Maurienne, c’était son nom de guerre, probablement choisi en référence au haut lieu de la résistance anti-nazie que fut cette région. Il repose depuis le mercredi 21 mai au cimetière Diar Essâada d’Alger, dans cette terre qu’il a contribué à libérer du joug du colonialisme français. Sur sa tombe, une épitaphe : « J’ai quitté ma famille, j’ai quitté mon pays, je suis citoyen du monde »...
Quel plus bel hommage pouvait être rendu à Jean-Louis Hurst que la foule algérienne l’accompagnant à ses obsèques... Lui qui modestement, lorsqu’il militait au sein des réseaux de soutien au FLN, s’était défini lui-même comme « le frère des frères », comme s’appelaient entre eux les moujahidines. Les représentants du gouvernement algérien n’ont pu faire moins que de donner un caractère officiel à cette cérémonie où se côtoyaient d’anciens combattants de la première heure de la guerre de libération, des militants du Parti socialiste des travailleurs, et des anonymes venus saluer un « juste » qui avait fait le choix de combattre à leur côté.
Militant du Parti communiste, il a très vite été en rupture avec la ligne politique du parti sur la question coloniale. Alors que le mot d’ordre du parti « Paix en Algérie » reste flou sur la question de l’indépendance, il décide rapidement que dans cette sale guerre colonialiste, la seule position pour un révolutionnaire est de ne pas s’en rendre complice et de rejoindre le mouvement de libération nationale. C’est ainsi que dès 1957, à l’âge de 22 ans, le jeune officier entre en contact avec les réseau d’André Jeanson, puis d’Henri Curiel, communément surnommés « les porteurs de valises ».
« Lutter contre son propre impérialisme »
En toute logique, lorsqu’il reçoit l’année suivante sa feuille de route pour l’Algérie, il décide de déserter et de rentrer dans la clandestinité pour continuer le combat. Comme il le disait lui-même « Cela ne faisait pas l’ombre d’un doute, j’avais déjà déserté dans ma tête... » En 1959, il crée avec quelques amis le mouvement Jeune résistance, « une tribune mise à la disposition de la jeunesse française résistant à la guerre d’Algérie et au fascisme ». Cette organisation permettra d’organiser des désertions et des insoumissions d’appelés qui seront à l’origine en septembre 1960 du manifeste des 121, également appelé « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie », impulsé par Jean-Paul Sartre et François Maspero : la seule initiative conséquente des intellectuels français pendant la guerre coloniale.
En 1962, dès l’indépendance proclamée, Jean-Louis Hurst le « pied rouge » ira s’installer à Alger qu’il quittera quelques années plus tard, déçu par les dérives autoritaires du nouveau régime.
On ne peut aujourd’hui encore réaliser le courage qu’il fallut à ces anticolonialistes français qui s’engagèrent dans le soutien à la guerre de libération nationale du peuple algérien. Cela face à une opinion publique hostile à la perte de « ses colonies », une social-démocratie chauvine assumant pleinement la répression d’un pouvoir d’état qu’elle partageait avec les gaullistes, allant jusqu’à assumer les exécutions des militants anticolonialistes, et un PCF qui limitait ses ambitions au retrait des troupes et à la restauration de la paix...
Le premier devoir d’un révolutionnaire est de lutter contre son propre impérialisme... Jean-Louis et ses camarades ne se payaient pas de mots. À nous et aux générations militantes qui suivront de mettre nos principes en harmonie avec nos actes.
Salut Maurienne, ton combat continue !
Alain Pojolat