Comme condition de l’aide financière apportée par la « troïka », la Grèce s’est vue imposer des mesures d’austérité drastiques et la privatisation de plusieurs entreprises publiques. Parmi celles-ci, les compagnies de l’eau d’Athènes et de Thessalonique – deux entreprises rentables que personne, localement, ne souhaite voir passer sous le giron du privé. Le gouvernement grec et ses créanciers paraissent néanmoins décidés à imposer une politique au bien-fondé économique contestable et à la légitimité démocratique douteuse. Particulièrement active au premier rang des candidats au rachat du service de l’eau de Thessalonique et d’Athènes, une entreprise française : Suez environnement.
« Right2Water », initiative citoyenne européenne sur le droit à l’eau et contre la privatisation, a annoncé en novembre dernier avoir recueilli suffisamment de signatures (1,9 million dans toute l’Union) pour obliger les institutions européennes à se saisir du dossier. C’était la première fois que cette nouvelle procédure participative, introduite par le traité de Lisbonne, était mise en œuvre avec succès [1]. Une audition s’était tenue avec les parties prenantes au Parlement européen, le 17 février dernier, pour discuter des suites à donner à l’initiative. Dans sa réponse officielle, publiée le 19 mars, la Commission s’est néanmoins refusée à toute action législative dans ce domaine, même si elle s’est trouvée forcée de reconnaître, comme à contre-cœur, que l’eau est un « bien public » et qu’il revient aux collectivités locales d’assumer la responsabilité ultime de ce service. Une réponse jugée trop timorée par les porteurs de l’initiative citoyenne [2], et qui vient aussi confirmer, d’une certaine manière, le peu de responsabilité démocratique des institutions européennes.
D’autant plus qu’au moment même où des centaines de milliers de citoyens européens se mobilisaient ainsi ouvertement contre la privatisation de l’eau, celle-ci connaissait un nouvel élan sur le terrain, à la faveur de la crise de l’euro. En Espagne, au Portugal, en Italie, en dépit de la volonté des citoyens et, le plus souvent, des élus eux-mêmes, la privatisation de l’eau est revenue à l’ordre du jour [3]. Selon les syndicats et les militants anti-privatisation, alors même que les responsables européens continuaient à affirmer haut et fort leur neutralité de principe entre gestion publique et gestion privée, ils ont concrètement profité de la crise pour promouvoir, de manière souterraine, la privatisation de l’eau comme solution aux problèmes budgétaires des États et des collectivités locales du continent.
En Grèce, la privatisation des services de l’eau des deux principales villes grecques, Athènes (EYDAP) et Thessalonique (EYATH), a été exigée par la « troïka » dans le cadre du traitement de choc socio-économique infligé à un pays en pleine crise financière. La troïka, au sein de laquelle sont associés Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international, mais qui fonctionne de manière aussi autonome qu’opaque, a imposé à la Grèce une série de « conditions » pour le versement des tranches successives de l’aide financière internationale – parmi lesquelles une réduction du nombre de fonctionnaires et la cession au privé d’innombrables propriétés et entreprises publiques. La mise en œuvre de cette politique a entraîné, pour les Grecs, une diminution dramatique de leur niveau de vie et de leur accès aux services essentiels, notamment dans le domaine de la santé. Selon ses opposants, réunis sous la bannière de la coalition SOSte to NERO, la privatisation des services de l’eau de Thessalonique et d’Athènes ne peut que marquer un nouveau recul, au bénéfice exclusif d’intérêts commerciaux (grecs ou internationaux), aux dépens des citoyens grecs et, en dernière instance, de la démocratie.
La crise de l’euro, une aubaine pour Suez environnement ?
Du côté de Suez environnement, on s’est ouvertement réjoui des « opportunités » ouvertes par la crise des finances publiques en Europe du Sud. À travers sa filiale espagnole Agbar, le groupe français a ainsi cherché à prolonger et étendre ses contrats de gestion de l’eau et de l’assainissement à Barcelone et en Catalogne, dans des conditions problématiques sur le plan juridique. Ces visées hégémoniques ont entraîné un conflit (encore non résolu à ce jour) entre Agbar et la Généralité de Catalogne, qui a souhaité favoriser un autre consortium. Suez environnement a également renforcé son implication dans Acea, firme italienne en charge de l’eau et de l’électricité de Rome [4] et impliquée dans la gestion de l’eau et de l’assainissement de plusieurs villes du Latium et de Toscane. Objectif ? Créer progressivement un « troisième pilier » pour le groupe en Italie, aux côtés de ses marchés historiques français et espagnol. Et tant pis si, lorsqu’ils ont été consultés par référendum, les Italiens aussi bien que les Espagnols se sont massivement prononcés contre la privatisation de l’eau.
