Le gouvernement japonais a adopté, mardi 1er juillet, une résolution levant le garde-fou constitutionnel qui empêche le Japon de mener des opérations militaires à l’étranger depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Ce projet de révision de la doctrine pacifiste du pays, à l’initiative du premier ministre Shinzo Abe et approuvée par Washington, marque le tournant le plus important depuis la création, il y a soixante ans, jour pour jour, de la Force d’autodéfense, (SDF), le nom officiel de l’armée nippone.
La nouvelle interprétation de la Constitution de 1947, adoptée à l’époque pour enterrer les visées expansionnistes du Japon, pourrait également faciliter l’intervention de troupes nippones dans le cadre de missions de l’ONU ainsi que dans la « zone grise » des conflits de faible ampleur. La résolution du gouvernement, qui propose de mettre fin à l’interdiction du droit à l’« autodéfense collective », va être à présent soumise au Parlement.
Les conservateurs jugent que l’article 9 de la Constitution – celui que propose de modifier le gouvernement Abe – empêche le pays de se défendre correctement et jugent que les nouveaux équilibres géopolitiques dans cette région du monde, où la Chine prend une place croissante, exigent un dépoussiérage de la doctrine héritée de l’immédiat après-guerre.
Shinzo Abe plaidait en faveur de cette nouvelle lecture depuis son arrivée au pouvoir, il y a un an et demi, et ce malgré l’hostilité d’une grande partie de la population toujours attachée à l’article 9.
En fin de journée, Shinzo Abe devait expliquer lors d’une conférence de presse la philosophie de cette nouvelle interprétation de la loi fondamentale concoctée par un panel d’experts mandatés par M. Abe lui-même et dans le secret des deux partis de la coalition au pouvoir, le Parti libéral-démocrate (de M. Abe) et le Nouveau Komeito.
MANIFESTATION D’OPPOSANTS
Un sondage publié lundi dans le quotidien financier Nikkei relevait que 50 % des électeurs se disent opposés à ce projet – contre 34 % de partisans –, et une manifestation a rassemblé lundi plusieurs milliers de personnes dans les rues de Tokyo. Parmi les mots d’ordre : « Je ne veux pas voir mourir nos enfants et nos soldats. » Mardi, de nouveau, des centaines de manifestants ont défilé près du bureau du premier ministre pour tenter de s’opposer à l’adoption du projet.
Le projet de Shinzo Abe est par ailleurs susceptible de dégrader encore les relations avec Pékin, qui entretient déjà des relations houleuses avec Tokyo en raison de contentieux territoriaux et du souvenir de la seconde guerre mondiale. L’agence officielle de presse chinoise Chine nouvelle a estimé mardi que Shinzo Abe « jou[ait] avec le spectre de la guerre ».