Pas très fière Alur
Appelée aussi « loi Duflot », la loi Alur (Accès au logement et à un urbanisme rénové) ne voulait pas trop fâcher propriétaires, promoteurs et agences immobilières . Elle provoque évidemment leur colère, car le petit peu en « défense du consommateur », c’est toujours trop pour eux. Pourtant, elle déçoit les associations et tous ceux qui attendent depuis des années le minimum.
Ce minimum pour vivre, ça devrait être un logement de qualité, écologique et économe en énergie, à loyer décent, et proche d’un emploi… Peu de décisions marquantes dans la loi, seulement des encadrements : le tableau reste donc toujours le même, d’autant qu’il n’y a pas abrogation de la loi Boutin.
Présentation des principales mesures de cette nouvelle loi.
Prix du loyer
Dans les zones dites « tendues », les préfets fixeront chaque année par décret un loyer médian de référence majoré de 20 %, au-delà duquel le propriétaire ne pourra pas aller. Il existera également un loyer plancher, inférieur de 30 % au loyer médian, en-deçà duquel le propriétaire pourra demander une hausse.
Gul
La Garantie universelle des loyers (Gul) protégera... les propriétaires des impayés et se substituera à la caution, d’ici au 1er janvier 2016. Le financement s’appuierait sur une cotisation, payée à parité par propriétaires et locataires, de 1 à 2 % du loyer.
Location
Le dépôt de garantie sera rendu aux locataires dans un délai d’un mois, au lieu de deux actuellement, s’il n’y a pas de réserves dans l’état des lieux. Le délai de préavis pour quitter son logement sera ramené à un mois dans les zones tendues. Des modèles type d’état des lieux et de bail devront indiquer le loyer médian de référence et le loyer appliqué au locataire précédent. Le Sénat a supprimé les pénalités pour retard de paiement de loyer, mais la loi qui permet à un juge de fixer des pénalités existe toujours...
Les ventes à la découpe seraient « davantage » encadrées, avec notamment une protection des locataires âgés, ainsi que les locations de meublés de tourisme.
Marchands de sommeil
S’ils ont déjà été condamnés pour habitats indignes, ces propriétaires seront interdits d’achat de biens immobiliers destinés à la location pendant 5 ans. Le propriétaire d’un logement indécent qui refusera d’engager des travaux devra payer une astreinte de 1 000 euros par jour de retard. En cas d’évacuation d’un immeuble insalubre sur décision du maire, le propriétaire devra assurer à ses frais l’hébergement des occupants.
Isabelle Guichard
« Payez 0 euro d’impôt » ?
Lecteur.e.s de l’Anticapitaliste, vous n’êtes sans doute pas concernés… Car si vous payez 0 euros d’impôt, c’est que vos revenus sont au plus bas. Et si vous en payez, vous pouvez faire baisser la somme en participant à la campagne financière du NPA, mais pas en investissant dans l’immobilier ! Mais malheureusement, vous êtes concernés, et pas seulement parce que cet impôt non perçu, ce sont des équipements publics en moins.
Cela fait des années que des dispositifs de défiscalisation font construire là où c’est moins cher, plus rentable donc, mais où la demande de logements est la moins forte, voir ci-dessous. Au risque d’ailleurs pour le petit investisseur d’y perdre ses économies, puisque l’avantage fiscal est lié à la location du bien. Mais les promoteurs eux s’y retrouveront toujours.
Les chiffres de la construction augmentent, mais le nombre de demandes insatisfaites aussi. Le dispositif Duflot n’a pas encore beaucoup de succès parce qu’il pose plus de conditions que les précédents systèmes. Ce que regrette par exemple le président de Bouygues Immobilier qui considère que « c’est pourtant le moteur de la production de logements en France ». C’est bien là le problème : continuer à soumettre la construction à la loi du marché.
I.G.
Habitat social : « putain ce qu’il est blême mon HLM ! »
Alors que le mal logement ne connaît pas la crise avec plus de 10 millions de mal-logés et qu’il manque plus d’un million de logements, l’offre de logement social reste constante...
Il y a sur le territoire français 4,6 millions de logements sociaux soit 18,4 % du parc locatif en 2011 [1]. Cette situation de pénurie de logement ne résulte pas d’une simple confrontation de l’offre et de la demande mais bien de choix politiques dans un secteur où les pouvoirs publics jouent un rôle déterminant, notamment au travers du logement social. Il s’agit pourtant d’un secteur en crise, et en proie aux appétits capitalistes. Tour d’horizon du logement social.
