Tokyo, correspondant,
Des débris calcinés et un homme gisant, le ventre ouvert à la manière du « bien-mourir » des guerriers (seppuku) : tel était le spectacle que donnait, dans la soirée du 15 août, anniversaire de la reddition du Japon, la maison du député de la majorité libéral-démocrate Koichi Kato, dans le département de Yamagata (nord de Honshu). Le coupable, Masahiro Horigome, 65 ans, inculpé d’incendie criminel, appartient à un groupuscule d’extrême droite. Il avait voulu protester par son acte contre les prises de position de l’ancien secrétaire général du Parti libéral-démocrate (PLD), qui critique les visites du premier ministre Junichiro Koizumi au sanctuaire Yasukuni où sont honorées, parmi les âmes des morts pour la patrie, celles de criminels de guerre.
« Le Japon est sur une pente dangereuse » estime M. Kato, soulignant le climat délétère qui règne dans l’Archipel où il nourrit des « poussées nationalistes ». « Les Japonais réagissent désormais impulsivement, dit-il. La récession et les réformes du gouvernement Koizumi ont entamé les liens communautaires, et les individus, tels des ballons lâchés dans le ciel, sont emportés par la moindre brise. Aujourd’hui, celle d’un nationalisme émotionnel. »
Le Japon n’a pas de parti politique de droite. Mais un millier de groupuscules extrémistes (parfois de quelques membres), pour la plupart liée à la pègre, pratiquent un patriotisme militant. A bord de fourgons noirs arborant des drapeaux japonais et flanqués de mégaphones, ils vocifèrent leurs slogans au son de marches militaires. L’idéologie est prétexte, dans leur cas, à des chantages auprès de particuliers ou d’entreprises qui, pour faire cesser leur vacarme, acceptent de les « dédommager ».
INCIDENTS SPORADIQUES
Le terrorisme de droite n’est pas nouveau en soi : en 1990, le maire de Nagasaki fut blessé pour avoir accusé l’empereur Showa (Hirohito) d’être responsable de la guerre ; trois ans auparavant, un journaliste d’Asahi Shimbun avait été tué par un extrémiste ; en 2005, des cocktails Molotov embrasés étaient découverts devant la maison de Yotaro Kobayashi, président de Fuji Xerox, connu pour sa position favorable à la Chine.
« La liberté d’expression s’amenuise », poursuit M. Kato. A l’intimidation de l’extrême droite et à la virulence des critiques des médias de tendance idéologique similaire à l’encontre de certains articles de la presse étrangère s’ajoutent des incidents sporadiques. Epinglé par le quotidien Sankei (droite) pour un article critique de l’attitude du Japon vis-à-vis de la Chine et de son passé, publié sous la signature du rédacteur en chef dans sa lettre d’information en ligne, JIIA Commentary, l’Institut japonais pour les affaires internationales (qui dépend du ministère des affaires étrangères) a décidé de fermer son site Internet. En revanche, un moine bouddhiste « coupable » d’avoir pénétré dans un immeuble d’habitation pour y distribuer des tracts du Parti communiste japonais (PCJ) a passé 23 jours en prison. Il vient d’être reconnu non coupable par le tribunal de Tokyo.