Le NPA vient d’annoncer sa présence dans 5 grandes régions sur 7 [1]. Après avoir envoyé une lettre proposant un accord unitaire au Front de gauche et à Lutte ouvrière [2], le NPA s’explique sur ce choix dans un article paru sur son site [3].
Selon la direction du NPA, l’échec de sa politique unitaire incombe aux partenaires pressentis. « Lutte ouvrière n’a pas voulu entendre parler de (sa) proposition ». « Quant au Front de gauche, ses propres difficultés et tensions internes n’ont pas permis d’engager de réelles discussions pour tenter de surmonter les désaccords qui existent entre nous ».
On a beau lire, pas une mot sur la part de responsabilité que pourrait avoir le NPA dans cette affaire.
Les faits sont en réalité tout autres et ils sont têtus. La réalité, c’est que le NPA a théorisé son isolement depuis des années. Il a refusé de participer à la construction d’un front politique rassemblant celles et ceux qui refusaient les politiques d’accompagnement social-libéral. Il a refusé l’unité aux présidentielles de 2012 enregistrant un sérieux revers électoral. Une fois Hollande élu, il a sans cesse relevé la barre de ses exigences pour saisir la main que lui tend depuis longtemps le Front de gauche. Il a d’abord exigé que l’on ne participe pas au gouvernement PS comme si la question se posait vraiment. Puis il a exigé que l’on vote contre le budget et enfin que l’on se positionne comme une « opposition de gauche ». Toutes ces conditions se sont réalisées mais rien n’y a fait.
Ce n’est qu’à la veille de l’accord passé entre les composantes du Front de gauche, que le NPA a envoyé un courrier proposant l’unité. Pourtant, des rencontres bilatérales entre des composantes du Front de gauche (le PCF, le Parti de gauche et Ensemble), avaient eu lieu plusieurs semaines en amont, et le NPA n’avait pas bougé un cil concernant les propositions unitaires qui lui avaient alors été faites. Il a envoyé son courrier au Front de gauche le 7 avril mais, par la bouche de ses principaux dirigeants, il referme vite la porte entrouverte. Philippe Poutou par exemple déclarait ainsi à Libération le 12 avril, jour de la manifestation : « Les élections européennes, ce sera dur pour nous (...). On ne s’entend pas avec le Front de Gauche. On sera marginalisé et on fera un petit score mais on sera là. » [4]. Le lendemain, c’est Olivier Besancenot qui en rajoute une couche en attribuant à Pierre Laurent l’échec : « Malheureusement - je dis bien malheureusement - cela a été une fin de non-recevoir à cette proposition unitaire de la part de Pierre Laurent » [5].
Ainsi, on peut s’interroger sur la nature de la proposition de la direction du NPA : un bon (?) « coup politique » [6] pour justifier l’existence séparée des listes ou une inflexion politique qui est le résultat d’une analyse lucide de la situation ?
Cet article est symptomatique du fait que le NPA a du mal à justifier ses candidatures. Il se sent maintenant obligé d’en rajouter de façon pour le moins hasardeuse. Selon le NPA, il y aurait « des positions différentes sur la question européenne » : l’exigence (par le Front de gauche) de « refondation de l’Union européenne (ressemblerait) plutôt à une tentative de réforme, alors que les anticapitalistes se battent pour la rupture avec les institutions européennes ». Peu importe que la rupture soit avant la refondation le titre même du programme du Front de gauche [7].
Et le NPA d’enfoncer le clou : « Les désaccords qui s’expriment dans le cadre des élections européennes rejoignent nos désaccords au niveau de la politique hexagonale. Rompre avec le capitalisme tant au niveau national qu’européen, c’est rompre avec des institutions vouées à le servir pour inscrire notre programme dans une perspective de transformation révolutionnaire. ». D’accord évidemment pour ne pas se contenter de gérer les institutions actuelles et pour la rupture anticapitaliste. Mais par quoi allons-nous remplacer les vieilles institutions ? Quelle transition vers l’écosocialisme ? Là est le débat digne de ce nom, un débat qu’il conviendrait de mener sérieusement plutôt que d’avoir une posture attentiste, de pinailler, de caricaturer, de chercher le moindre petit désaccord qui peut être monté en épingle.
Au final, cet article ne permet pas de comprendre, au-delà des péripéties, si le NPA juge l’unité nécessaire et possible ou pas.