En Grèce, Suez se déclare intéressée aussi bien par le service de l’eau d’Athènes que par celui de Thessalonique [5]. Ces deux acquisitions semblent d’autant plus avantageuses pour le groupe français que la bourse grecque s’est effondrée suite à la crise financière. EYDAP et EYATH peuvent donc être acquises pour une somme relativement modeste au regard de leur santé financière réelle. C’est à Thessalonique que le processus de privatisation paraît le plus avancé, même si, dans les deux cas, le processus de privatisation se heurte à des nombreux obstacles juridiques et politiques. Le gouvernement grec assurait encore récemment que le transfert d’EYATH au privé pourrait être bouclé dès le mois de mars 2014.
Au terme de l’appel d’offres lancé début 2013, les deux consortiums encore en lice pour racheter les parts de l’État grec dans le service d’eau de Thessalonique sont celui emmené par Suez environnement et un autre conduit par Mekorot, la compagnie israélienne de l’eau. Suez, qui cherche à acquérir 51% de parts dans EYATH et prendre en charge dans la foulée la gestion de l’entreprise, est associée au groupe grec de BTP EllAktor, contrôlé par l’homme d’affaires George Bobolas (dont le groupe est aussi propriétaire de plusieurs médias grecs). Tout le monde semble considérer la firme française comme le grand favori, du fait qu’elle a déjà une participation de 5% dans EYATH et semble disposer de meilleures connexions politiques.
Jusqu’ici, les négociations sur les conditions de vente d’EYDAP et EYATH se sont déroulées dans des conditions opaques, dans le cadre de discussions entre gouvernement grec (via la TAIPED, son agence spéciale en charge du programme de privatisations), la troïka et les investisseurs potentiels. Cette absence de transparence s’explique en partie par le fait que la TAIPED, à laquelle ont été transférées toutes les parts de l’État grec dans les entreprises à privatiser, n’est plus soumise à aucune forme de supervision parlementaire. Initialement, la privatisation des deux sociétés ne devait être que partielle, mais un vote du Parlement de fin 2012 a autorisé l’État grec à céder toutes ses parts. Les rumeurs les plus folles ont circulé sur les montages financiers envisagés et les conditions excessivement favorables qui pourraient être faites aux investisseurs. Du fait du cours actuel d’EYATH en bourse, le montant de la transaction devrait être d’environ 110 millions d’euros (pour 51% de parts).
Résistance locale et internationale
La perspective d’une privatisation du service de l’eau de Thessalonique, voulue par l’État grec sous pression européenne, remporte une forte opposition dans la ville. La coalition SOSte to NERO, créée à l’initiative des syndicats locaux, a organisé la résistance localement et a réussi à mobiliser de nombreux soutiens internationaux. Plusieurs maires de l’agglomération ont exprimé leur souhait de racheter eux-mêmes les 51% de parts d’EYATH destinés aux prestataires privés. Un groupe de citoyens et de syndicalistes issu du mouvement d’opposition à la privatisation a tenté de participer officiellement à l’appel d’offres dans le cadre de l’« Initiative 136 ». Celle-ci proposait une reprise d’EYATH par les citoyens de Thessalonique eux-mêmes, sous la forme d’un réseau de coopératives d’usagers. Chaque habitant de la ville aurait acquis une part non-transférable du service de l’eau, pour un montant de 136 euros par logement connecté au réseau. Il était envisagé de faire appel à des « investisseurs éthiques » internationaux et à des acteurs de la finance solidaire pour aider les résidents à acquérir leur part. Cette réappropriation citoyenne devait s’accompagner d’un fonctionnement plus démocratique et plus participatif du service. Malheureusement, cette proposition aussi novatrice qu’hérétique par rapport aux cadres de pensée dominants n’a pas été retenue par la TAIPED, sans que celle-ci ait même daigné argumenter son refus [6].
