Trois mois de grève des postiers dans le 92
Trois mois de grève, et ce n’est toujours pas fini. Pourquoi ce mouvement des facteurs de Rueil-Malmaison, La Garenne-Colombes/Bois-Colombes, Courbevoie, Gennevilliers et d’autres centres prend-il l’allure d’un tel bras de fer ? La grève est partie de manière atypique. Les facteurs de Rueil-Malmaison se sont mis en grève à 87 % pour exiger la réembauche d’une de leurs collègues dont le contrat d’insertion n’avait pas été renouvelé. Alors que la direction faisait la sourde oreille à une revendication pourtant minimaliste, au bout d’une semaine, trois autres précaires récemment congédiés s’impliquaient également dans le mouvement. Des salariés privés d’emplois participent ainsi aux actions, s’expriment et votent dans les AG quotidiennes de grévistes, comme leurs collègues en CDI ou fonctionnaires.
Pourquoi la direction n’a-t-elle pas cédé dès le départ pour désamorcer le conflit ? Parce qu’elle avait en tête un tout autre enjeu que l’embauche de quatre personnes : le bureau de Rueil-Malmaison n’a pas subi de restructuration depuis 1999, et La Poste veut absolument faire cesser ce qu’elle considère comme une dangereuse anomalie. Grâce à des grèves reconductibles de plusieurs semaines en 2005, 2007 et 2009, mais aussi à la participation aux mouvements inter-secteurs de 2006 (CPE) et de 2010 (retraites), les facteurs de cette ville ont en effet empêché l’application de « Facteur d’Avenir », cette vague de restructurations qui s’est traduite par des milliers de suppressions d’emplois sur le territoire et par la mise à mal du principe « une tournée, un facteur ».
Les grèves à la Poste sont habituellement très fragmentées, métier par métier, centre par centre et même service par service. Celle-ci, outre l’unité précaires/salariés en CDI, a pu à certains moments franchir ces barrières : deux samedis de mobilisation commune avec les guichetiers de Rueil-Jaurès, qui ont ainsi repoussé de plus d’un an et demi la restructuration qui visait leur centre, et deux semaines de grève reconductible à la plateforme colis de Gennevilliers aux côtés des facteurs. Les colipostiers ont repris le travail avant d’avoir pu obtenir gain de cause mais ont fait trembler la direction, étant donné le caractère stratégique de ce centre.
De même y a-t-il eu dix jours de grève et d’AG communes avec les facteurs de Carrières-sur-Seine (78), là-bas à la CGT, donc dans l’unité entre CGT et SUD (dont le syndicat du 92 est au cœur du mouvement). Les grévistes se sont également adressés directement aux facteurs de Paris, en proposant une coordination des postiers de région parisienne pour discuter comment regrouper les luttes.
En menant nombre d’actions en direction des sièges sociaux de La Poste et de ses filiales, en réalisant des actions communes avec les intermittents/précaires en lutte pour leurs propres revendications, les grévistes ont montré leur détermination. La grève tient malgré les retenues sur des salaires déjà très faibles (autour de 1200 euros par mois).
La Poste a fini par accepter de négocier… au bout de 65 jours de grève. Mais après avoir fait traîner les pourparlers pour essayer d’épuiser les grévistes, elle menace aujourd’hui de rompre à nouveau les négociations. Ce mouvement a impliqué jusqu’à 200 grévistes au plus fort et n’est jamais descendu en-dessous de 80 grévistes en reconductible. Il aura dans tous les cas un impact qui dépassera les limites des Hauts de-Seine.
Hosea Hudson
* Paru dans la Revue L’Anticapitaliste n°54 (mai 2014). http://www.npa2009.org/
Postier.e.s du 92. 100 jours de grève : solidarité !
Mercredi 7 mai, Bruno, postier de Paris, s’est vu signifier son licenciement par une commission disciplinaire. Sa « faute » ? Avoir salué le 26 mars les grévistes des Hauts-de-Seine qui occupaient la Direction opérationnelle territoriale courrier (DOTC) de Paris-nord...
Outre Bruno, trois militants de Sud-Poste 75 et sept du 92 sont visés par des procédures de licenciement. Parmi ces derniers, Gaël Quirante fait déjà l’objet d’une procédure depuis 2010, en attente de jugement au tribunal administratif.
L’État s’en mêle
En 2012, des militants avaient été condamnés par la justice pour une prétendue « séquestration » (la décision est en attente à la Cour de cassation). Cette fois, cinq grévistes sont convoqués à la Sûreté territoriale le 21 mai. L’occasion d’un grand rassemblement contre la répression.
Cela révèlent la fébrilité de La Poste face à la grève de quatre bureaux des Hauts-de-Seine. Une grève animé par les postierEs qui, chaque jour, vont voir leurs collègues du département, mais aussi des Yvelines ou de Paris.
Des bureaux pourraient bien se mettre également en grève : ceux de Paris 15 où un projet de réorganisation supprimerait trente-cinq tournées et douze repos à l’année, de Paris-Europe où travaille Bruno ou encore de Paris 10 !
Une telle perspective fait sortir les postierEs du 92 de l’isolement... Et donne des frissons à La Poste. Clairement, la répression vise autant à faire plier les grévistes d’aujourd’hui qu’à décourager les mobilisations de demain.
Une grève contre la précarité et contre les suppressions d’emplois
La grève heurte de front la politique de La Poste, qui touche des subventions pour les « emplois aidés » (elle bénéficie des « Contrats uniques d’insertion », des « emplois d’avenir »... et de 293 millions d’euros au titre du crédit impôt compétitivité) sans titularisation à la clé : elle préfère renouveler sans cesse la juteuse opération avec de nouveaux précaires.
Les grévistes de Rueil-Malmaison, d’où est parti le conflit, ne demandaient au début que la titularisation de l’une de leurs collègues qui n’avait pas été renouvelée à la fin de son CDD. La grève remet en cause le pouvoir des patrons à embaucher et à virer les salariés à leur guise.
Cela va au-delà de La Poste : les questions de la précarité et des suppressions d’emplois sont au cœur de nombreuses luttes ouvrières et de la jeunesse de ces dernières années. Les grévistes ne s’y sont pas trompés en menant des actions et en organisant des cortèges de manifestation en commun avec les intermittentEs, précaires et intérimaires d’Île-de-France.
La solidarité, l’affaire de toutes et tous
Cette grève déterminée, auto-organisée, organisant la convergence et l’extension des luttes, pourrait bien mener à une victoire sur les revendications. Mais cela ne sera possible que si elle tient. Après trois mois et demi, la question financière est cruciale pour des salariéEs dont les paies habituelles sont déjà au rabais.
Ni les pressions financières ni la répression ne doivent faire obstacle à la mobilisation !
La solidarité passe par la signature de la pétition de soutien (1), par une aide financière aux grévistes (2), et la participation la plus massive au rassemblement contre la répression qui se tiendra mercredi 21 mai à 8h30 (3).
Correspondant
1- http://www.change.org/fr/pétitions/sud-poste-92-après-trois-mois-de-grève-soutenons-les-postiers-du-92
2- Caisse de grève : chèques à SUD Poste 92, 51 rue Jean Bonal, 92 250, La Garenne-Colombes, mention « solidarité grévistes » au dos.
3- 3-5 rue Riquet, Paris 19e (métro Riquet, ligne 7)
* Paru dans l’Hebdo L’Anticapitaliste - 242 (16/05/2014). http://www.npa2009.org/