Petit rappel des faits. En novembre 2005, la multinationale américaine Burgess Norton, spécialiste en axes de piston, décide de fermer son usine de Vieux-Charmont (Doubs) et d’en déplacer la production en Italie. Type même du patron voyou, le directeur s’empare, le week-end, des produits finis et annonce, le lundi, le dépôt de bilan. Révoltés, les salariés occupent leur usine, bien décidés à refuser la fermeture de leur entreprise. Ils ont l’avantage de bénéficier d’un large soutien de la population, ce qui leur permet de passer les fêtes de fin d’année sans trop d’angoisse.
Ce n’est que fin janvier 2006 que le tribunal de commerce de Montbéliard accorde le redressement judiciaire et la reprise des activités de l’entreprise pour une durée de six mois. Seul Peugeot maintient ses commandes. Renault, malgré diverses démarches, refuse, tant qu’il n’y a pas de patron à la tête de cette usine. Les salariés, pourtant, doivent prouver à l’administrateur que l’entreprise est viable. Les ouvriers en âge de bénéficier d’un plan de départ anticipé choisissent cette solution : ils sont quatorze à partir. Ne restent que 54 ouvriers, de quoi satisfaire les commandes de Peugeot.
Pendant des mois, la mobilisation est intense pour trouver un repreneur, d’autant que l’administrateur nommé ne se montre pas très virulent, ayant déjà à son palmarès deux fermetures d’entreprise dans la cité. Heureusement, un comité de soutien aux Marti est très actif et ne cesse de harceler les pouvoirs publics pour éviter que le problème ne soit enterré. Fin juillet, au moment où le tribunal doit statuer sur la liquidation ou non de l’usine, un industriel allemand, UKM, se manifeste. Il obtient gain de cause et devient propriétaire de l’entreprise le 21 août.
Déjà constructeur d’axes de piston en Allemagne, il est intéressé par les marchés Peugeot et Renault, mais il dit vouloir développer l’usine de Vieux-Charmont. Son plan industriel semble convenir aux pouvoirs publics et aux salariés. En revanche, le plan social qu’il présente est loin d’être satisfaisant : il ne veut, dans un premier temps, reprendre que 36 salariés, se réservant le droit de réembaucher les laissés-pour-compte lorsque les commandes Renault se manifesteront. D’âpres négociations ont alors lieu, et, finalement, les représentants syndicaux obtiennent que 40 travailleurs reprennent le travail le 21 août. Parmi les quatorze restants, certains, désabusés après des mois de lutte, ont choisi un autre parcours, mais cinq salariés sont encore en attente. Certes, ils ont une perspective de réemploi mais, pour le comité de soutien, ce sont cinq salariés laissés sur la touche en trop. Le comité a donc décidé de se maintenir pour garantir le suivi et l’appui du reclassement de tous les salariés, et pour assurer une vigilance permanente afin de pérenniser les emplois et le développement du site.
Cette réouverture du site de Vieux-Charmont, malgré les compromis que les salariés ont dû accepter, est vécue dans notre région sinistrée comme une victoire, car il ne se passe pas un mois sans que ne soient annoncées des suppressions d’emplois chez les sous-traitants de Peugeot qui, depuis des années déjà, coupent leurs effectifs. Et parce qu’il est assez rare, à l’heure actuelle, que des travailleurs gagnent le maintien de leur usine.
Correspondante