Les opposants à la privatisation de l’eau, réunis au niveau national sous la bannière de la coalition Save Greek Water, ont également dénoncé dans une lettre ouverte les encouragements apportés par François Hollande au programme grec de privatisation de l’eau, sous prétexte qu’il pourrait profiter à des entreprises françaises. En juillet 2013, à nouveau, un appel signé par plusieurs dizaines d’organisations, de syndicats et de mouvements sociaux internationaux, ainsi que par une cinquantaine députés européens, a été lancé aux deux consortiums pour qu’ils retirent leur candidature : « Nous espérons que les entreprises aujourd’hui ne basent plus leur modèle commercial sur l’opportunisme, ni qu’elles cherchent à s’aventurer là où elles ne sont clairement pas les bienvenues. Il y a une alternative à votre offre qui a l’approbation des travailleurs d’EYATH, des habitants de Thessalonique, des municipalités et de nous-mêmes. Il s’agit de maintenir l’eau comme bien public et de s’assurer que sa distribution reste un service de haute qualité. »
Rien n’y a fait : ni Suez ni Mekorot ne se sont retirées du processus. En réponse à nos questions, la firme française indique qu’il lui « paraît essentiel que [son] intervention soit souhaitée », mais se retranche derrière la responsabilité de l’État grec : « Nous pensons que les décisions de l’Etat Grec ne se font pas sans concertation avec les autorités locales. » Le 15 janvier dernier a eu lieu la présentation officielle, par la TAIPED, de sa proposition de transfert d’EYATH. Les employés de l’opérateur ont marqué l’événement par une journée de grève, et les maires des communes concernées sont intervenus en séance pour manifester leur opposition. Mais il semble malheureusement qu’en Grèce, la voix des élus et des citoyens ne pèse plus très lourd face aux exigences des créanciers.
Constatant que les voies démocratiques officielles ne leur donnaient aucune prise sur le processus décisionnel, les opposants à la privatisation et les syndicats ont décidé de prendre les choses en main en organisant eux-mêmes à Thessalonique - comme cela avait été fait auparavant en Italie, en Espagne ou en Allemagne - un référendum populaire sur la privatisation de l’eau. Celui-ci aura lieu le 18 mai prochain, au même moment que les élections locales. Sous pression de leurs administrés, plusieurs maires de l’agglomération (dont celui de Thessalonique) ont annoncé leur intention de soutenir la tenue du référendum, et les syndicats ont également fait circuler un appel à soutien au niveau européen, sollicitant notamment des contributions financières, ainsi que l’envoi de volontaires ou d’observateurs pour aider à l’organisation du scrutin. En Grèce comme ailleurs en Europe, les citoyens sont massivement opposés à la privatisation de l’eau. Un sondage réalisé à Thessalonique il y a quelques mois comptait 76% d’opinions défavorables. Même si le référendum n’aura de toute façon aucune valeur officielle, les organisateurs espèrent qu’un vote massif contre la privatisation sera suffisant pour dissuader Suez et Mekorot de donner suite à la transaction. Nous avons demandé à la firme française si elle se retirerait en cas de vote massif contre la privatisation le 18 mai prochain ; elle n’a pas souhaité répondre à cette question.
Les opposants à la privatisation placent également leurs espoirs dans le Conseil d’État grec, qui doit se prononcer sur la validité constitutionnelle de la procédure de privatisation d’EYATH et d’EYDAP. Les syndicats grecs ont saisi cette instance en faisant valoir que la création de la TAIPED et le transfert, à cette entité non responsable devant le Parlement, des parts de l’État grec dans des entreprises publiques assurant des services fondamentaux, est en violation de plusieurs dispositions constitutionnelles. La publication de la décision du Conseil d’État se fait attendre depuis plusieurs semaines [7]
Mekorot déclare aujourd’hui attendre cette décision avant de confirmer son offre de rachat d’EYATH. Alors que plusieurs sources locales nous avaient indiqué que Suez n’avait, elle, pas hésité à déposer malgré tout une offre officielle, l’entreprise le dément officiellement dans ses réponses à nos questions. De manière générale, la firme israélienne semble avoir choisi de maintenir un profil bas, par contraste avec l’activisme dont a fait preuve Suez. Même si elle est relativement nouvelle sur la scène internationale de la privatisation de l’eau, Mekorot s’est retrouvée au centre de nombreuses controverses sur l’accès à l’eau dans les territoires occupés et a été critiqué à de nombreuses reprises par les défenseurs des droits de l’homme pour le traitement discriminatoire qu’elle réserve aux Palestiniens [8].
