Les premiers petits drapeaux vert et jaune ont commencé à orner les rues. Ils ont pourtant encore bien du mal à renvoyer l’image d’un Brésil en liesse. A trois jours du coup d’envoi, le pays du football ne semble pas encore disposé à troquer le ras-le-bol et la grogne contre la joie d’accueillir la Coupe du monde.
Les manifestations qui traversent le pays depuis la fronde sociale de juin 2013, dénonçant les carences des services publics, les choix et les dépenses pharaoniques pour les travaux du Mondial, n’ont cessé de grossir ces dernières semaines.
Profitant de la visibilité du pays pour mettre les autorités sous pression, comme les employés du métro en grève à Sao Paulo, ces mobilisations sectorielles, soutenues par les mouvements anti-Mondial et stimulées par l’exaspération contre le coût de la vie et les prévisions économiques sans cesse revues à la baisse, s’inscrivent dans un contexte social et politique particulier.
Le pays pourrait connaître encore d’importantes manifestations durant les prochaines semaines. Chauffeurs de bus, policiers ou vigiles des banques, personnels des musées, fonctionnaires municipaux ou professeurs : à l’heure où la présidente Dilma Rousseff, candidate à sa propre réélection en octobre, poursuit sa baisse dans les sondages (34 % d’intentions de vote en juin, soit 10 points de moins qu’en février), des représentants de différentes catégories socio-professionnelles ont décidé de maintenir la pression afin d’obtenir gain de cause.
Quelques milliers de manifestants ont bloqué la circulation dans plusieurs grandes villes du Brésil à 28 jours du Mondial, notamment à Sao Paulo et à Rio de Janeiro. Ils critiquent les dépenses publiques pharaoniques allouées l’événement.
Le collectif des « comités populaires de la Coupe », un réseau d’observateurs et de militants basés dans les douze villes hôtes du Mondial, prépare en ce début de semaine un agenda des mobilisations à venir. Une manifestation est prévue à Sao Paulo jeudi 12 juin, jour de la cérémonie d’ouverture et du premier match (Brésil-Croatie), qui se déroulera en présence de Dilma Rousseff et de onze chefs d’Etat.
MANIFESTATION À COPACABANA
Une autre est programmée trois jours plus tard aux côtés du Mouvement passage libre, le groupement de jeunes activistes revendiquant la gratuité des transports qui avait été à la pointe de la contestation de juin 2013.
Des actions encore non programmées sont prévues avec le Mouvement des travailleurs sans toit, dont les actions prennent de plus en plus d’ampleur. Ils étaient 15 000 fin mai dans la capitale pauliste.
A Rio de Janeiro, une réunion prévoyant l’organisation d’au moins quatre manifestations devait se tenir mardi 10 juin. Ici aussi, un rassemblement est déjà programmé jeudi, jour du coup d’envoi. Il aura lieu à Copacabana, devant l’espace de la FIFA (Fédération internationale de football). Des manifestations devraient également avoir lieu lors des rencontres au stade Maracana, jusqu’à la finale du 13 juillet. L’absence d’accord et de négociations entre le gouvernement de l’Etat, la mairie carioca et les secteurs en grève laisse également présager des manifestations de différentes catégories socio-professionnelles pendant toute la durée du tournoi.
Rafael Alcadipani, professeur à la Fondation Getulio-Vargas, affirme qu’il est toutefois difficile de mesurer l’ampleur de ces mouvements, l’adhésion du public et le degré de la riposte des forces de sécurité. Un incident causé, par exemple, par une réponse disproportionnée de la police militaire, comme cela avait été notamment le cas en 2013, pourrait grossir le nombre de manifestants
Dimanche 8 juin, malgré la menace d’une amende de 500 000 reais (163 000 euros) par jour de grève et de la mise à pied des leaders syndicaux, une assemblée générale des employés du métro de Sao Paulo a décidé de la reconduction du mouvement, jugé illégal par la justice. Le même jour, Dilma Rousseff demandait aux Brésiliens de montrer « de la joie et de la civilité ».
Nicolas Bourcier (Rio de Janeiro, correspondant régional)