Vous avez dit « social » ?
Le désengagement de l’État en matière de logement s’est amorcé de manière significative vers le milieu des années 1970. Loin d’être une rupture et contrairement à l’affichage politique qui veut être donné, la loi de finances 2013 marque un nouveau recul de 400 millions d’euros pour le volet logement et ne permet pas de répondre à l’engagement d’Hollande pour la construction de 150 000 logements sociaux par an pendant toute la durée de son mandat.
100.000 logements sociaux devraient être produits d’ici la fin de l’année, mais selon un rapport de la Cour des comptes en 2011, seules 25 % de ces constructions ont été faites dans les zones de tensions, 75 % dans des zones « où n’existaient pas de besoins manifestes » [2]. Par ailleurs, pas de rupture non plus avec l’ANRU et les politiques de destruction de logements sociaux pour « aménager le territoire urbain », comprendre casser les poches de pauvreté et les repousser vers des périphéries toujours plus éloignées.
Pas de rupture non plus, en ce qui concerne les mesures coercitives pour obliger les maires à respecter la proportion de logements sociaux imposée par la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU). Ainsi le « tableau de déshonneur » [3] publié par la Fondation Abbé Pierre affiche les 3,6 % de logements sociaux de Neuilly-sur-Seine (92), les 6,5 % de Saint-Maur-des-Fossés (94) ou les 4,9 % de Pornichet (44), et les maires de ces communes peuvent continuer à ne pas respecter la loi en payant des indemnités aléatoires et peu incitatives.
Dernier élément, la hausse des loyers de 2000 à 2011 est proche de celle du secteur privé avec 30 % d’augmentation [4].
En contradiction avec le marché
Le logement social est à la fois l’épouvantail effrayant des villes riches, et la cible des appétits capitalistes par le volume de richesse qu’il représente, environ 200 milliards d’euros. Les évolutions de ces 10 dernières années, les types de logements sociaux construits — destinés très majoritairement aux populations des classes moyennes [5] —, et l’augmentation des loyers, sont autant de signes visibles de l’évolution des modes de gestion du secteur social.
L’ouverture aux capitaux privés avec le développement des Sociétés d’économie mixte (SEM) représente aujourd’hui 8 % du parc social. Ainsi, André Yché, président pourtant d’une grande entreprise sociale pour l’habitat (ESH), la SNI, déclarait en 2011 : « À terme, tous les groupes d’ESH devront devenir des opérateurs immobiliers globaux d’intérêt général qui obéissent à une logique d’entreprise ». Derrière ces propos se dessine la tendance lourde de l’évolution du parc social, celle d’une logique de rentabilité qui pénètre un secteur de moins en moins soutenu par l’État.
Max Bess
L’ANRU « nouveau » est arrivé
À son arrivée, Duflot avait promis de faire un état des lieux de l’Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine) avant de décider ou non la poursuite des démolitions. Avec la présentation de la nouvelle loi sur la politique de la ville, on ne peut que penser que cet état des lieux a été fait avec les pieds. On change le nom, mais pas le sigle, le « renouvellement urbain » remplaçant la « rénovation urbaine ».
Le bilan officiel de l’Anru en 10 ans, c’est « 140 0000 logements démolis et autant de reconstruits, 325 000 réhabilités, plus de 90 000 ménages relogés ». Outre le mensonge sur le nombre de reconstructions, comment un bilan « de gauche » peut-il ignorer des drames comme ceux décrits à Montbéliard (l’Anticapitaliste n°216), ignorer que l’immense majorité des immeubles démolis étaient en bon état et souvent de meilleure qualité que ceux reconstruits ?
Malgré les discours, on reste dans la même idéologie, prônant la « mixité sociale » pour lutter contre les quartiers qualifiés de ghettos. Cette doctrine consiste à faire croire que faire venir des habitants plus aisés dans un quartier populaire améliorera ledit quartier. Le bon sens voit tout de suite que le problème, c’est tout d’abord le chômage et que l’arrivée de nouveaux voisins ne changera rien pour ceux qui le subissent. Eh bien oui ça change quelque chose puisque leurs logements à petits loyers sont démolis et qu’on les envoie en général loin du centre ville et des transports, où se créera donc le nouveau « ghetto », mais moins visible.