Opération séduction de Suez
Pour rendre son offre plus séduisante, la firme française ne semble en effet pas avoir lésiné sur les promesses : elle a annoncé en janvier 2014, par la voix de Diane d’Arras, directrice adjointe Eau Europe, pas moins de 250 millions d’euros d’investissements sur cinq ans et la création d’entre 2000 et 4000 emplois [9]. Des chiffres pour le moins étonnants dans la mesure où les profits nets annuels d’EYATH sont actuellement « seulement » de l’ordre de 18 millions d’euros. Les critiques soulignent que pour réaliser ne serait-ce qu’une partie de ces investissements tout en rémunérant la société mère et ses actionnaires, une augmentation drastique du prix de l’eau sera nécessaire. Lors d’une conférence de presse tenue face à une assistance triée sur le volet, Diane d’Arras s’est d’ailleurs demandée à haute voix si le prix de l’eau actuellement pratiqué à Thessalonique était suffisant pour maintenir la viabilité du service de l’eau… Or, selon les syndicats, ce prix a déjà été multiplié par trois depuis 2001.
La représentante de Suez a également tenté d’apaiser les craintes en promettant de mettre l’accent sur la protection de l’environnement, en investissant dans le traitement des eaux usées actuellement rejetées dans la baie du Thermaikos et dans la réduction des pertes d’eau. L’entreprise française assure aussi que le tarif du service de l’eau restera fixé par une « autorité indépendante ». Les opposants ont rétorqué (à distance) que de nombreux exemples passés de privatisation, notamment en Argentine, ont montré qu’une telle autorité, créée dans la précipitation, dispose très rarement du pouvoir et des compétences nécessaires pour encadrer un prestataire privé bien plus puissant [10]. Les militants anti-privatisation ne se privent pas non plus de souligner l’ironie qu’il y a à voir Suez environnement, entreprise lourdement endettée qui a bien du mal à réaliser des profits depuis plusieurs années (du fait de la réduction progressive de la « manne » de la gestion privée de l’eau en France), chercher à acquérir EYATH, qui affiche pour sa part une bonne santé financière.
Privatisations : une logique économique douteuse
Annoncée dès 2009, l’opération de transfert au privé des services de l’eau de Thessalonique et d’Athènes a traîné en longueur. Un délai qui illustre les difficultés plus générales du programme de privatisation imposé à la Grèce. Les exigences formulées par la troïka procèdent en effet d’une logique contestable puisque, sous couvert de réduire le train de vie de l’État grec, on lui impose de vendre ses entreprises les plus « intéressantes » sur le plan économique : ce sont évidemment les seules qui peuvent attirer les investisseurs. Le programme de privatisation voulu par la troïka, qui a déjà mené à la vente au plus offrant de nombreux actifs (ports, mines, etc.), s’est néanmoins heurté à des difficultés importantes pour ce qui est des plus gros « joyaux ». Le tout sur fond d’opposition jamais démentie de l’opinion publique grecque.
Les deux principales entreprises à vendre étaient l’entreprise gazière DEPA et la loterie nationale OPAP. La vente de la première a été repoussée suite au retrait de l’acquéreur pressenti, le russe Gazprom, auquel on n’avait apparemment pas offert des conditions assez favorables. La seconde opération a bien eu lieu, mais donne aujourd’hui lieu à une série de scandales et de procédures judiciaires impliquant les fonctionnaires et les responsables de la TAIPED [11]. Durant l’été 2013, le directeur de la TAIPED Stelios Stavrides a été contraint à la démission après qu’il ait été révélé qu’il avait utilisé le jet privé de l’homme d’affaires grec auquel a été cédé OPAP.
