Quelles forces a rencontré la délégation internationale à laquelle tu as participé ?
Nicolas Qalander - Nous avons rencontré toutes les organisations de résistance : le Hezbollah, bien sûr, puisque c’est lui qui a le leadership en la matière, le Parti communiste libanais (PCL), et d’autres forces plus petites comme le Parti du peuple de Najih Wakim (sunnite indépendant, gauche), la Troisième force, de l’ex-Premier ministre Selim Hoss, et le Front démocratique de libération de la Palestine. Toutes ces forces constituent le front de la résistance libanaise et ont une coordination régulière. Nous avons également rencontré le courant du général Aoun, qui n’appartient pas à ce regroupement mais qui, ayant passé un accord avec le Hezbollah, a assisté aux réunions que nous tenions.
Quels étaient vos objectifs ?
N. Qalander - On voulait d’abord entendre les forces de la résistance libanaise. On cherchait à créer, sur le long terme, des contacts permanents, pour pouvoir mettre la résistance libanaise en relation avec le mouvement social et altermondialiste, à l’image de ce que nous avons fait en Palestine. L’un de nos buts était d’organiser de futures missions internationales de témoignage qui puissent rendre compte des conséquences des bombardements israéliens.
Le front de la résistance libanaise regroupe des partis aux projets de société bien différents. Comment cette association est-elle possible ?
N. Qalander - Les principales forces de ce regroupement, le Hezbollah et le Parti communiste libanais, sont d’accord sur la question nationale : l’occupation israélienne des territoires libanais et la libération des prisonniers libanais détenus en Israël. Il y a quelques années, le Hezbollah a fait libérer beaucoup de prisonniers membres du Parti communiste libanais, et il continue de revendiquer la libération de militants communistes. Ensuite, ils ont des points communs concernant certaines questions sociales. Le Hezbollah et le PCL ont ainsi organisé la manifestation en défense des services publics libanais, le 10 mai dernier. Donc, même si le projet de société à long terme n’est pas le même, il y a des points d’accord tactiques.
L’armée israélienne a pilonné certaines parties du Liban, engendrant des dégâts humains et matériels colossaux. Qu’as-tu pu observer ?
N. Qalander - La délégation est restée à Beyrouth. De nombreux quartiers de la capitale ont été bombardés, dont celui d’Haret Hreik que nous avons visité. Là, tous les habitants avaient été évacués et un immeuble sur deux avait été bombardé. Les écoles de Beyrouth ont dû être rouvertes pour accueillir près de 30 000 personnes, ce qui va engendrer de nombreux problèmes à la rentrée scolaire. De nombreuses tentes prenaient place dans les quartiers bourgeois, non visés par les bombardements. Sinon, tout le pays était touché par la guerre : l’essence manquait, l’alimentation en eau était défectueuse, les camions étaient bombardés... Dans le sud du Liban, certains villages ont été rayés de la carte. Les bombardements israéliens sont à l’origine d’un flot d’un million de réfugiés (sur quatre millions d’habitants) : la plupart ont rejoint leur famille dans d’autres quartiers, 250 000 sont partis en Syrie, et le reste dans les écoles.
Quel est le sentiment de la population ?
N. Qalander - J’ai senti une très forte volonté de résistance, toutes confessions confondues. Par exemple, lors d’une manifestation faisant suite au massacre de Canaa - 50 morts lors d’un bombardement -, on voyait des jeunes filles chrétiennes non voilées tenant le drapeau du Hezbollah... Un des buts des Israéliens et des Américains était de diviser les Libanais et de jouer sur les clivages confessionnels. Mais ils ont échoué : la population reste unie.