La mairie de Bobigny vient de passer à l’UDI. C’est un tremblement de terre : Bobigny compte parmi les très rares villes à voter communiste sans discontinuer depuis 1920. La défaite est d’autant plus rude qu’elle s’est jouée face à la droite. Les électeurs auraient-ils disqualifié un système de valeurs ?
Manque d’identification
La municipalité de Bobigny s’est illustrée par son action en faveur du droit de vote des étrangers. Elle s’oppose aux expulsions locatives et l’applique dans le parc social municipal. Elle s’attache à consulter les habitants en organisant chaque année des assises de la ville. Elle recherche des solutions de dignité pour les Roms. Une partie des Balbyniens l’approuve. Mais plus encore ont récusé cette politique qui était devenue un marqueur municipal.
Un tel échec n’a pas qu’une seule origine. Celle d’une défaite pour cause de soutien aux pauvres et aux plus pauvres d’entre les pauvres ne saurait être retenue. Ce qui fragilise le vote en faveur des municipalités Front de gauche est souvent leur manque d’identification. À Bobigny, il y avait au contraire la recherche d’une politique et d’une identité très ancrée à gauche, dans les valeurs humanistes. Comment ce qui hier était une fierté est-il devenu aujourd’hui une fragilité ? Dans les années 2000, la ville avait un slogan « Bobigny, ville capitale » qui se déclinait l’été en « Bobigny sur Ourcq ». Depuis quelques années l’identité mise en avant était « Bobigny, belle et rebelle ». Peut-on se dire que dans ce glissement, ici symptomatique d’un changement de pied, se trouve le talon d’Achille de la municipalité ? La politique communiste s’incarnait dans un projet ambitieux, communiste, urbain et « métropolitain ». La politique de solidarité et de proximité a perdu ce fil. Elle en a perdu son socle.
La nécessité d’un projet pour tous
La ville de Bobigny n’a pas su seule poursuivre une vision stratégique de sa place. On ne saurait l’accabler. Tout le cœur de la Seine-Saint-Denis (Drancy, Romainville, Bobigny, Blanc-Mesnil, Noisy-le-Sec) était hier composé de communes sous la conduite du PC. De Georges Valbon à Marie-George Buffet, ses dirigeants n’ont pas su promouvoir un projet porteur pour le département et ses communes. Le soutien qui manquait à l’échelon départemental n’est pas davantage venu de l’échelon national, qui n’a pas vu la place organisatrice du projet dans le discours politique. Aucune de ces villes du centre du département n’est plus communiste. À la différence de Montreuil, Saint-Denis et Tremblay.
Un projet alternatif ne peut exister que dans le souci de la proximité et de la solidarité. Mais ces valeurs qui fondent le choix politique du Front de gauche ne peuvent avoir de sens partagé que dans un projet pour tous, ambitieux. À défaut, c’est l’incompréhension. Et si la droite ou l’extrême droite l’exploite, c’est la catastrophe politique.
Catherine Tricot, 31 mars 2014