La Grèce a également vendu son réseau de gaz à l’entreprise publique de pétrole et de gaz de l’Azerbaïdjan et s’apprêterait à vendre son réseau d’électricité. D’autres privatisations envisagées, dans le domaine des aéroports, de la métallurgie ou de l’armement, progressent lentement du fait de la réticence de certains hommes politiques et de l’opinion publique.
Au-delà des cas médiatisés de vente du patrimoine national à des intérêts « étrangers », les milieux d’affaires grecs sont souvent les premiers bénéficiaires de cette politique de privatisation. Dans le cas de l’eau, les consortiums internationaux en lice sont étroitement associés à des entreprises grecques proches du pouvoir. Mekorot a fait candidature commune avec l’entreprise de BTP et de production énergétique Terna et l’homme d’affaires George Apostolopoulos, actif dans le secteur de la santé. Le groupe de médias et de construction EllAktor, partenaire de Suez, est également partie prenante, avec la bénédiction du gouvernement, de projets très contestés d’extraction d’or en Chalcidique, dans le Nord du pays, dans le cadre d’une joint-venture avec une compagnie canadienne.
En ce qui concerne EYATH et EYDAP, comme pour les privatisations antérieures, les critiques dénoncent les conditions financières très favorables offertes aux acquéreurs potentiels. Les 61% de parts de TAIPED dans EYDAP pourraient être cédées pour 350 millions d’euros, sans véritable rapport avec sa profitabilité : 62 millions d’euros de résultat net sur 353 millions de chiffres d’affaires en 2012, sans compter des réserves de cash de 43 millions, 881 millions de fonds propres, et plus de 1,2 milliards d’euros de créances vis-à-vis de l’État grec et de ses diverses agences et entreprises. La proportion entre le prix de vente d’EYATH et ses résultats financiers effectifs est similaire. Il est question de 110 millions d’euros pour 51% des parts, alors que l’entreprise affichait en 2013 un résultat net de 18 millions d’euros, sur un chiffre d’affaires de 77 millions, avec des réserves de cash de 33 millions d’euros, des capitaux propres de 135 millions d’euros [12].
Mais il y a peut-être pire. En janvier 2014, le quotidien grec Eleftherotypia/Enet révélait que plus d’une centaine de millions d’euros de travaux étaient prévus pour rénover le réseau d’eau et d’assainissement de Thessalonique avant qu’il soit transféré au secteur privé – un véritable cadeau au futur repreneur, financé à hauteur de 75% par le fonds de cohésion de l’UE et à 25% par l’État grec, presque équivalent au prix de rachat ! Saisi par les militants anti-privatisation, le procureur de Thessalonique a ordonné une enquête et demandé communication du projet de contrat de transfert élaboré par la TAIPED – ce qui lui a été refusé, comme cela l’avait été précédemment aux parlementaires grecs qui s’inquiétaient des conditions de la privatisation [13].
Modèle commercial
EYATH et EYDAP ont été transformées en sociétés anonymes en 2001, l’État grec gardant la majorité des parts [14]. Selon les critiques, cette évolution s’était déjà accompagnée de l’imposition de méthodes de gestion inspirée du secteur privé : d’un côté, les effectifs et les investissements se sont vus drastiquement réduits, et de l’autre, des copieux dividendes étaient versés à l’État et aux municipalités. Suez environnement avait profité de l’opération pour mettre un pied dans la porte en acquérant en 2006 un peu plus de 5% des actions d’EYATH. Le groupe français opère également déjà à Thessalonique une unité de traitement biologique des eaux, également dans le cadre d’une joint-venture avec EllAktor.
Selon les syndicats, suite au passage au statut de société anonyme, l’effectif d’EYATH serait passé de 700 à 235 personnes, faute de remplacement des départs à la retraite ; la compagnie n’aurait plus aujourd’hui que onze plombiers pour plus de 2300 kilomètres de canalisations. La plupart des travaux sont désormais effectués par des sous-traitants, pour un prix supérieur. La qualité du service et l’état du réseau se sont progressivement dégradés, malgré la hausse du prix de l’eau. Ce qui contribue sans doute à expliquer les bénéfices affichés par EYATH au cours des années passées – et aussi l’intérêt de firmes comme Suez.
Olivier Petitjean