« La « victoire » du FN aux élections européennes est le résultat direct de la politique néolibérale de Hollande et de son équipe lamentable. Devant l’affaiblissement des structures économiques et les crises sociales, nous risquons de voir beaucoup de gens dériver vers le Front national. D’autant que le Front de gauche n’a pas su capter l’immense « colère sociale » aujourd’hui déviée en partie dans les voies racistes et xénophobes.
La seule carte originale à jouer pour la gauche radicale aurait été de proposer des listes européennes internationalistes. Elle aurait dû réaliser par exemple un tract commun avec les Allemands, les Belges, les Italiens, les Grecs et tous les autres pour défendre une politique de rupture commune avec austérité et le néolibéralisme. Il aurait fallu mettre en avant l’exemple italien le plus porteur d’avenir : L’Altra Europa con Tsipras. Mais plutôt que de mettre l’accent sur la construction d’une autre Europe, le Front de gauche reste beaucoup trop dans le jeu des institutions françaises. Ce n’est pas la brève visite de Tsipras, président du parti grec Syriza, en France qui aura suffi.
« Ce drame que nous vivons, c’est celui de la disparition de l’internationalisme »
Le national a pris le dessus sur tout autre mode d’opposition à l’Europe actuelle. La nostalgie pour le programme du Conseil national de la Résistance et la référence à l’État social, aussi importantes et explicables soient-elles, témoignent d’une vision qui fait de l’espace national le seul espace possible de redistribution. L’un des dangers les plus graves qui nous guettent est le développement du nationalisme de gauche : une certaine manière d’invoquer la « patrie », un appel à faire du franc la seule monnaie qui nous sauvera, cette obsession de rendre à la nation sa « souveraineté » perdue, cette tentation de faire de l’État français le dernier rempart face à la barbarie.
À certains moments, les meilleurs esprits se laissent aller aux passions tristes. Ce drame que nous vivons, c’est celui de la disparition de l’internationalisme. Depuis trop longtemps, dans le champ politique, personne n’a remis en chantier les nouvelles tâches internationales à mener. L’altermondialisme n’est pas relayé politiquement. Pourtant, une mobilisation internationale, une coordination visible et un programme commun européen sont la seule manière d’éviter les dérives nationalistes. La tâche fondamentale de notre époque est de réinventer la gauche politique sur des bases clairement internationalistes. »
Entretien avec Christian Laval, par Marion Rousset