L’unité de la gauche radicale, une nécessité structurelle de la situation
Si le NPA se trouve dans cette situation, c’est le résultat de sa politique. Il est pris dans un dilemme : abdiquer de se présenter et disparaître ou présenter des listes isolées et diviser le camp de ceux qui résistent à gauche aux politiques libérales et à celles des Hollande-Valls.
On peut jeter la question de l’unité par la porte, elle revient par la fenêtre. Car la violence du choc libéral, la morsure du Front national, la démoralisation qui gagne le mouvement social sont autant d’éléments malheureusement structurels de la situation. Ils rendent totalement indispensable que se dessine une alternative crédible à gauche. Qui peut prétendre l’incarner seul ?
En choisissant clairement l’unité, le NPA prendrait sa part dans cette tâche. Il n’a rien à y perdre. Ni son âme et encore moins son indépendance. Au contraire, il retrouverait de l’oxygène. En faisant le choix du Front du gauche ou tout de moins de l’unité durable avec celui-ci, le NPA en sortirait grandi et non affaibli. Et avec lui le Front de gauche. La réussite de la manifestation du 12 avril l’illustre.
Ensemble avait pris position pour l’union avec le NPA [8] et bien entendu nous regrettons que des listes unitaires n’aient pas vu le jour à ces européennes. Disons également que le Front de gauche porte lui aussi une part de responsabilité. La proposition du NPA a beau être venue tardivement, il n’en demeure pas moins qu’elle aurait dû être l’objet d’un plus grand volontarisme pour y trouver une réponse positive.
Néanmoins, le dialogue qui s’est amorcé pour préparer le 12 et pour les européennes est positif. Il doit être prolongé et se concrétiser, dans la rue et dans les urnes, lors des prochaines échéances. Nous y sommes prêts.
Fred Borras, le 28 avril 2014
L’ARTICLE DU NPA :
Pourquoi des listes unitaires avec Lutte ouvrière et le Front de gauche n’ont pas été possibles ?
Le NPA souhaitait la constitution de listes unitaires avec toutes les forces politiques qui entendent se situer en opposition au gouvernement, à la droite et à l’extrême droite et rejettent toute forme de nationalisme et de souverainisme. Il s’est donc adressé publiquement à LO et aux partis du Front de gauche.
Malheureusement, Lutte ouvrière n’a pas voulu entendre parler de notre proposition.
Quant au Front de gauche, ses propres difficultés et tensions internes n’ont pas permis d’engager de réelles discussions pour tenter de surmonter les désaccords qui existent entre nous.
Car il y a, bien entendu, des positions différentes sur la question européenne : le Parti de la gauche européenne, dont est membre le Front de gauche, se prononce pour une refondation de l’Union européenne qui ressemble plutôt à une tentative de réforme, alors que les anticapitalistes se battent pour la rupture avec les institutions européennes.
Mélenchon peut faire des déclarations ambiguës contre « l’Europe allemande » ou pour « le protectionnisme solidaire », alors que nous défendons une politique internationaliste sans concession aux nationalismes.
Tout en affirmant la « condamnation des ingérences impérialistes et néocoloniales », les listes du Front de gauche ne disent pas un mot sur les interventions de la France en Afrique.
Ces ambiguïtés n’empêchent pas, dans la dénonciation comme dans un ensemble de propositions, de larges accords, critique du capitalisme, de l’austérité, des politiques libérales de la fausse gauche, féminisme, écologie, défense des immigrés… Ces accords existants entre nous pouvaient permettre d’envisager la constitution de listes d’opposition au gouvernement et à l’Europe de l’austérité. Nous regrettons que cela n’ait pas été possible. Le débat politique continue.
Les désaccords qui s’expriment dans le cadre des élections européennes rejoignent nos désaccords au niveau de la politique hexagonale. Rompre avec le capitalisme tant au niveau national qu’européen, c’est rompre avec des institutions vouées à le servir pour inscrire notre programme dans une perspective de transformation révolutionnaire.
Mais nous pouvons nous féliciter d’avoir contribué à ce que toute une partie de la gauche syndicale, politique et associative descende, ensemble, dans la rue le 12 avril et nous militons pour que ce ne soit qu’une étape. Le combat pour rassembler toutes celles et ceux qui veulent résister aux politiques d’austérité et se battre pour la solidarité des travailleuses et des travailleurs par delà les frontières continue… Il est le sens même de notre campagne.