La fuite en avant continue
En région parisienne, l’objectif de l’Anru est bien visible : des logements laissés vides pour la spéculation, des prix exorbitants inabordables pour des revenus moyens qui doivent donc partir à la conquête de la proche banlieue et prendre la place des anciens habitants paupérisés par la crise. Ou même dans l’incapacité d’en partir parce que les discriminations racistes le leur interdisent.
Cela a été maintes fois analysés par beaucoup d’experts moins révolutionnaires que nous, mais que cette fuite en avant inquiète, et d’autant plus que c’est le même genre d’idéologie qui a produit les « grands ensembles » des années 70. Les « ghettos » d’aujourd’hui...
Deux innovations dans ce nouveau Programme national pour la rénovation urbaine sauce PS-Duflot. Moins de quartiers concernés... pour dépenser moins (et ça commence à se voir que l’argent du 1 % a été volé par l’Anru), des quartiers qui seront désignés… après les municipales !
Et pour trouver de nouveaux financements, on prend la recette qui fait des dégâts graves depuis quelques années : le partenariat public-privé. L’Anru serait autorisée à créer, acquérir et céder des filiales ou des participations dans des sociétés. Le motif serait d’accélérer l’arrivée d’investisseurs privés. Comme si Nexity et compagnie ne régnaient pas déjà dans les quartiers !
Isabelle Guichard
Un exemple de rénovation : Saint-Denis
La hausse du coût des terrains, des loyers, le mécanisme de la hausse de la rente foncière qui sont à l’œuvre sur toute la région parisienne, affecte la proche banlieue, inexorablement. Saint-Denis (93) subit cette pression et il est intéressant de mettre en évidence les étapes de cette mutation à l’œuvre, visible jusque dans les paysages urbains.
Saint-Denis fait partie de l’ancienne ceinture rouge, du temps où le PCF était majoritaire dans la banlieue proche de Paris. Banlieue ouvrière, banlieue populaire. Aujourd’hui, la dernière ville de plus de cent mille habitants avec un maire PCF, est concernée par le projet d’intégration dans le Grand Paris. Elle appartient à la communauté d’agglomération « Plaine Commune » dont elle est la principale ville. Elle est constituée de trois ensembles très distincts : la Plaine Saint-Denis, le centre ville et la couronne des grandes cités autour du centre ville.
Au commencement, les sociétés
La transformation de la ville a commencé par La Plaine-Saint-Denis à la fin des années 1980. Cet espace était le lieu de concentration des usines au sud de la ville. L’effondrement de ces industries a été la première étape de la mutation,. Cela a donné une zone de grandes friches industrielles, beaucoup de terrains libres proches de Paris qui ne demandaient qu’à être exploités par les promoteurs immobiliers.
Le déclic est venu de la création du grand « Stade de France » à la Porte de Paris en 1998, qui a entraîné la couverture de l’autoroute A1 qui avait défiguré le quartier ouvrier de l’avenue Wilson, l’aménagement des moyens de transport, deux nouvelles gares du RER, permettant ainsi le déplacement d’une grande quantité de salariéEs. La Plaine est d’un seul coup devenu alors le premier chantier européen avec un investissement massif des fonds de pensions. Les grandes sociétés y ont installé leur siège : SFR, Randstad, Panasonic… où l’essentiel des salariéEs arrivent à Saint-Denis le matin et la quittent le soir.
Le centre ville suit
La deuxième étape est en cours aujourd’hui : la rénovation du centre ville. La percée dans cette ville populaire d’un quartier d’affaires rendait logique que cela se poursuive par le centre ville : un quartier ancien, avec des immeubles souvent insalubres, mais au potentiel immobilier réel. Aujourd’hui 37 % du parc privé est insalubre. Une première tranche a été faite dans les années 80 mais l’essentiel de cette rénovation a vraiment débuté au cours des années 2000, avec la piétonisation du centre ville. Des opérateurs immobiliers ont investi, sentant l’intérêt du lieu. La municipalité s’est engagée dans ce processus, par la création de ZAC, par la multiplication d’opérations ANRU, seules sources de financements pour des projets immobiliers de rénovation.
