« Mal payées, exploitées, y en a assez ! » Militant·e·s syndicales·aux, politiques et féministes, nous étions 300 dans les rues de Genève le samedi 8 mars à manifester notre colère face aux inégalités salariales subies par les femmes et au lot de précarité qu’elles engendrent, le long d’un cortège ayant fait halte au cœur du quartier populaire des Pâquis pour laisser place à quelques discours avant que de terminer au cœur des rues marchandes.
Un message de colère, mais aussi d’espoir autour de l’introduction d’un salaire minimum légal de 4000 francs soumise au vote populaire le 18 mai prochain, qui permettrait une augmentation directe de salaire pour 230 000 femmes en Suisse. En marge du défilé, beaucoup de femmes témoignaient par leur mine de leur approbation du message véhiculé.
Si les écarts salariaux sont effectivement particulièrement élevés dans les professions traditionnellement les mieux rémunérées, un rapide coup d’œil sur la liste des branches qui forment un foyer de bas salaires ne laisse place à aucun doute sur leur concentration marquée dans des domaines traditionnellement féminisés du secteur tertiaire, qu’il s’agisse de la vente, de la santé, des services à la personne ou de l’hôtellerie-restauration. Des métiers en outre malheureusement connus pour une forte proportion de temps partiel imposés qui réduisent encore le maigre salaire escompté. Une réalité que les quelques conventions collectives de travail conclues dans ces secteurs ne parviennent d’ailleurs pas à contrecarrer, à l’image de la convention collective nationale de la coiffure, fixant un salaire minimum de... 3400 francs pour le personnel au bénéfice d’un Certificat fédéral de capacité.
De la valeur du travail des femmes
En cause, l’héritage d’un lourd passé dans lequel le revenu du travail des femmes était appelé à se fondre dans le salaire familial et ne devait en constituer qu’un « appoint », la naturalisation des compétences liées à la socialisation féminine qui se trouvent ainsi invisibilisées et non reconnues comme telles et plus largement une déconsidération pour les tâches massivement exercées par des femmes.
C’est dans cette veine que l’entreprise Migros avait jugé bon de rémunérer feu notre camarade neuchâteloise Catherine Reid 300 à 400 francs de moins que ses collègues chaque mois pour un travail équivalent, dénigrant la pénibilité du travail supplémentaire de caisse et de décharge des palettes qu’elle effectuait par rapport à la décharge des camions effectuée par ses collègues magasiniers. C’est à cause de cette déconsidération que parmi les emplois les plus faiblement rémunérés, les femmes sont encore les moins bien payées, qu’elles exercent une activité éprouvante physiquement comme les femmes de chambre ou qui nécessite doigté et minutie comme dans l’industrie horlogère.
Une déconsidération du travail féminin liée à des stéréotypes, qui produit des effets bien réels se traduisant par une surreprésentation des femmes, et particulièrement des femmes migrantes, dans les statistiques de la pauvreté. Près de 20 % de celles qu’on appelle pudiquement les « familles monoparentales », mais qui sont en majorité constituées de mères seules, font ainsi partie des working poor. A Genève, les femmes forment le 55 % des personnes forcées de devoir recourir à l’aide sociale.
Et quand elles n’entraînent pas directement vers la pauvreté, les inégalités salariales contribuent à la perpétuation des écarts de taux d’occupation. Le temps investi par femmes et hommes dans l’activité salariée ne rapportant pas de la même manière, ce sont la plupart du temps elles que l’on force à faire le « choix » de réduire leur taux d’activité quand les places en crèches manquent, avec des conséquences bien connues en terme de dépendant économique et lorsque surviennent séparation, décès du partenaire, retraite.
L’introduction d’un salaire minimum légal, un premier pas
Les associations patronales, quand elles existent, faisant la sourde oreille à toute augmentation de salaire dans les conventions collectives, ou tentant de les moyenner contre d’autres péjorations des conditions de travail à l’instar de l’extension des heures d’ouverture des magasins, l’introduction d’un salaire minimum légal est actuellement la meilleure manière de dépasser ces blocages et mettre un frein aux salaires de misère. Preuve de son efficacité, c’est en 1999, année de l’introduction d’un salaire minimum, que l’Angleterre a connu la réduction la plus important de l’écart salarial entre hommes et femmes.
Le salaire minimum n’est évidemment pas la réponse à toutes les inégalités. Il ne résoudra pas le problème des temps partiels imposés pas plus qu’il ne luttera contre la précarisation des femmes sans travail salarié ou la double journée de travail. En relevant le salaire d’une femme sur huit en Suisse, il constitue néanmoins un premier pas vers plus d’égalité et améliora concrètement la situation économique de milliers de femmes de ce pays.
Les femmes forment la majorité dans ce pays. Le 18 mai prochain leur OUI au salaire minimum légal de 4000 francs peut faire la différence.
Audrey Schmid
* Paru en Suisse dans « solidaritéS » n° 245 (13/03/2014) p. 9. http://www.solidarites.ch/journal/
Le 8 mars à Genève : salaire de misère, femmes en colère !
A Genève, le comité unitaire « Pour des salaires plus justes », en campagne pour un oui au salaire minimum de 4000 francs le 18 mai, appelle à manifester lors de la Journée internationale de luttes des femmes du 8 mars. En effet en Suisse, environ 330 000 employé·e·s gagnent moins de 4000 francs par mois pour un plein temps et ce sont les femmes qui constituent le 70 % des cas. Extraits de l’appel à la mobilisation : samedi 8 mars à 14h – zone piétonne du Mont-Blanc.
Pierre Vanek
« Une femme sur huit gagne moins que le salaire minimum demandé. A cela, il faut ajouter que près de 60 % des femmes exercent une activité lucrative à temps partiel. Elles subissent donc une double peine, des bas salaires et des temps de travail courts. Lorsque les femmes atteignent l’âge de la retraite, elles subissent une troisième peine : elles auront des retraites faibles, parce qu’elles ont eu plus souvent que les hommes des bas salaires et des temps de travail réduits.
Parmi les branches d’activités les moins bien rémunérées se trouvent des métiers dits féminins. Parmi les métiers les moins valorisés, on trouve une écrasante majorité de femmes. Ces secteurs sont principalement le commerce de détail, le travail dans les restaurants, cafés et hôtels, les services à la personne comme les salons de coiffure, les métiers du social et de la santé et, bien sûr, les activités de ménages pour des personnes privées. Ce sont des secteurs où les syndicats peinent à négocier des conventions collectives avec des salaires corrects.
Après l’acceptation de l’initiative de l’UDC contre la libre circulation le 9 février dernier, les représentants patronaux ont déjà annoncé vouloir supprimer les mesures d’accompagnements. Sans ces mesures, il n’y aura plus la possibilité d’instaurer un salaire minimum dans ces branches au travers d’une convention collective ou d’un contrat-type. L’instauration d’un salaire minimum légal est donc le seul moyen sûr d’instaurer un salaire minimum dans ces branches.
L’instauration d’un salaire minimum légal de 22 francs de l’heure est un pas de plus vers l’égalité salariale. Ainsi, en Grande-Bretagne, la diminution la plus importante de l’écart salarial entre femmes et hommes est survenue lors de l’introduction d’un salaire minimum en 1999. En Suisse aussi, l’écart salarial entre femmes et hommes doit être réduit. Les femmes sont la majorité dans ce pays. Le 18 mai prochain, leur oui au salaire minimum légal sera décisif. »
* Paru en Suisse dans « solidaritéS » n° 244 (27/02/2014) p. 14. http://www.solidarites.ch/journal/