La Grèce a adhéré très tôt à l’Union européenne : en 1981 elle a rejoint la Communauté Économique Européenne devenue par la suite l’Union Européenne (UE). Espérant que l’appartenance à cette « famille européenne » les prémunirait contre le risque d’être gouvernés de nouveau par des dictateurs, les Grecs ont applaudi au rapprochement. Malheureusement, les dernières années le peuple a dû déchanter. Bruxelles ne lui envoie que des mauvaises nouvelles et les rapports de ses technocrates prônent des mesures d’austérité que le gouvernement d’Antonis Samaras applique docilement.
Le vote est obligatoire en Grèce, mais rien n’est fait pour encourager les gens à participer au scrutin. Contrairement à d’autres pays, le « berceau de la démocratie » n’offre pas à ses citoyens à l’étranger la possibilité de voter depuis leur domicile. Pour exercer ce droit démocratique élémentaire, l’expatrié doit retourner dans sa commune natale. Heureusement, les règles sont différentes pour les élections européennes : le citoyen étranger originaire d’un pays de l’UE résidant dans un autre Etat membre de l’Union peut exercer son droit de vote comme les nationaux du pays d’accueil.
Le dimanche des urnes. Le 25 mai, les Grecs devaient élire leurs députés au Parlement européen et en même temps participer au deuxième tour des élections municipales et régionales. Ces scrutins étaient un test pour la gauche, qui réclame des élections nationales anticipées. Un bon score lui aurait donné davantage de légitimité pour contester la politique gouvernementale, ses mesures d’austérité actuelles et à venir.
43 partis et formations et plus de 500 candidats se sont disputés les 21 sièges du Parlement européen, qui reviennent à la Grèce (sur un total de 751). La documentation offerte par le parti de gauche Syriza était particulièrement riche. Une brochure présentait les biographies succinctes et les photos des candidats au Parlement européen et une plaquette de quelque cent pages exposait le programme de Rena Dourou, la candidate aux régionales pour l’Attique. Dans une troisième publication intitulée « La Bible de la honte », les représentants du Syriza au Parlement national dénonçaient, faits et chiffres à l’appui, les pratiques douteuses du gouvernement pour faire voter des lois, étouffer des scandales, accorder des privilèges et supprimer des droits.
En parcourant le fascicule de présentation des candidats du Syriza au Parlement européen, on constate que seule la moitié d’entre eux sont membres de ce parti. Le reste est composé de militants des droits de l’homme, de syndicalistes, de personnalités du monde universitaire (économistes, politologues), de journalistes, d’artistes, de militants engagés dans des projets de solidarité internationale, et de personnes issues des couches de population frappées de plein fouet par les mesures d’austérité : des nettoyeuses des bâtiments publiques licenciées, d’anciens journalistes de la radio-télévision publique supprimée par le gouvernement, des chômeurs, des représentants des malades privés d’assurance et de soins. L’électeur avait la tâche difficile de désigner seulement quatre personnes parmi tous ces candidats au parcours politique et personnel fort intéressant (42 candidats en tout, dont 16 femmes). De Syriza ont été élus Manolis Glezos, Sophia Sakorafa, Dimitris Papadimoulis, Konstantina Kouneva, Giorgos Katroungalos et Kostas Chryssogonos.
Pendant la période préélectorale, les leaders du KKE (parti communiste) traitaient Syriza en ennemi dont il faut se méfier ; « seul le peuple » sous la direction messianique du KKE serait apte à sortir les Grecs de l’impasse actuel. Son secrétaire général Dimitris Koutsoumbas alla même jusqu’à refuser le soutien que Syriza proposait aux candidats communistes lors du deuxième tour. Heureusement pour la population, le maire communiste de Patras, la quatrième ville du pays, a quand même été réélu.
Avec ses 27% de voix et ses six élus, Syriza est le vainqueur incontesté des élections européennes en Grèce. La Nouvelle Démocratie (droite gouvernementale) n’a réussi à placer que cinq représentants, la formation fasciste Aube dorée (rebaptisée Aube nationale pour le cas où elle serait interdite en Grèce) devance, avec trois sièges, les formations centristes l’Olivier et la Rivière qui obtiennent deux sièges, tout comme le KKE qui envoie à Strasbourg Kostas Papadakis, un jeune assistant social, et Sotiris Zarianopoulos, un employé de banque, syndiqué de la GSSE (syndicat des employés du privé). L’ANEL (Grecs indépendants) fait son entrée avec un seul délégué.
Le succès de Syriza aux européennes et les victoires de ses candidats à plusieurs municipales et régionales pourraient aider la population à reprendre confiance en sa force. Bien qu’encore trop désunie, la gauche est mieux placée pour défendre les intérêts de la population et préparer les prochaines élections nationales.
Anna Spillmann