Cette rénovation a pour conséquence l’arrivée de nouvelles populations dans la ville. Salariés des sièges sociaux des grands groupes installés à La Plaine, et couches moyennes désirant acheter mais ne pouvant plus le faire dans Paris... Des revendications nouvelles pour la ville sont apparues, portées par des associations soucieuses de propreté, de sécurité, d’environnement. C’est aussi le moment où se sont implantés de grands squats dans des immeubles vides promis à rénovation, occupés par des populations de travailleurs immigrés et leurs familles, souvent avec des situations précaires sur le plan du séjour comme du travail. Depuis une décennie, la rénovation remet en cause ces squats, génère des expulsions massives et donc des mobilisation qui articulent les droits au séjour et au logement.
Les cités font de la résistance
Troisième étape, les cités sont très concentrées, en couronnes autour du centre ville, et essentiellement constituées de logements sociaux locatifs. Des modifications sont en cours mais ces cités sont de fait des lieux de résistance, par leur concentration, à la transformation de la ville. Il y a eu des tentatives de résidentialisation de certaines cités, avec grilles, petits jardins, sortie du parc social et hausse des loyers, voire accession à la propriété. Filiale de la Caisse des dépôts, ICADE a tenté de le faire dans la cité Floréal, mais au bout du compte cet organisme s’est retiré et a vendu son patrimoine. Des opérations ANRU sont en cours (cité Saint-Rémy par France Habitation). Des ensembles d’immeubles sont en cours de démolition (4 000, Saint-Rémy…). Il reste que le marché immobilier a du mal à y prendre pied.
Il faudrait des changements politiques profonds, une remise en cause du logement social, une privatisation massive des logements pour que la rente foncière se libère et que les capitalistes de l’immobilier investissent dans ces espaces. Sous la pression de la hausse du prix des terrains et des loyers, les mutations que connaît la ville génèrent des contradictions, des luttes de résistance, même si le tissu associatif lié au logement est très affaibli. Saint-Denis est encore pour longtemps une ville populaire !
JMB
APL en moins pour les uns, allègement fiscal pour les autres
La relavorisation des aides au logement suivant la hausse des loyers prévue à 0,9 % au 1er janvier, devait être supprimée dans le budget 2014. Elle est finalement maintenue, mais les 6 millions de foyers modestes (81 % des bénéficiaires des aides au logement perçoivent moins d’un Smic) devront attendre jusqu’en octobre 2014. On voit donc qu’on peut « geler » l’APL mais pas les loyers, qui eux seront seulement « encadrés » et vont donc bien augmenter au 1er janvier.
Ce décalage ferait économiser 56 millions d’euros. Duflot maintient qu’il faut « maîtriser la progression des aides au logement » qui, dit-elle, auraient augmenté de 170 millions d’euros sans revalorisation, du simple fait de la hausse du nombre de bénéficiaires.
Une fois de plus piqué dans la poche des pauvres, cet argent sera bien employé : réforme de la taxation des plus-values immobilières et superbe allègement fiscal censé inciter les heureux possesseurs d’immeubles, commerces et autres bureaux à vendre rapidement. Un cadeau de 735 millions d’euros, puis de 75 millions par an, à partir de 2015.
I.G.
Hébergement : l’urgence permanente
Fini la circulaire nationale « Grand froid », voici cette année le « Guide national de prévention et de gestion des impacts sanitaires et sociaux liés aux vagues de froid 2013-2014 ». Préparé par de nombreuses réunions de divers ministères avec entre autres le collectif des associations unies (33 organisations nationales de lutte contre l’exclusion), celui-ci n’y retrouve pas ses propositions. Pas de réponse sur la qualité et surtout la continuité de l’hébergement, alors que cela fait des années que sont mis en cause la lourdeur, le coût et l’inefficacité d’un accueil limité dans le temps.
Selon le baromètre de la Fnars du mois de juillet 2013, les demandes d’hébergement enregistrées à l’été 2013 sont équivalentes à celles enregistrées au cours de l’hiver 2012-2013 et 76 % n’ont pas trouvé de réponse. Un « record ». Il note également l’augmentation du nombre de familles et de personnes étrangères. Le rapport annuel 2012 de l’Observatoire national du 115, publié le 14 octobre 2013, indique une progression de la demande de 30 % en un an, 64 % d’entre elles n’ayant pas donné lieu à un hébergement, majoritairement faute de places disponibles.
I.G.