Le 20 janvier 2009, lors de la première investiture de Barack Obama comme président des États-Unis, quelques musiciens montent sur scène pour interpréter This land is your land chanson que son auteur, Woody Guthrie, rêvait de voir remplacer l’hymne national. Un chant généreux qui parle du peuple, débarrassé de toute référence à la religion, et tellement moins crétin que God bless America… Au côté de Bruce Springsteen, Pete Seeger prend ce jour-là une revanche, dérisoire mais ô combien symbolique, en interprétant devant le Capitole la chanson de son ami de lutte et de scène.
Au début des années 50, avec son groupe The Weavers, il connaît un succès important. C’est à cette époque qu’il compose le titre : The Hammer Song, chanson qui donnera en français « Si j’avais un marteau ». En écoutant la version de Claude François, on a du mal à en entendre les aspirations prolétariennes, mais Seeger mettra presque sept ans pour pouvoir l’enregistrer tant les paroles sont jugées subversives. Si on tend l’oreille, lorsque Seeger la chante, on croit comprendre que s’il avait un marteau, il lui faudrait une faucille…
Syndicaliste, communiste, écologiste
Membre du Parti communiste jusqu’en 1956, il se retrouve sur la liste noire de Joseph McCarthy. En 1957, victime des lois anticommunistes, il est condamné à un an de prison. Il échappera finalement en appel à cette peine. Proche du mouvement syndical, surtout après sa rencontre avec Woody Guthrie au début des années 40, il aborde par ce biais la question raciale rêvant d’une « réconciliation » entre noirs et blancs au nom de leur même appartenance au monde des travailleurs. Il créera même un groupe « mixte », chose particulièrement rare à l’époque. Au cours des décennies suivantes, Seeger sera de tous les combats, pour les droits civiques (sa chanson We shall overcome est composée à cette époque et deviendra une sorte d’hymne de ce mouvement), contre la guerre au Vietnam… Plus tard, ce seront les combats écologiques et en particulier contre la pollution de l’Hudson River par les industriels.
Avec son physique de bûcheron qui n’aurait jamais eu de muscles, son banjo qu’il quitte rarement, son entêtement à ne jamais brancher son instrument sur le secteur (il est sûrement mort sans avoir pardonné à Dylan d’avoir électrifié un jour sa musique), sa fidélité aux valeurs du mouvement ouvrier, c’est un peu plus qu’une voix de la musique folk qui vient de s’éteindre.
Pierre Baton