abolir les deux entités, la Fédération et la Republika Srpska…
À Bihać, dans le nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine, un rassemblement massif a également eu lieu ce dimanche. Les manifestants ont exigé la démission du Premier ministre du canton d’Una-Sana, Hamdija Lipovača (SDP), qui aurait fui avec sa femme et ses trois enfants en Croatie.
Plusieurs centaines de personnes ont aussi protesté à Bijeljina.
Démissions à la chaîne
Les manifestations de ces derniers jours ont déjà conduit à la démission des autorités cantonales de Tuzla, Zenica et Sarajevo, ainsi qu’à la démission du chef de la police de Mostar.
Les manifestants exigent à présent la démission des membres de la Présidence collégiale. Le Premier ministre fédéral Nermin Nikšić a déclaré qu’il était prêt à se retirer. De son côté, le représentant de la communauté bosniaque à la présidence collégiale Bakir Izetbegović a annoncé que des élections anticipées étaient « la seule solution », tout en précisant qu’à titre personnel, il ne se sentait pas responsable de la situation.
Les manifestants demandent par ailleurs la démission du « ministre de l’Insécurité » Fahrudin Radončić [1].
Manifestations de solidarité en Serbie et en Croatie
À Belgrade, des manifestations de soutien sont prévues lundi 10 février à 16 heures dans le centre-ville, suite à l’appel d’un groupe Facebook « Soutenez le peuple de Tuzla depuis la Serbie » [2]. Dans un communiqué publié dans la presse, les organisateurs expliquent que « la spontanéité des manifestations [en Bosnie] ont mis l’accent sur les questions sociales et économiques, tout en se distanciant des conflits ethniques et religieux, ainsi que de tous les partis politiques, et permis aux jeunes chômeurs de prendre pour la première fois une part active à la politique ».
À Zagreb, des manifestations de solidarité sont également prévues jeudi 13 février et samedi 15 février.
Fin annoncée des Accords de Dayton ?
L’ancien Président de la Croatie Stjepan Mesić a affirmé comprendre « la déception et les motivations » des manifestants en Bosnie. « Un changement est nécessaire », a-t-il déclaré, à condition que « la communauté internationale revoie immédiatement les Accords de Dayton », qui ont mis fin à la guerre en 1995.
Le Haut Représentant international en Bosnie-Herzégovine Valentin Inzko a condamné les violences et annoncé qu’il prévoyait de renforcer les troupes des Forces de l’Union européenne (EUFOR). « Les manifestations sont justifiées », a-t-il toutefois concédé, mettant en cause le népotisme et les nombreuses inégalités sociales en Bosnie. « Les Accords de Dayton étaient des accords de paix, mais ils sont trop compliqués. La Fédération compte onze gouvernements. C’est inefficace et trop coûteux », a-t-il déclaré, plaidant pour un renforcement du centralisme.
P.B.